En principe, Sundance ne prenait pas ce genre de boulot. Il préférait largement ceux qui consistaient à voler ou récupérer des objets, entre autre. Mais une mission dans le seul but de tuer ? Il n’aimait pas vraiment ça, il n’était pas ce genre de personne.
Sauf qu’il avait absolument besoin d’argent et qu’il en était arrivé à un point où il ne pouvait pas se permettre de faire la fine bouche. Pas que squatter chez En-Zakel le dérange en quoi que ce soit mais, tout de même, il tenait à son indépendance et se doutait qu’il devait en être de même pour la Faucheuse. Elle ne le garderait pas indéfiniment chez elle, fallait pas croire. Alors il valait mieux pour lui qu’il ne prenne pas trop l’habitude de se la couler douce.

Puis on lui avait proposé ça. Et lui, il n’avait pas vraiment eu d’autre choix que celui d’accepter. Parce que la somme qui l’attendait au bout était rondement jolie et qu’on lui avait assuré que la cible à abattre était réellement un danger à ne pas prendre à la légère. Qui a dit qu'il ne relevait jamais les défis ?

Mais il n’aimait quand même pas le principe.


02h45. Pas un bruit aux alentours. Sundance s’était renseigné, avait vérifié, checké et double-checké, il n’y avait pas de sécurité à l’extérieur. Ou si peu. Un garde, un clebs, facilement contournables. Pas vraiment de danger dans l’immédiat, donc, mais ça ne l’empêchait pas de maintenir sa vigilance au plus haut niveau.
Il avait repéré sa porte d’entrée quelques plus jours plus tôt, soigneusement observé le fonctionnement et les rondes, fait ami-ami avec quelques membres du personnel d’entretien, etc.
C’était définitif, il avait une sainte horreur de tout ce qui nécessitait un minimum de subtilité et des préparations trop longues et compliquées. La subtilité, c’était pour les gens qui aimaient réfléchir et Sundance… bah, c’est pas qu’il était con mais juste, c’était Sundance, quoi. Ça ne collait pas à sa nature impulsive. Vraiment pas.
Mais il avait réussi à rentrer, sans déclencher d’alarme. Et pendant ce qui lui avait semblé une éternité – mais une éternité de quinze petites minutes seulement –, tout s’était bien passé.
Jusqu’à ce qu’il perçoive au bout du couloir dans lequel il se mouvait un rai de lumière filtrant au dessous d’une porte. A cette heure-ci, sérieusement ?
Forcément, le Kid n’avait pas su résister à la tentation et s’en était approché à pas feutrés.

Curiosity killed the cat.
Fort heureusement pour lui, il n’était pas un chat et éprouvait par ailleurs quelques difficultés à mourir.
Alors il s’était un brin penché vers la porte fermée, et tendu l’oreille pour tenter de saisir la conversation. Les voix lui étaient presque inaudibles et il avait failli abandonner pour retourner à sa mission initiale, lorsque le ton était soudainement devenu houleux. Il avait réussi à saisir quelques bribes de paroles bien claires.

Et c’est là que tout avait basculé.

Passé le choc de la surprise, sa première émotion fut la colère. Une violente envie de défoncer la porte, de taper un peu sur les deux mecs en pleine engueulade, poser quelques questions et peut-être taper encore un peu. Etape ouane. Puis courir jusqu’à la pièce où se trouvait ZK-010025 et surtout, surtout, s’assurer qu’il soit et qu’il reste vivant. Etape deux.
Après, il y eut l’espoir. Seulement après. Et avec lui, la logique : mieux valait ne pas traîner ici et mettre à profit le fait qu’il ne soit pas encore grillé pour se tirer d’ici vite fait bien fait. Avec ZK-010025. Vivant.

