C’était l’heure de la journée où le Chat d’Or se vidait, puisqu’il n’y avait rien de programmé ce soir. L’heure à laquelle la Patronne restait plantée derrière son comptoir, bien heureuse qu’on lui fiche la paix. Oh, pas nécessaire de préciser que madame n’était pas d’humeur charmante. Au fond, elle ne l’était jamais. Un poil aigrie, surtout grognon. C’était ce qui arrivait quand on avait naturellement un mauvais caractère, et qu’on n’était pas vraiment tenté de l’améliorer. Enfin, ce le ne l’empêchait pas de servir ses clients avec un semblant de sourire. Et puis, qu’elle soit en train de sourire ou en train de tirer la gueule, Kilian était de toute façon intimidante. Que ce soit à cause de son visage relativement sévère, son regard perçant ou tout bonnement autre chose. Peut-être parce qu’elle ne se laissait pas faire, et qu’elle n’hésitait pas à virer le moindre client qui dérangeait le calme relatif des lieux. Comme en fin de matinée, par exemple. Un jeune homme un peu trop échauffé, qui avait trop abusé de la bière. Et qui ne semblait pas en supporter ses effets. Elle n’avait eu d’autre choix que de le faire sortir elle-même, ses deux employés trop occupés à glander dans un coin. Autant dire qu’elle n’y était pas allée de main morte, et l’avait trainé à l’extérieur sans ménagement. S’il y avait bien un truc que les habitués avaient retenu, c’était bien de ne pas faire le guignol avec la patronne. Enfin, le reste de la journée avait filé sans le moindre heurt. Et là, l’ancienne flic était donc derrière le bar, frottant une chope avec un chiffon, l’air absent.

Dans la salle, quelques personnes qui discutaient, autour d’un café ou d’un verre de vin, parfois des cacahuètes pour se caler vite-fait l’estomac. Rien de bien fabuleux non plus, ça restait un café et pas un restaurant. La noiraude, concentrée sur l’astiquage de ses chopes, à défaut d’astiquer autre chose, faisant son possible pour ignorer un de ses employés, adossé au mur, balai en main. Surement comptait-il les mouches, à défaut de balayer le plancher. Pour changer. C’était à se demander pourquoi elle le gardait encore, tiens. Parfois, elle se disait qu’elle ferait bien mieux de le virer. Malheureusement pour elle, et bienheureusement pour lui, l’hawaïenne n’était pas une sans cœur. Puis, c’était un bon garçon, juste un poil paresseux.

Voyant qu’on lui faisait signe, Kilian finit par soupirer et déposer son torchon, pour ensuite se rapprocher du client un peu trop impatient à son gout. D’un autre côté, entamer sa patience à elle était plutôt aisé. Debout auprès de lui, elle prit ensuite sa commande, tournant les talons sans attendre. Le mouvement suivit par quelques regards indiscrets, relativement attirés par son fessier moulé dans un pantalon de cuir bien ajusté. Disons qu’elle ne se privait pas vraiment d’exposer sa personne, sans pour autant faire dans l’exhibitionnisme. La preuve étant le haut, un simple débardeur noir bien basique.

Dans un premier temps, la noiraude n’avait pas réalisé qu’un nouveau lient s’était présenté, trop occupée à maudire intérieurement le client qui l’avait faite déplacer au lieu de bouger ses fesses. Seulement, difficile de manquer l’imposante silhouette à l’allure atypique qui était présentement posée au comptoir. Tout comme il était difficile pour elle de ne pas reconnaître de qui il s’agissait. Sourcils légèrement haussés, elle ricana doucement, pour ensuite lui répondre, sourire en coin : « Hm. Je ne sais pas trop… Est-ce que tu mérites vraiment ma générosité ? » Sans plus attendre sa réponse, elle lui tourna le dos, pour ensuite prendre un verre sur l’étagère, et le déposer devant Dimitri. « Voilà ton verre. » commenta-t-elle, un large sourire railleur étirant ses lèvres pulpeuses. Son regard azur était planté sur lui, le dévisageant. Pour ensuite se pencher vers lui, accoudée au comptoir. « Tu veux quelque chose avec ton verre, dis ? Ca doit être un peu sec, non ? » Elle se foutait de sa gueule, pour tout dire. Avec le sourire. Bah, fallait bien se détendre, hein.

