Le soir - enfin, la journée - était assez sinistre. Par-dessus la nuit éternelle que reflétaient les vitres du Portail de la Rupture pleurait une pluie fine et glacée. Curieux, pour un printemps...
L'hôpital n'avait rien de très sinistre en lui-même : c'était une bâtisse aux lignes épurées mais son style restait ancien : pierres et ardoises, car l'endroit était séculaire. Pourtant, l'endroit inspirait une vague crainte chez les humains des quartiers plus civilisés, malgré le talent reconnu de ses médecins - et surtout de son directeur... Ce genre de lieu véhiculait nombre d'anecdotes et de légendes sordides parmi les beaux quartiers, et ceux du Domaine des Ténèbres n'aimaient pas forcément y aller - preuve qu'ils s'étaient fait salement amocher.
Kazutaka Muraki abandonna sa voiture dans un parking et s'engouffra prestement dans les couloirs de l'hôpital, marchant d'un pas vif, sans un regard pour ceux qu'ils croisaient. Le matin n'était pas vraiment un moment où le déranger - si un tel moment pouvait exister chez lui. Il s'enferma bientôt dans ses "quartiers", qui comportaient son vestiaire privé, son bureau et un box pour sa secrétaire. Le médecin retira son manteau ruisselant pour passer sa blouse. En face de lui, un miroir lui renvoyait le reflet d'un homme athlétique à la beauté diaphane. Ses lèvres se tordirent en un sourire amusé, alors qu'il essuyait les gouttes qui coulaient de sa mèche rebelle. Il rajusta sa cravate et gagna son bureau.
L'endroit était d'une décoration relativement sobre. Les murs, peints dans des teins clairs pour refléter les lumières étincelantes des lampadaires du patio, contrastaient avec le noble et vieux plancher sombre, presque noir. Un bureau du même bois, lui aussi dans un style ancien, une confortable chaise d'un rouge sombre, des étages pleines de livres et quelques tableaux complétaient l'aménagement. Un ordinateur en veille lévitait à quelques centimètres du bureau, dans la position la plus confortable pour son propriétaire.
Muraki s'installa en poussant un imperceptible soupir. Depuis quelques temps, son existence était bien monotone. Il lui manquait ses "occupations" favorites, ce sang rouge qui jaillissait sous ses doigts lors de ces opérations. Er l'étude si passionnante des Hybrides...
On frappa à la porte. Le coup était discret, mais l'Ange pouvait percevoir le souffle précipité de l'homme.

- Entrez ! grommela-t-il.

Un interne se glissa par la porte avec empressement. Il avait dû courir à travers pas mal de couloirs pour arriver dans un tel état. Il jeta un bref regard au maître des lieux, évaluant son humeur. Muraki lui répondit d'un rictus méprisant.

- Parlez ! Je n'ai pas tout mon temps !

Mais le futur médecin semblait vraiment bouleversé. Il lui fallut un moment pour retrouver ses mots, et le regard d'acier braqué sur lui ne l'y aidait pas.

- Il...il vaudrait mieux que vous veniez voir par vous-même, si je puis me permettre, Monsieur le Directeur...

Kazutaka le fusilla du regard, mais sa curiosité morbide était piquée. Quelles horreurs allait-on lui étaler ? Il se leva et suivit l'interne d'un pas hâtif. Le médecin abandonna son supérieur devant une porte de chambre entrouverte et disparut. Des gouttes de sang maculaient le sol du couloir. Celui de ce patient installé à la hâte ? Il allait bientôt le savoir... Il poussa la porte et entra.

(j'espère que ça vous plaît...)