Comme pour sa sortie au théâtre d’il y a quelques temps déjà, c’était les grandes affiches placardées dans certains coins de Tennoji qui avait attiré l’attention de la dragonne. Sur les immenses posters accrochés aux poteaux publicitaires, ses prunelles dorées avaient vu défiler Sirènes, Phoenix, Léviathan et surtout…Dragons. Et même si la représentation de ces derniers n’était pas parfaitement exacte et identique à notre cher modèle grandeur nature, cela n’avait que pu attiser sa curiosité.
Depuis les quelques mois où elle évoluait parmi les humains, Ashkore s’était en effet mise en tête de retrouver au moins un de ses confrères. Elle ne voulait pas s’habituer et penser au fait qu’elle était sans doute la dernière de son espèce, alors elle espérait, elle souhaitait de tout son cœur trouver un de ses compagnons.

Ainsi, plus que de se renseigner sur les êtres qui peuplaient majoritairement la Terre et sur les deux millénaires d’Histoire qu’elle avait loupé, la jeune femme passait son temps entre agrandir sa fortune et lire des livres sur les créatures mythologique à la bibliothèque du coin. Une fois sur quatre, elle se perdait dans la contemplation d’une illustration particulièrement bien réussit, et les trois-quarts de temps restant, elle les passait à grogner intérieurement en constatant les abominations et hérésies diverses que ses bouquins relataient. Sérieusement, « légendaires » ? Et la personne qui tenait l’ouvrage dans ses mains, qu’était-elle alors ? Un pur fruit d’imagination ? Les humains savaient décidemment bien peu de choses sur ce qui pouvait les entourer…

Dans tous les cas, ses « recherches » ne donnaient pas grand-chose. Comme signaler plus haut, la majorité des écrits se trouvant à la bibliothèque ne relataient soient que des faits connus (les dragons crachent du feu…merci de l’info…), soient des conneries plus grosses que les dragons eux-mêmes, et bien souvent ne considéraient même pas que ce qu’ils racontaient était vrai.
En dehors de ce lieu, il n’y avait ensuite pas réellement d’autres endroits où la dragonne se serait vu chercher plus particulièrement. Naniwa était immense, ce qui augmentait sûrement ses chances de croiser un des siens – si jamais il en existait toujours - par hasard, au détour d’une rue, mais après…pourquoi plus chercher aux alentours du parc que de l’hôpital ou que du marchand de glace de l’avenue surpeuplée de Kita ?
A la réflexion, il est vrai que c’était à Kita qu’elle avait cru reconnaître un de ses chers congénères. Enorme méprise – de son côté comme de celui du bôgosse – qui ne s’était tout de même pas si mal soldée au final. Ashkore y avait gagné un compatriote reptile ce qui était loin de lui déplaire, mais rencontrer le beau serpent à lunettes n’avait néanmoins pas suffi à la satisfaire.

L’exposition temporaire au musée se targuait d’être la plus complète que les gens aient pu voir, et d’exposer des statues grandeur nature des êtres mythologiques dont elle faisait l’exposé. En attendant, la belle brune n’y voyait encore là qu’un superbe ramassis et un énorme déblatérage de bêtises. Elle n’avait d’ailleurs même pas pris la peine de suivre le guide et était allée se planter immédiatement devant la représentation du dragon. Mise à part les écailles émeraude, l’absence de cornes et les ailes en filigrane, on pouvait dire qu’il y avait un petit air de ressemblance…
Plus de 2000 ans qu’elle n’avait pas vu de créature semblable à elle-même…Ashkore ne pouvait qu’en être émue, bien que sachant pertinemment qu’il s’agissait d’un faux. De ses yeux dorés aux pupilles reptiliennes se mirent ainsi à couler quelques gouttelettes étincelantes. Dire que dans les histoires qu’elle avait lues, certains étaient prêt à tuer et à mourir pour obtenir ne serait-ce qu’une seule larme d’un être comme elle…

Puis elle sursauta, coupée net dans la remémoration de son passé par une voix non loin d’où elle se trouvait. Perdue dans ses pensées, elle n’avait pas remarqué la personne qui contemplait elle aussi le dragon factice. Ses prunelles se posèrent donc sur cet homme qui semblait tout aussi étrange qu’elle quand on y regardait de plus près.
Cependant, plus que son physique particulier, c’était les paroles qu’il venait de prononcer qui intriguait la jeune femme. Comme s’il connaissait l’existence de telles créatures.
Ashkore s’approcha donc lentement et coupa à son tour le silence qui s’était instauré, tout en restant prudente et en ne dévoilant rien de son identité et de sa nature.

« Alors vous aussi vous trouvez que cette fameuse exposition n’est en réalité qu’un amoncellement de mensonges plus gros les uns que les autres ? »