Sa réaction était tout bonnement hilarante. Cela dit, et heureusement pour lui, madame n’était pas vraiment du genre à rire à gorge déployée non plus. Ah non, il ne fallait pas oublier qu’avec le temps, Kilian s’était retrouvée avec un caractère plutôt grognon et prompt à râler dès que possible. Et non pas celui d’un joyeux luron ayant toujours le sourire aux lèvres. Bon, le gugus qui lui faisait face était un peu un cas spécial. Notamment à cause du fait qu’elle connaissait parfaitement l’intérêt qu’il lui portait, surtout à son décolleté et qu’il leur était arrivé de se laisser un peu trop aller l’un avec l’autre, jusqu’à déraper. Pour ensuite faite comme si de rien était le lendemain matin, et reprendre leur petit jeu de séduction sans subtilité. C’était distrayant, quoi que depuis quelques temps, elle n’avait plus tellement eut le temps de venir le déranger. Même ses escapades nocturnes sous sa forme félines étaient réduites drastiquement. Il y avait une raison bien précise, et elle préférait l’oublier, nettement.

Ses mirettes azur toujours déposée sur le russe, un sourire en coin, commenta rapidement sa réflexion, bien qu’elle ne demandait pas tellement de réponse : « Visiblement. » Bien rapidement cependant, elle reporta son attention sur le verre qu’il tenait toujours, comprenant qu’il ne risquait pas de lâcher l’affaire si vite. Il avait de la chance qu’elle l’appréciait, pour bien des choses, car autrement, il se serait fait envoyer balader sans plus attendre. Et pour le coup, il était culotté. Et sans aucune politesse. D’un autre côté, elle n’attendait pas non plus grand-chose venant de lui. Non pas qu’elle le prenait pour une imbécile ou un débile mal élevé non. Juste qu’elle le voyait très mal se répandre en compliments et politesse pour ses beaux yeux. Bien que pour le coup, ce ne semblaient pas être ses yeux qui captivaient son attention. Pour changer.
Enfin, cela ne l’empêcha pas de lui lancer une petite remarque, accompagnée d’un regard coquin bien appuyé sur sa personne : « A défaut de pouvoir me payer autre chose, hein… » A mort la subtilité. Restait encore à voir comme il allait le prendre, tiens.

D’une main, elle récupéra le verre, pour ensuite se redresser et se décaler jusqu’à destination, histoire de lui servir sa bière. Pas exigeant, en plus de ça. Si ça n’avait tenu qu’à elle, elle lui aurait servi une tisane. Juste pour voir la tête de monsieur Dimitri. Chose certaine, c’était presque un exploit de la rendre si taquine. Enfin, ça elle ne risquait pas de le lui dire, ça pourrait lui faire bien trop plaisir, tiens. Puis, revenant vers lui, l’Hawaiienne déposa donc la bière devant son cher client, dans un geste maintes fois effectué déjà. En même temps, depuis qu’elle travaillait ici, il fallait bien.
Récupérant ensuite une autre chope par encore essuyée, ainsi que son torchon, elle reporta son attention sur lui, qui s’étalait pas mal, en fait. Heureusement qu’il était le seul au comptoir. Ou dommage, cela lui enlevait l’occasion de le virer, ou faire comme si. « Y’a pas qu’au pieu que tu prends de la place, à ce que je vois. » Bah, pourquoi s’embêter de sous-entendus implicites, quand on pouvait y aller cash, sans choquer son interlocuteur ? C’était nettement plus drôle ainsi, voyons.

« Et qu’est-ce qui t’amènes ici, au juste ? Je te manquais ? » La question se posait. Et la réponse l’intriguait grandement. Après tout, ce bar n’était pas vraiment le genre de Dimitri. Pas qu’elle soit capable de dire ce qui pouvait être son genre ou non, mais disons que. Il faisait vraiment tâche, ici. Et pas qu’un peu. Il suffisait de voir le regard du type qui venait de se pointer au bar, pour demander une autre bouteille de vin à la patronne, son regard à lui aussi se perdant sur elle, et pas uniquement sur son décolleté. Notamment lorsqu’elle se retourna. Et une fois qu’il fut à nouveau à sa table, Kilian reprit son activité un tantinet monotone. Et qui pourrait presque être suggestive, vu la façon qu’elle avait de glisser sa main dans le récipient.

Quand ce n’était pas lui qui commençait leur petit jeu puéril et idiot, elle devait bien s’y coller. Sinon, ce n’était nullement intéressant. Et Kilian devait avouer qu’elle adorait le rembarrer, sans jamais être vraiment méchante. Non, elle préférait le titiller sur ce qui avait pu se passer entre eux, ou tout ce qui se rapprochait de l’attirance qu’ils avaient l’un envers l’autre. Parce que même si elle ne cessait de l’envoyer paître, l’ancienne flic ne pouvait nier que le mécano était fort à son goût. Preuve en était ces soirées où elle avait fini dans ses bras sans broncher. Pour ensuite, le lendemain, l’ignorer royalement. N’hésitant aucunement à lui râler après au moins son, au moindre mouvement. Avait-il ne serait-ce qu’enregistré que madame était très irritable au lever ? Pas si sûr. Enfin, elle lui laissa le bénéfice du doute. Puis, ce n’était pas tellement le moment de penser à ça, non ? Il lui avait demandé un verre, après tout. Pas de coucher avec lui. Quoi que sa visite était un poil louche, mais bon, passons.

