Une énième journée automnale était sur le point de prendre fin. Une myriade de feuilles multicolores recouvrait les trottoirs pour le plus grand amusement des enfants. Ces derniers s’amusaient à sauter dans les tas de feuilles – rassemblés un peu plus tôt par des agents de la municipalité – et ainsi les éparpiller dans tous les sens. On pouvait aisément discerner le craquement des feuilles mortes sous leurs pieds entremêlé de grands éclats de rire. Nombreux étaient les parents qui réprimandaient leurs enfants mais face à leur visage rayonnant de joie, les adultes ne pouvaient que capituler... Un sourire amusé flottait sur mon visage face à ce spectacle saisonnier. Je continuais mon chemin et laissais mes idées vagabondés aux grés des vents. Ces derniers faisaient danser les branchages des arbres qui perdaient aux fils du temps leurs parures. Une danse colorée se déroulait alors dans les airs avec sa chorégraphie propre et envoûtante... la lumière du crépuscule y était sans doute pour quelque chose... des nuances orangés teintées de rose presque rouge. Mais cette douce lueur était de plus en plus masquée par des nuages menaçants qui se rapprochaient de la ville…

~ ☼ ~

Cela faisait déjà plusieurs minutes que le soleil avait disparu derrière les épais nuages sombres... la nuit allait donc prendre la place du disque solaire. Je traversais la faculté ayant récupéré un document pour Kohané-San. Cette dernière avait énormément de travail et allait sans aucune doute rentrer tard – ou alors tôt le matin – à la maison. Ayant terminé mes modestes courses et ma mission de récupération de document achevé... je pouvais enfin rentrer ! Une brise glaciale soufflait dans les ruelles depuis la tombée de la nuit. Je levais les yeux vers le ciel pour constater que les nuages étaient désormais bien installés au dessus de Naniwa. Soudain quelqu’un me heurta, me faisant lâcher mon sac de course, qui heurta le bitume sombre. Heureusement il n’y avait rien de fragile... Je me retournais vivement vers l’inconnu, les sourcils froncés de mécontentement. Sans prendre la peine de s’excuser, le jeune étudiant continua son chemin d’un pas pressé. Il semblait extrêmement tendu comme si quelque chose le terrorisait... Je laissais échapper un soupire lasse. Il avait peut être peur de représailles de ma part ? Sans me préoccupé une minute de plus du jeune homme, je m’accroupie pour ramasser mes achats... Il commençait à faire vraiment froid et je regrettais de ne pas avoir pris mes gants. Je soufflais sur mes mains glacées afin de les réchauffés un peu. Une bourrasque violente chassa un nuage l’espace d’un instant pour laisser apparaitre la lune... mais cette dernière disparu rapidement. Une goutte s’écrasa sur mon nez... je fronçais à nouveau les sourcils.

« ... j’ai intérêt à me dépêcher si je ne veux pas finir trempé ! »

Soudain un bruit perçant déchira le silence ! Un son métallique se rapprochant du terrible son que provoquent des ongles sur un tableau noir... Il n’y avait aucun doute : le son provenait de la direction qu’avait prise le jeune étudiant. Je me souvenais maintenant de la terreur qui se dégageait du jeune homme et je me sentis obligé d’aller vérifier que tout allait bien pour lui. Je me dirigeais d’un pas rapide vers la petite ruelle. Arrivé dans l’angle j’aperçu un homme près d’une benne... ce n’était pas la personne que je m’attendais à voir. Mes yeux bleu acier se dirigèrent vers sa main qui jouait avec le couvercle... ses ongles étaient semblables à des griffes... son aura était aussi sombre que celle d’un... Vampire ! Il me fallut une seconde pour comprendre la situation : le jeune homme était pris en chasse ! Je pris une boite de conserve... la plus grosse que j’avais et je la lançais de toutes mes forces en direction de la sangsue !

« Hey la chauve-souris ! »

Je fronçais les sourcils. Mon visage fin était tendu mais mes yeux azur étaient emplis de vaillance. Une goutte de pluie dessina les contours de mon visage et s’écrasa sur le sol. Mes cheveux commençaient à être trempés mais ça n’avait plus d’importance...

Mes yeux bleu ardoise suivirent la progression de la boîte métallique qui traversa l’air glacial. Une myriade de gouttes entra en contact avec le métal provoquant un léger tintement qui fût étouffé par le son de la pluie sur le bitume. Une seconde s’écoula et la conserve heurta le corps du Vampire. Ce dernier se retourna alors que la boîte heurta le sol en émettant un dernier son métallique au milieu de la cacophonie de la pluie diluvienne. Ses yeux en amandes se posèrent immédiatement sur moi. Un étrange ou plutôt désagréable frisson s’empara de mon corps glacé par la pluie. Cette sombre créature était tapie dans la pénombre de la ruelle... je ne pouvais discerner les traits de son visage mais une chose était sûre : il me dépassait en taille et sûrement en force. Je ne ferais certainement pas le poids contre lui si un combat au corps à corps avait lieu... et en toute franchise je ne voulais pas me prendre un coup de canine dans la jugulaire. Mais je ne pouvais laisser ce pauvre – et stupide – humain aux mains ou plutôt entre les griffes de cette vile sangsue.

