Est-ce qu'on peut littéralement mourir de peur ? Une terreur intense, ou la surprise, peuvent parait-il provoquer un arrêt cardiaque chez des personnes présentant une certaine faiblesse au niveau du cœur.
Fubuki n'était pas de ceux-là, elle venait de s'en rendre compte à ses dépends. L'homme en noir, macabre et menaçant plus que jamais, était pire qu'un simple lycan, oui pire qu'un prédateur affamé. C'était un démon, rien de plus ni de moins, totalement instable et dont les intentions n'étaient claires pour personnes, pas même pour lui visiblement. Et Fubuki avait bien cru mourir à cause de lui. Lorsqu'il s'était emparé d'elle pour l'acculer contre le mur, dans un mouvement si subit et si brusque, le muscle palpitant dans la poitrine de la jeune femme s'était serré au point qu'elle en aurait presque perdu conscience. Trop faible, trop perdue, Fubuki n'était qu'une feuille presque morte ballotée et maltraitée par les bourrasques d'un vent qui se faisait tantôt discret, tantôt violent.

Il ne l'avait pas tuée. Bien. Elle n'était pas non plus morte de la frousse terrible qu'il venait de lui infliger. Bien aussi. La brunette désespérait cependant de réussir à sortir de ce foutu appartement. Elle voulait y croire, elle cherchait à espérer, mais la porte restait close. Appuyée contre elle, haletante, le regard trouble, Fubuki savoura son contact frais contre sa peau. La liberté était là, à quelques centimètres d'épaisseur. Elle l'entendait presque l'appeler.
Et puis une voix se fit entendre. Une mélodieuse suite de chiffres et de lettres prononcées par son geôlier. Probablement un piège, un faux espoir encore pour mieux voir Fubuki se désagréger à mesure que ses forces et sa volonté la quittaient... Mais la silhouette au coin de son œil, mince, moins menaçante maintenant qu'elle s'était éloignée, semblait ne plus vouloir revenir. Le maître des lieux s'était éloigné autant que possible, à l'exact opposé de là où se trouvait Fubuki, qui de ses doigts fébriles chercha à déverrouiller la porte. Le premier essai fut un échec. Son cœur se serra encore et elle failli laisser tomber. Au cas où, pour tenter juste comme ça, histoire de ne rien perdre, Fubuki inversa les deux premiers chiffres, ceux qu'elle avait le plus probablement mal entendu ou mal retenu. Il y eut un déclic. Elle en aurait presque pleuré de soulagement.
Maladroitement, et plus lentement qu'elle ne l'aurait souhaité, Fubuki se glissa à l'extérieur. Les escaliers lui tendaient les bras et elle s'y serait presque jetée la tête la première. Tout pour sortir au plus vite de cette pénible épreuve. Rentrer chez elle, pleurer autant qu'elle le voudrait, se réfugier auprès des siens et y passer une semaine entière sans en sortir. Fubuki se découvrit de nouvelles forces avec ces nouveaux objectifs. L'espoir était revenu, plus fort que jamais, et c'est avec un dernier regard vers le balcon, au loin à l'autre bout de l'appartement, qu'elle referma la porte dans un claquement sec.

Elle était sortie. Fin du cauchemar. Plus de bête vorace essayant de la dévorer vivante, plus de démon au regard émeraude se plantant dans son esprit jusqu'à lui faire douter de la réalité. Fubuki descendait les escaliers, elle les descendrait tous, pas question de s'enfermer dans un ascenseur. Elle avait envie d'air, d'espace, et de normalité. Et pendant que les marches défilaient dans ses yeux comme un compte à rebours vers ce rêve tant espéré, il lui sembla que tout ce qui venait de se passer n'était qu'une hallucination. C'est ce que Sylvain dirait, elle aurait sans doute consommé sans le vouloir une substance ayant altéré sa vision des choses, peut-être pendant l'entretien à l'étage en dessous de celui où elle s'était retrouvée enfermée. Elle avait exagéré les choses, s'était affolée d'un rien, avec pour simple adversaire un homme acariâtre et tout au plus un tantinet sadique. Quelle idée. Quelle stupide idée. Plus jamais elle ne s'introduirait dans un appartement par effraction, jamais.
Une bouffée d'air frais, quelques enjambées encore pour quitter la rue, et Fubuki se laissa tomber sur un banc, la tête entre les mains et le souffle court. Dans quelques minutes, quand elle aura repris ses esprits, elle chercherait un taxi. Plus rien ne pressait à présent et si elle se sentait encore particulièrement faible, elle savait le danger écarté. Car malgré tout dans sa mémoire, il y avait cette image trouble d'un homme fatigué qui l'avait laissée en vie.