Et le voilà qui râlait à son tour. Si c’était pas malheureux, ça. Jamais content, dis donc. Enfin, elle pouvait causer, elle n’était pas mieux. Si ce n’était pire, même. Quoi qu’elle ne risquait pas de le reconnaître devant lui, elle qui pourtant n’était pas la dernière à reconnaitre ses torts. Non, ça lui donnait une occasion de plus pour râler sur son compte à lui, tout bonnement. Préférant ne rien répondre cette fois, ne trouvant rien à lui répliquant dans l’instant, si ce n’est des choses qu’il savait surement déjà, elle continua simplement de frotter le récipient en verre, qui n’était pas si léger que ça, tiens. Cela dit, voyant qu’il suivait son mouvement, elle lui glissa, railleuse : « Ça te donne des idées ? » Franchement, elle s’était connue plus élégante. Sauf qu’avec lui, elle ne s’en sentait ni l’envie, ni le besoin. C’était à la fois une bonne et une mauvaise chose, au fond.

Enfin, outre ce manque total de subtilité et d’une quelconque forme d’élégance dans leur conversation, pour changer, l’hawaiienne attendait toujours des réponses de sa part. Non pas qu’elle s’inquiétait particulièrement de savoir s’il lui manquait ou non, mais plutôt qu’elle se demandait s’il était venu la voir avec une idée particulièrement derrière la tête ou pas. Disons que depuis qu’elle le connaissait, et surtout, qu’ils se « fréquentaient » si on pouvait dire ça comme ça, c’était surement une des premières fois qu’elle le venait ramener son postérieur ici. Non, franchement, ça cachait un truc. Sa réponse négative lui fit foncer les sourcils. Elle ne s’y attendait, pas tiens. Bah, elle n’était pas vexée, quand même. Juste surprise. Alors autant dire que la suite la laissa aussi perplexe que sceptique. « J’ai du mal à savoir si tu dis la vérité ou si tu me prends pour une conne. » Mentalement, sa phrase resta bloquée à « tu me prends », fait qui lui arracha un vague sourire. Dieu qu’elle pouvait être vicieuse, parfois ! Enfin, le tout n’avait pas été dit sur un ton de reproche. Juste très franchement.

Secouant la tête, elle rangea la dernière choppe, pour ensuite s’accouder à nouveau au bar, menton sur sa paume, l’observant. Vraiment pas discret, le gugus. Enfin, c’était notamment grâce à son allure pas commune qu’elle l’avait retenu, parmi les connaissances plus ou moins louches de son ex. « L’arrière-cour ? » La noiraude haussa les sourcils, tournant la tête vers le petit couloir y menant. Pour ensuite soupirer et poser un regard vaguement blasé sur le russe. « J’en déduis que t’y es allé faire un petit tour ? » Elle ne croyait pas si bien dire, tiens. Vraiment.

Quelques instants passèrent, avant qu’elle ne voie passer Hakim, visiblement près à partir. La patronne secoua la tête, lui recommandant de faire des efforts demain, sinon il risquait de se prendre son balai dans un endroit très déplaisant. Elle eut droit en retour à un rire nerveux de la part du jeune homme, ainsi qu’a de plates excuses, pour ensuite le voir filer. Elle ricana quelque peu, avant de poser son regard sur le verre à moitié vidé de son interlocuteur. « Heureusement que t’es pas aussi rapide au lit, hein. » Sinon, cela ferait bien longtemps qu’elle aurait mis fin à tous ses espoirs. Parce qu’elle était chiante et exigeante. Difficile à contenter, aussi. Une vraie femme, quoi.

« Alors comme ça, je te manque même pas ? C’est pourtant pas ce que j’avais cru comprendre la dernière fois ~ » Elle ricana légèrement. Bah, sa visite lui permettait de décompresser un peu, tiens. Et ça faisait pas mal de temps qu’ils ne s’étaient plus vus, qui plus est.