~ ☼ ~

Un grondement sourd s’échappa de ses lèvres ou de sa poitrine... je ne saurai le dire... Je représentais une gêne intempestive entre lui et sa proie de la soirée ! Ses yeux plongèrent dans les miens... Il semblait chercher quelque chose mais quoi ? Voilà une question qui trouva rapidement sa réponse. Son visage sembla changer d’expression : son agressivité se métamorphosa en une douleur presque poignante... Je haussais un sourcil ne comprenant pas ce qui se passait dans sa tête de chauve-souris... Sa voix était légèrement cassée mais il venait de me percer à jour ! Un ange noir... à croire que j’avais une étiquette collée sur le visage ! Mais après tout il fallait bien que je me résigne. J’avais perdu mon aura angélique d’antan et ce à jamais. Il ne me restait plus que la souillure... J’eu un pincement au cœur à cette pensée. Soudain le Vampire amorcer une attaque. Je restais sur mes gardes mais ne bougeais pas un millième de mon corps... je ne voulais pas lui donner une excuse pour s’en prendre à moi... quoi que recevoir une conserve devait déjà être une excuse en soi... Qu’importe ! Il resta ainsi une seconde peut être moins avant de se retourner vers la benne. Il souleva le couvercle métallique comme un fétu de paille. Malgré la pluie une forte odeur se dégagea de la benne à ordure... Ainsi les humains étaient prêts à tout pour sauver leur vie. Je me couvrais le nez car les fringance nauséabonde étaient désagréables. Comment avait-il réussi à retrouver le parfum de cet homme parmi toute cette puanteur ? Je réfléchirai à cette question une autre fois ! Un son aigu s’échappa de la benne... provenant sans doute du jeune étudiant. Mes yeux s’écarquillèrent légèrement. Un brin de pitié s’empara de moi. Je devais trouver un plan pour occuper la sangsue le temps que le jeune homme prenne la fuite...

« Hey le Vampire ! Si tu regardais par là ?! »

Je levais ma paume gauche en l’air... cette dernière était légèrement coupée, laissant perler de fines gouttes de sang. Un sourire crispé étira mes lèvres glacées. Avec un peu de chance la soif du Vampire serait tellement grande qu’il abandonnerait sa proie prostrée pour une ‘‘proie’’ offerte. Ses lèvres pâles me laissaient entrevoir que j’avais sans doute raison... Il fallait maintenant que j’arrive à lui échapper. Je devais être suicidaire ma parole !

Une goutte de sang s’écoula le long de ma main et tomba sur le pavé. Au milieu de la cacophonie de la pluie il était impossible de distinguer le son provoqué par cette goutte carmin même pour une fine oreille... pourtant après une seconde le prédateur se retourna vers moi. Il était tellement concentré sur sa proie, la peur de cette dernière et sa faim dévorante que le Vampire avait du occulter ma voix... Un grondement inquiétant s’échappa de ses lèvres trahissant la soif qui semblait le ronger. Malgré la pénombre je pouvais discerner ses yeux qui luisaient d’une envie brûlante de goûter à ce sang... à mon sang. Soudain le prédateur laissa échapper un rire argentin où se mêlaient des notes de folie et de sadisme. Je pris alors conscience que j’avais en face de moi un véritable psychopathe... un tueur... Mes sourcils se froncèrent légèrement et une pointe de peur traversa mes yeux bleus charron. Néanmoins je réussi à reprendre contenance et à esquisser un sourire en coin. Il avait raison... je devais certainement être fou – ou suicidaire – pour entailler ma paume alors que je me trouvais à quelques mètres d’un Vampire assoiffé !

« Je suis un ange noir après tout... »