Il continua son chemin en prenant sur lui pour ne pas trop se hâter, sachant très bien que c’était là le meilleur moyen de se faire repérer. Chance pour lui, les laboratoires n’étaient pas immensément grands et leur plan avait été relativement facile à ingérer. Sundance savait où il se trouvait, et où il devait aller. Il poussa une énième porte. Et Ça fut là, juste sous ses yeux : coincée entre divers appareils dont il ignorait jusqu’au nom, une cuve qui devait bien mesurer deux bons mètres de haut.
Il pénétra dans la pièce à pas lents, à la fois fasciné et rebuté par ce qu’il voyait, incapable d’en détourner le regard. L’autre était entièrement immergé dans un liquide bleu-vert dispensant un faible halo de lumière qu’on devait à cette espèce de lampe placée sur le fond de la cuve.
Sundance s’approcha encore, et encore, jusqu’à finalement pouvoir toucher la surface de la main. Il crut un instant capter le regard de celui qui était de l’autre côté.


Quelque part dans le complexe, une porte claqua.

Et il comprit que le temps risquait de lui manquer. Les deux types de tout à l’heure n’allaient pas simplement partir sans une dernière visite par ici, hein ? Ce serait trop beau, trop facile.
Le Kid reporta son attention sur la cuve en elle-même. Comment on ouvrait ce truc, au juste ? S’il fallait que toute l’eau soit pompée avant de pouvoir faire quoi que ce soit, il en avait pour des lustres.

Oh. Et puis merde.

Son pistolet, il l’avait équipé d’un silencieux pour l’occasion. Alors oui, on ne pouvait pas demander au verre de se briser en silence ni au liquide de ne pas se déverser en renversant tout sur son passage, mais ça évitait toujours la détonation tonitruante. Sundance prit le temps d’avoir une réflexion intelligente et avisa le bouton qui permettait de couper le courant de la pièce – c’était plus sûr avec toutes ces machines –, remarquant au passage que la cuve devait être branchée sur secteur indépendant puisque toujours fonctionnelle après ça, puis braqua son flingue à sa base.
Tira.
Sept coups, une fissure suffisamment large pour que la pression du liquide achève de briser la vitre après force craquements. Il crut entendre une alarme se déclencher – prévisible – mais n’y prêta pas attention, trop occupé à ne pas se casser la gueule avec toute cette flotte.
Ça prit fin aussi brutalement que ça avait commencé.
Et sans réfléchir, il se précipita vers le jeune homme et commença à lui ôter les divers tuyaux et autres câbles qui le maintenaient, arrachant le tout sans vraiment faire dans la dentelle.

C’est qu’ils n’avaient pas toute la nuit devant eux, voyez-vous.

[Désolé d'avance si l'aspect est décousu ou que c'est bourré de fautes. Il est tard D:]



Curieux regard que l’autre posait sur lui. Un peu déstabilisant, aussi. Et les tatouages étranges qu’il arborait sur le visage ne jouaient pas pour rien là-dedans. Mais Sundance avait autre chose à faire que de se soucier de ça dans l’immédiat. Il lui attrapa la main que le brun avait accrochée à sa veste et desserra sa poigne, fermement mais sans excès de brusquerie.

— Oui oui, c’était bien dans mes intentions, qu’il répondit aux mots trébuchants, sans songer pour l'heure à s'interroger sur ce "il" évoqué. On va certainement pas s’attarder par ici.

Sauf que sortir sans grabuge allait être une toute autre histoire. Rentrer en catimini et alors que personne n’était sur ses gardes n’avait déjà pas été la chose la plus évidente qui soit, mais maintenant que l’alarme hurlait tout ce qu’elle pouvait et qu’il n’était plus seul… ça allait être joyeux.
Sans compter le fait que son compagnon du moment semblait tout sauf être en état de courir. Une chose pas bien surprenante en soit puisque le Kid venait tout juste de l’extirper de sa cuve et n’avait pas la moindre idée du temps depuis lequel il marinait là dedans, mais ça allait être plus qu’handicapant dans l’immédiat. Fallait juste espérer qu’il récupère vite, sinon ils seraient vraiment dans la merde.
Genre, plus que ce qu’ils risquaient déjà d’être d’ici quelques instants.

— Tu t’sens en état de marcher, boy ?