C’était quoi ce sourire, au juste ? Déjà qu’il n’avait pas l’air bien fin le reste du temps, là il forçait un peu la dose d’imbécilité. Abandonnant quelque peu l’idée de renchérir sur ce propos, elle laissa filer, tout en secouant la tête, l’air franchement atterré par sa connerie prodigieuse. Cela ne faisait d’ailleurs qu’accentuer son habituel air sérieux et peu commode. Et pour en revenir au russe, il lui était déjà même arrivé de se demander si sa bêtise était contagieuse ou non. Sait-on jamais, hein, elle ne voulait pas en arriver au même point que lui. Enfin, au fond, elle l’aimait bien, ce grand guignol, car bon, coucher avec des types qu’elle ne pouvait pas voir en peinture, ce n’était pas trop son truc. Il était chanceux, d’ailleurs, parce que madame n’était pas vraiment connue pour faire ami-ami avec n’importe qui, et surtout, à supporter tous les rigolos qui pouvaient trainer dans le coin. Pas avec le caractère de chien qu’elle se trainait.

La suite lui fit légèrement hausser un sourcil, avant de secouer la tête. Là encore, elle se retint le moindre commentaire, n’étant pas non plus la personne la plus bavarde qui soit. Et quand elle n’avait rien à dire, autant se taire. La suite par contre, était bien plus drôle, et voyant sa réaction outrée, la noiraude ne put que ricaner doucement, son regard moqueur posé sur lui. Il fallait dire qu’elle savait où viser pour le faire réagir. Comme avec beaucoup d’homme, tiens. Critiquez-les en dessous de la ceinture, et vous les verrez presque toujours agir comme de pauvres petites créatures froissées.

Penchant légèrement la tête alors qu’il tentait vainement de faire passer un message qu’elle ne comprenait pas le moins du monde, à coup de phrases aussi claires qu’il pouvait faire noir dans le cul d’un singe, l’Hawaiienne soupira et commenta : « Tu t’enfonces, là. » Quant à sa remarque pleine de délicatesse et d’élégance, au moins autant que ce qu’elle avait pu lui dire un peu plus tôt, elle resta silencieuse. Lui lançant un regard voulant nettement dire « tu te fous de ma gueule ? », les lèvres pincées. Autant de finalement secouer à nouveau la tête. Pour ce qui était de la connerie, il était éblouissant d’efficacité, il n’y avait pas à dire. Bon, pour le reste aussi, mais ça n’avait pas rapport. Quoi que. Il méritait bien une réponse à hauteur de son imbécilité.
C’est ainsi que, désignant sa main droite, elle lui balança, sourire narquois en prime : « J’ai ceci pour toi. Elle a très envie de rencontrer sensuellement ta gueule. Ca te dit ? » Si ça ce n’était pas clair, elle ne pouvait plus rien faire pour lui…

Bon, d’un côté il n’avait pas bien tort. Ce soir, il n’y avait pas grand monde, et les lieux étaient plus que tranquilles. Tant mieux, cependant, ça lui permettait de se la couler douce. Ces derniers temps, son bras douillait pas mal, et elle avait beaucoup de peine à ne faire qu’essuyer ces stupides choppes. Car même si cela ne se voyait pas, Kilian n’étant pas du genre à laisser ce genre de trucs se remarquer sur son visage, elle souffrait le martyr. C’était surement ce qui la rendait passablement irritable, depuis quelques temps. Un peu de détente lui ferait du bien. Et elle avait la personne parfaite pour cela juste en face d’elle. Sauf que… Non. Il allait devoir se montrer un peu plus convaincant, tiens. Puis elle aimait bien le faire courir.

« Je pourrais astiquer autre chose, mais en public se serait plutôt… Malvenu. » Elle se mordilla légèrement la lèvre, lui jetant un regard plus qu’équivoque, pour ensuite lui tourner le dos, histoire de ranger les derniers verres dans le meuble, l’obligeant à se pencher quelque peu. Se redressant quelque peu, levant la tête vers lui, elle renchérit, histoire de le faire marcher un peu : « Et je parle pas du truc que t’as entre les jambes ~ » Elle pouffa de rire, retournant finalement s’accouder au bar, face à lui. L’heure de fermeture approchait, d’ailleurs. Elle espérait juste ne pas devoir virer les types qui restaient à coup de balai. Surtout qu’ils en étaient à leur troisième bouteille de vin. Et parlant de ça, elle avait soif. C’est pourquoi elle ne tarda pas à aller se servir une bière à elle aussi, en vidant un bon tiers, laissant ensuite échapper un soupir. « Évidemment que je vais me plaindre, quelle question ~ » Pour changer, hein.

Lui, se taire ? La bonne blague, ouais. Franchement, elle avait du mal à y croire. Et la face d’imbécile qu’il affichait n’aidait vraiment pas son cas. Enfin, au milieu de tout ça, il avait bien de la chance qu’elle le tolérait un minimum. Bon, la vérité était qu’elle l’appréciait, mais une fois de plus, pas question de lui faire ce plaisir. Puis bon, autant dire que Kilian et les mots, ça faisait deux, et il avait bien dû le comprendre tout seul. Quoi que. Porter trop de crédit envers les capacités de son cerveau était un jeu risqué. Oui, elle était bien vile avec lui, mais disons qu’il ne faisait rien pour arranger son cas, d’un autre côté. Enfin bon, c’était bien vilain d’être une telle vipère avec lui, alors qu’au fond, elle était plutôt contente de le voir. Après tout, elle n’était pas au top de sa forme depuis un moment déjà. Et il n’y avait pas meilleur réconfort que de le mener par le bout du nez. Oui, rire un peu, même à ses dépens, ne pouvait que lui faire le plus grand bien.

A nouveau accoudée au bar, verre en main et sourire narquois aux lèvres, elle l’observait à nouveau. Attendant tout bonnement qu’il parle encore pour l’envoyer balader. Il était doué pour lui tendre des perches, après tout. Et je ne parle pas ce genre de perche-là. Surtout que nommer ainsi ce détail anatomique serait un peu exagérer. Ah tiens, encore une réplique cinglante à lui servir s’il renchérissait du côté de la non-subtilité. Comme si elle était mieux que lui à ce niveau. Évidemment, quelle question.

« Jamais. C’est tellement distrayant. » Réponse balancée du tac-au-tac, accompagnée d’une sourire railleur auquel il avait bien souvent le droit. A croire qu’elle passait son temps à continuellement se foutre de sa tronche. Ce qui n’était pas si faux, au fond. Puis, ça changeait de leurs premières rencontres, quand elle ne faisait que continuellement l’ignorer, quoi qu’il arrive. Bon, d’un autre côté, vu comment son ex était susceptible, mieux valait agir ainsi. Histoire d’éviter toute dispute. Parce que la noiraude détestait les disputes. Tellement barbant. Bah, elle ne comprenait même pas pourquoi elle pensait à ce con, tiens. Il était très bien où il était et elle le vivait très bien.
Sortant de ses pensées, baissant brièvement le regard vers le verre repoussé dans sa direction, elle laissa échapper un ricanement amusé, sans cependant pouvoir s’exprimer. Vraiment ? Le voilà qui renchérissait de ce côté-là. Hm. Intéressant. Kilian se pencha un peu plus vers lui, son visage plus proche du sien « Va falloir être plus convainquant que ça si tu veux un autre verre. Quant au reste… » Elle fut coupée par un éclat de voix venant de la salle. Lâchant un « Bordel de merde » très élégant, elle se recula, brisant le petit jeu qui avait semblé commencé à s’échauffer un tantinet. Contournant le comptoir d’un pas rapide, elle se dirigea donc vers la dernière table occupée, histoire de voir quel était le problème.

Visiblement, les messieurs encore présents avaient décidé de faire quelques avances et gestes déplacés envers la serveuse qui terminait son job, la mettant très mal à l’aise. Autant dire que tout cela déplu à la patronne. S’il y avait bien une chose qu’elle ne permettait pas, c’était bien ce genre d’attitude dégueulasse. Rassurant son employée de quelques paroles, pour ensuite revenir avec elle vers le russe et le bar. En temps normal, elle les aurait viré elle-même, mais elle savait que son bras ne tiendrait pas la route. Pas question d’avoir plus mal encore, qui plus est. Pas que ça l’enchantait franchement, mais une fois revenue à sa place précédente, elle lâcha un soupir, avant de se pencher vers monsieur, laissé en plan un peu plus tôt. « Hm, je te propose un deal. Si tu me vires ces types sans trop faire de grabuge, je pourrais fortement envisager de t’offrir un autre verre… Plus une démonstration privée de ce quelque chose soi-disant malvenu. » Elle ricana doucement, ne pouvait s’empêcher de laisser planer de lourds sous-entendus dans cette demande plutôt sérieuse. Puis, c’était honnête, non ? « Alors ? »

Ca ne l’enchantait pas franchement de lui demander ce service, bien que ce n’était pas grand-chose. Et voir son air surpris de l’étonna pas le moins du monde. Cependant, à son commentaire, elle ne répondit rien, fronçant juste les sourcils et bougeant vaguement son bras gauche, le tout semblant être ardu et douloureux, comme le montrait sa mâchoire soudainement crispée. Outre cela, elle le remercia intérieurement de ne pas avoir posé plus de question ou fait une quelconque remarque. C’était un sujet actuellement délicat pour elle, qui la mettait légèrement sur les nerfs. Car bon, Kilian avait toujours été une demoiselle qui se démerdait seule et qui savait s’en sortir sans personne. Mais là, elle se retrouvait avec un bras bancal et des capacités nettement réduites. Ce qu’elle pouvait regretter ses premières années dans la police, quand elle possédait encore toutes ses capacités. Donc oui, actuellement, mieux valait vraiment éviter de trop aborder le sujet, de blaguer à ce propos ou juste de l’interroger sur l’état de son bras. Parce que l’ex flic avait tendance à mordre. Et pas qu’au figuré. Mais ça, il en était déjà au courant.