Au pire t’as pas le choix, hein.
Sundance l’aida à se relever en le soutenant du mieux qu’il le pouvait, prenant soin dans la manœuvre de conserver une certaine liberté de mouvement pour son bras droit. Le bonhomme se doutait qu’il aurait probablement à se servir de son arme à un moment ou à un autre, et voulait en conséquence être capable de réagir rapidement sans se sentir trop encombré.
Commença alors le périple à travers tous les débris causés par l’explosion de la cuve en direction de l’unique sortie de la pièce. Quelques toutes petites minutes durant lesquelles Sundance faillit bien croire qu’ils parviendraient au moins à franchir cette porte-là sans encombre. Maiiiis… non. Elle s’ouvrit en fracas sur les deux types qu’il supposa être ceux qu’il avait croisé un peu plus tôt tout à l’heure, au vu de leur accoutrement – entendons par là qu'ils avaient plus une dégaine de scientifique que de molosse chargé de la surveillance. Au moins la sécurité n’avait-elle pas encore eu le temps de rappliquer, c’était déjà ça de gagné.
L’immortel fit alors la seule chose qui lui semblait valable : pointer son revolver en direction de l’un des deux en espérant que la menace serait suffisante pour qu’ils s’écartent. Ne pensant pas ces gars-là dangereux, il n’avait pas franchement l’envie de passer directement au niveau supérieur en tirant sans sommation. Il n’avait après tout pas un stock illimité de munition sur lui et préférait autant les économiser tant qu’elles n’étaient pas absolument nécessaires.

[et point de Tchaikovsky pour ce post finalement, Beethoven lui a piqué sa place]


Dans ce genre de cas en général, ce n’était pas les ennemis que l’on visait si l’on voulait avoir une chance de s’en tirer, mais plutôt la personne qu’on enlevait. En espérant que la menace soit suffisamment efficace pour dégager le chemin jusqu’à la sortie.
… une stratégie qui, si l’on prenait la peine de s’y pencher dessus deux minutes, était des plus stupides. Parce que soit on n’avait pas la moindre intention de tirer, ce qui rendait la menace totalement caduque et par là même inefficace, soit on tirait et, en plus de se retrouver avec un poids bien encombrant sur les bras, on grillait totalement la dernière chance qu’on avait de s’en tirer indemne.

Ici, néanmoins, la situation était un poil différente. Après tout, Sundance « kidnappait » un immortel.
Autrement dit, une menace de mort sur lui n’avait pas une seule chance de prendre, même pas un dixième de seconde. Plutôt emmerdant, pas vrai ?
Aussi le cowboy avait-il pris la décision de braquer son arme sur les deux hurluberlus en blouse blanche, espérant très fortement que ceux-là seraient suffisamment couards pour faire dans leur froc et se tirer vite fait bien fait sans faire d’histoire.

Et je vous jure que, l’espace d’un instant, Sundance avait réellement cru que ça avait fonctionné lorsqu’il les avait vus reculer, la peur brillant dans leurs yeux.

Oui mais. C’était oublier un petit détail vaguement crucial dans le contexte actuel. Grande cuve remplie de liquide, grande pièce remplie de machines, cuve explosée et liquide répandu un peu partout… vous vous rappelez ?
Il est vrai que quelqu’un avait déclaré, un peu plus tôt dans l’histoire, que Sundance s’était montré assez intelligent pour songer à mettre hors-circuit le système électrique de la pièce avant de passer à l’action.
Là où il n’avait pas été bien malin, en revanche, c’était de ne pas avoir songé que la cuve n’était peut-être pas la seule à être branchée sur un générateur secondaire. En conséquence de quoi d’autres machines avaient très bien pu rester fonctionnelles malgré son petit coup d’éclat.
Et donc, qu’elles avaient très bien pu être endommagées au moment où le Kid avait tiré sur la vitre.

Ce que les scientifiques avaient vu, tandis que Sundance était tout à la fois occupé à garder son attention – et son révolver – sur eux et à empêcher son ptit bonhomme de s’échapper de la prise qu’il avait sur lui, confirmait justement l’hypothèse émise ci-dessus à propos d’un éventuel endommagement.
Juste sur sa droite, là, à quelques mètres. Un crépitement insistant auquel il n’avait pas prêté son oreille et qui avait pourtant commencé dès le début. Un grésillement qui se faisait de plus en plus présent, forçant finalement l’attention à se focaliser sur lui.

Sauf que quand ce fut enfin le cas, il était déjà trop tard.

Et,
KA-BOOM.