Ainsi, hochant simplement la tête, un vague sourire aux lèvres. « J’aurais tendance à dire que c’est surtout ce que t’as entre les jambes qui parle, là. » Bah oui, hein. C’était l’occasion rêvée de lui sortir une autre vilénie, elle n’allait pas se retenir. Elle l’observa quitter son perchoir, avec la grâce et l’élégance d’un mammouth anesthésié. Et elle exagérait à peine. D’un autre côté, venant du russe, il ne fallait pas s’attendre à le voir se déplacer avec la légèrement d’une ballerine, c’était sûr.
Bien vite, cependant, elle cessa de l’observer ou plutôt de reluquer son postérieur, pour reporter son attention sur la pauvre serveuse. Lui adressant quelques paroles visant à la rassurer, la jeune femme vraiment mal à l’aise visiblement, la patronne finit par lui dire qu’elle pouvait rentrer, lui appelant un taxi. Mieux valait ne pas prendre de risques. De son côté, monsieur Dimitri ne semblait pas avoir le moindre mal à effectuer sa tâche, et c’est en retenant un léger rire moquer qu’elle finit par voir déguerpir ces messieurs, qui heureusement pour eux, avaient payé leur consommations. Parce que non, l’hawaiienne n’était pas généreuse avec tout le monde. Fallait pas pousser non plus, elle était loin d’avoir l’âme d’un Père Noël ou autre conneries du genre.

« Heureusement que c’était pas trop compliqué, ouais. » Insinuait-elle qu’il était idiot ? Elle n’osait pas, voyons. Jamais. C’était bien trop vil et mesquin. Et Kilian n’était qu’une demoiselle douce et délicate, pleine de candeur et… Oui bon. Elle se foutait un peu de sa gueule, c’était clair et net. Cela dit, le regard qu’elle déposa sur lui semblait plus que satisfait, et brillait d’une légère lueur qui présageait une récompense plaisante, qui sait ? Mais une fois de plus, elle dut mettre fin à ses observations salaces, ayant entendu le klaxon du taxi. Soucieuse malgré tout, elle raccompagna la demoiselle et fila aux chauffeurs de quoi largement la ramener chez elle, pour ensuite revenir à l’intérieur, la pancarte « fermé » affichée sur la porte à présent. Là, ils étaient seuls. Vraiment.

D’un pas léger, sourire taquin collé à ses lèvres pulpeuses, la noiraude reprit une fois de plus sa place derrière le comptoir, pour servir une autre bière, avant de finalement venir se poster près de lui, la sienne en main. « Paraîtrait que tu mérites une récompenses… » Elle passa sa langue sur ses lèvres, pour ensuite boire une gorgée. « T’as prévu de rentrer tôt ? » Son sourire s’agrandit légèrement, avant qu’elle ne le détourne de sa boisson d’une main, ses doigts posés sur sa joue le forçant à la regarder. Ses lèvres effleurant les siennes, elle lui susurra alors, taquine : « Vu que t’as été utile, je peux bien te laisser monter… Sauf si le comptoir t’excites, évidemment ~ » Elle pouffa légèrement, avant de lui voler un baiser, mordillant ses lèvres au passage, avant de s’enfuir pour ranger les chaises pas à leur place. Fortement amusée. Et pas seulement.

L’entendre râler ne put que la faire sourire un peu plus. A force, ça devenait presque un hobby de le taquiner de la sorte. Surtout quand cela touchait de près ou de loin à sa fierté, ou toutes conneries du genre. Bon, elle n’était pas non plus une méchante sans cœur, et bien souvent, savait se faire pardonner. En soi, leur relation était un peu étrange. Surtout qu’au fond, on ne pouvait pas tellement dire qu’il y avait la moindre relation. Ils couchaient ensemble presque régulièrement –quand ils se voyaient et que madame était d’humeur- et se supportaient mutuellement avec plus ou moins d’efficacité. Il était d’ailleurs le seul qu’elle ait jamais fréquenté qui ne fuyait pas dès qu’elle l’envoyait chier au petit matin. Non, monsieur se contentait souvent de lui rendre la pareille, et c’était très bien comme ça. Elle râlait, mais au fond, ce n’était pas plus mal. Et de toute façon, elle râlait toujours, alors un peu plus un peu moins… Ca ne changeait pas grand-chose.

« Au pire, je tâcherais de te réveiller tôt ~ » Elle lui avait sorti cela comme si ce qui allait se passer par la suite était tout à fait entendu. Bah, d’un autre côté, il arrivait souvent que leurs entrevues se terminent dans un lit. Alors elle ne serait nullement choquée si celle-ci ne faisait pas exception à la règle. Pas déçue non plus, d’ailleurs. Puis, vu sa réponse, lui-même semblait envisager cela comme une possibilité plus que probable. Autant dire que lui comme elle étaient incorrigibles à ce niveau-là. Et que leur relation, si on pouvait appeler ça comme ça, n’était basée que sur cela… ce qui n’était pas tellement faux.

Trop occupée à remette en ordre la salle, notamment en mettant les chaises sur les tables pour faciliter le nettoyage le lendemain matin. Et en se demandant combien de temps il allait tenir sans lui sauter dessus avec plus ou moins de délicatesse. Parce que bon, Kilian savait pertinemment qu’il craquerait. Et même si cela n’arrivait pas –bien qu’il y ait peu de chance- c’était elle qui le ferait. Prévisible, donc, et pourtant à chaque fois si délectable. Chose certaine, elle ne s’était pas encore lassée de lui. Et c’était très bien, d’ailleurs. L’Hawaiienne ne pouvait pas tellement se permettre de cracher sur un peu de détente –ne pouvant voir leur relation autrement qu’ainsi, au final. Elle se voyait très mal l’interroger à ce propos, qui plus est.
Ainsi, elle ne fut qu’à moitié surprise quand elle sentit son corps se presser contre le sien, ses bras musclé la ramenant contre lui. Soufflant quelque peu, faisant mine de râler, pour la forme, elle fut bien contrainte de cesser ce qu’elle faisait, lâchant la chaise qu’elle venait de déposer sur la table. « J’avais oublié ton côté impatient. » Un sourire taquin étira ses lèvres, alors qu’un frisson plaisant agita légèrement son épiderme, lorsqu’elle sentit son souffle contre sa joue. Oh, de son côté, elle ne comptait pas céder de sitôt, hors de question. Elle était nettement plus joueuse que lui, c’était certain. C’est pour cela que, histoire de le titiller plus encore, elle cambra les reins, son fessier bien rebondit se pressant avec insistance contre l’entrejambe de monsieur. Et, tout sourire, elle tourna la tête vers lui : « Mais plus vite tu me lâches, et plus vite t’auras le droit à ta récompense, tu sais ~ » Kilian insista encore un peu, de façon pas bien subtile, avouons-le, pour ensuite tenter de s’extirper de son étreinte. Mais rien à faire. Soupirant quelque peu, elle repoussa quelque peu le bras entourant ses épaules, l’air faussement contrarié histoire de lui faire comprendre qu’elle aimerait bien qu’il la lâche. Et, à défaut de pouvoir s’échapper à nouveau, elle réussit malgré tout à se tourner vers lui, moyennant une légère douleur à son épaule. « T’es chiant quand tu t’y mets. » Secouant doucement la tête, elle lui tira la langue.

Ses deux mains, pendant ce temps, s’étaient glissées sous son haut, ses ongles flattant lentement sa peau, sans lui faire mal pour autant. Ah non, les griffures, c’était pour le feu de l’action, pas pendant qu’ils jouaient, voyons ! Sa silhouette tout en courbes fermement plaquée conter la musculature plaisante de monsieur –quoi que ce n’était pas particulièrement ça qui l’attirait-, elle ricana légèrement, soupirant contre ses lèvres quelques paroles toujours aussi taquines : « Incapable de patienter plus longtemps, hein ? » Elle ne lui laissa cependant aucune chance de répondre, s’emparant de sa bouche sans attendre. Et pas juste pour un petit bisou chaste et mignon, hein. Elle laissa ça aux ados inexpérimentés. Mais plutôt un roulage de pelle en bonne et due forme, soupire en prime.

A bout de souffle ou presque, elle ne se gêna pourtant pas de rajouter ensuite, malicieuse, ses mirettes azur fixées sur lui, avec cette lueur qui les animait à chaque fois qu’ils se retrouvaient si proches : « Par contre, j’en ai un peu marre de rester debout. Si tu pouvais arranger ça… Je pourrais consentir à t’accorder ta récompense plus vite que prévu... » Pas besoin de chercher plus loin. Les chaises derrière lui n’étaient pas encore rangées, suffisait juste de reculer, poser son cul dessus et la tirer sur lui. Elle lui promettait de s’occuper du reste. Quoi qu’il ne devait pas savoir à quoi s’attendre. Surement pas.

Bah, qu’importe qu’elle n’ait d’importance à ces yeux que pour la baise. C’était pour ça qu’ils se voyaient, non ? Puis bon, elle ne faisait pas mieux de son côté, alors le blâmer pour ça serait bien hypocrite de sa part. Quoi que. Râleuse comme elle était, elle pourrait tout à fait se le permettre, tiens. Histoire de lui faire chier un peu plus. Mais finalement, non. Et de toute façon, elle était bien trop occupée en ce moment-même pour pouvoir parler. Parce qu’avouer qu’embrasser quelqu’un tout en parlant, ce n’était pas franchement évident. Ni très agréable. Alors, pour une fois, elle ne dirait rien. C’était déjà oublié, de toute façon, alors que d’autres choses bien plus plaisantes se rappelaient à elle. Comme ce deux mains qui tâtaient allègrement son fessier moulé par le cuir de son pantalon. Incorrigible. Et vraiment dénué de toute retenue ou classe, le monsieur. Pour changer. Oh, ce n’était nullement désagréable, il fallait bien l’avouer, et sentir ses doigts sur elle avait le don de l’allumer un peu plus. Tout bénèf’, autant pour lui que pour elle.

Penser à autre chose que du cul et des pics lancés vicieusement tout en impliquant le russe était de toute façon impossible pour elle. La preuve, elle ne s’était jamais posé la question jusque-là, et ce n’était pas ce soir que cela changerait. C’était juste une brute pas bien futée, et elle, une nana un peu trop tactile et vicieuse. Un peu paumée aussi, mais c’était hors contexte. Alors autant se laisser aller et oublier tout le reste. Comme ça, ouais. C’était pas trop mal. Encore un baiser pas franchement romantique –ne rêvons pas trop- et sa lèvre prisonnière de ses dents, quelques instants à peine. Un peu agressive, la petite. Peut-être à cause de ses gênes félins. Quoi qu’en y repensant, ça avait toujours été le cas. Devenir littéralement une minette n’avait fait qu’accentuer les choses. Ce qui ne devait pas déplaire à son partenaire, puis qu’il ne protesta pas. Il n’avait pas intérêt, tiens, c’était le meilleur moyen de se faire envoyer sur les roses. Enfin, il n’était surement pas con à ce point-là. Normalement.

Voyant qu’il voulait bien accéder à sa requête, elle recula légèrement la tête, se laissant faire presque docilement. A présent à califourchon sur ses genoux, elle allait pouvoir s’amuser un peu. Un peu beaucoup, en fait. Mais avant ça, elle dut subir avec grand plaisir l’assaut des lèvres de son partenaire, ainsi que celui de ses mains, bien curieuses. A ce niveau-là, ils avaient tendance à avoir tous les deux les mains plus que baladeuses, tiens. Et Kilian ne se gênait jamais pour tripoter ce qui passait à portée de ses doigts et qui semblait intéressant. Comme ce torse qu’elle alla conquérir au-dessous du t-shirt, le relevant à peine. Flattant tout d’abord sa peau, pour ensuite y imprimer légèrement la marque de ses ongles, ricanant contre les lèvres de Dimitri.

Récompense. Elle lui avait promis une récompense ! Elle aurait presque oublié. Heureusement, les caresses hasardeuses – ou plus justement, tripotage intempestif- de monsieur la rappelèrent bien vite à l’ordre. Lèvres étirées en un sourire taquin, pupilles azurées brillant d’envie et de malice à la fois, la noiraude repoussa ses mains, lui intimant silencieusement de se tenir tranquille, rien qu’un peu. Une fois fait, elle glissa son index sur la lèvre qu’elle avait précédemment maltraitée, souriant un peu plus. D’ailleurs, il n’y avait que dans ce genre de moment qu’elle souriait réellement, du moins, de la sorte. Mais ce n’était pas tout. De son autre main, elle déboutonna son propre pantalon, pour ensuite permettre à cette même main de s’aventurer en dessous du cuir et de la dentelle qui se trouvait là. Après tout, n’avait-elle pas parler de tripoter quelque chose qui n’était pas à lui ? Alors voilà. Elle lui en faisait la démonstration, ne le lâchant pas des yeux une seule seconde. Le bout de ses doigts s’agitant juste suffisamment pour l’échauffer un peu plus et la faire soupirer. Il n’avait qu’à admirer cette petite démonstration de luxure bien vicieuse. Combien de temps tiendrait-il, voilà ce qu’elle se demandait.

Et elle était toujours bien habillée. Et non, Kilian n’était pas du tout perverse. Une invention totale, voyons.

HRP : muuh. j'espère que ça te va, puis si c'est pas le cas, bah tape moi 8D