Malheureusement la folie faisait partie intégrante des anges qui avaient été déchus. Je ne quittais pas des yeux le prédateur. Je ne connaissais pas son potentiel... je restais donc sur mes gardes... attendant avec une certaine inquiétude son attaque. Cette dernière ne survient pas à mon plus grand étonnement ! Il semblait maîtriser la faim qui le consumait... Je me souvenais brusquement du jeune homme. Je me mordis la lèvre inférieure voyant que tout comme moi, le prédateur reportait son attention sur la chose prostrée dans la benne. Soudain le Vampire propulsa la prison métallique contre un mur provoquant un son strident et déplaisant ! Je serrais les dents. Je ne devais pas bouger ! Un geste violent... témoignant de son désintéressement pour la proie qu’il avait jusque là traqué. Une bonne nouvelle pour le jeune homme... mais une mauvaise nouvelle pour moi. Il fallait que je fasse le point et surtout que je trouve une solution à ma situation. Je pouvais essayer la diplomatie... Inenvisageable à ce stade ! Cette pluie était vraiment agaçante ! Comment diable voulez-vous que je discerne ce qui se passe autour de moi avec ces trombes d’eau qui me tombent dessus ?! Impossible ! Il avait un avantage sur moi... sa vue qui semblait aiguisée comme des lames ! Il était également plus puissant et sans doute plus rapide que moi. Qu’est ce qui me restait ? Une vague angoissante s’empara de moi et traversa mes yeux. Sa voix de ténor résonna dans les ténèbres au milieu du chant de la pluie. Un sourire quelque peu tendu étira mes lèvres... pour se faner aussitôt. Mon masque était en train de craquer. Sa question donna naissance à une peur insidieuse qui se rependit rapidement à travers mes muscles. Une étrange atmosphère se déposa autour de nous... pesante et malsaine. Mon empathie était un cruel désavantage ! Je pouvais ressentir la peur du jeune humain se répercuter sur moi... mais le plus dur à supporter était son aura... une aura emprunte de psychose et de désir ! Un frisson traversa mon corps. Un mouvement se dessina dans les ténèbres et il me sembla que le prédateur ôtait son manteau. Ma respiration était légèrement saccadée à cause de ma crainte grandissante. Soudain le Vampire s’avança ! Il venait de faire un pas en avant puis un second... Une once de surprise traversa mes yeux alors que je reculais. Je serrais les poings.

* Hors de question que je finisse en casse-croûte pour chauve-souris ! *

Sans signe préalable je me retournais... pour courir aussi vite que mes jambes me le permettaient ! Je ne voyais presque rien à cause de cette pluie. Ma respiration était maintenant heurtée à cause de ma course effrénée et de ma peur. Je ralentis pour m’arrêter sous un porche. Je regardais autour de moi : aucune trace du Vampire. Je reprenais mon souffle durant quelques secondes tout en essuyant les gouttes de pluie qui perlaient sur mon visage et à la pointe de mes cheveux. Je regardais la paume de ma main. Une fine entaille y était dessinée juste en dessous de ma cicatrice. Soudain un bruissement de tissus m’alerta ! Je regardais autour de moi mais ne voyais absolument rien. Instinctivement je savais que je devais prendre la fuite ! Je commençais à ne plus savoir où aller mais heureusement la pluie semblait perdre en intensité. Une forte lueur était perceptible au bout d’une ruelle. Je me ruais vers cette dernière ! Une lueur d’espoir dans cette immensité obscur ! Une déception sans limite et une terreur sans nom se dessina brusquement sur mon visage. Je me retrouvais dans une impasse. Un écran publicitaire se trouvant de l’autre côté du mur en haut d’un immeuble diffusait une lumière crue. Mon poing frappa furieusement le mur.

« Impossible ! Je me suis fait avoir... »

Ma respiration était saccadée... j’avais du mal à respirer à cause de la peur qui enserrait mon cœur. Ce dernier était comme pris de frénésie et les pulsations étaient presque douloureuses. Une vague de désespoir me submergea...

Une brume légère avait succédée à la pluie torrentielle. Mon manteau était complètement trempé et extrêmement pesant... Mon souffle était heurté à cause de la fatigue occasionnée par ma course folle mais également à cause de la peur qui torturait mon cœur. Mes cheveux parsemés mon visage blême d’où s’écoulaient de fines gouttes froides. Contrôle-toi bon sang ! Voilà les paroles que je ne cessais de hurler intérieurement... Je devais retrouver mon sang froid au risque de commettre des erreurs irréparables... Une tempête faisait rage dans mon cœur et cette dernière ne semblait pas vouloir s’apaiser quoique je fasse. Quand avais-je commencé à céder aussi facilement à la peur et au désespoir ? Quand étais-je devenu un être aussi timoré ? Mes sourcils se froncèrent et je me mordis violement la lèvre. Comment la faiblesse des humain avait-elle pu prendre s’emparer de la sorte de moi ? Mon empathie en était-elle la cause ? Je frappais violement les briques froides. Ces questions me donnaient la nausée... Une voix sombre s’éleva dans les airs pour se faner en un rire glacial et surtout lugubre... Je reculais de plusieurs pas et mes yeux se posèrent de suite sur la créature qui me scrutait avec attention et envie. Il était déjà là ! Ce satané Vampire se moquait ouvertement de moi... Il ressemblait au « Cheshire Cat » avec son immense sourire et la démence qui habitait son âme... Ses longues canines étaient clairement dévoilées. Ma mâchoire se serra ainsi que mes poings. Sa réplique me transperça avec violence ! Ainsi il était persuadé que le jeu allait prendre fin ici... que j’avais perdu ?! Malheureusement pour lui je n’avais pas encore rendu les armes. Je fermais les yeux un instant pour retrouver mon calme. Je devais retrouver la sérénité de ma totale indifférence. Oublier ce monde... oublier l’être humain totalement apeuré... Après quelques secondes mes yeux s’ouvrirent sur les ténèbres et fixèrent le Vampire qui me faisait face. Il était dos à la lumière, se dissimulant légèrement dans l’ombre... mais je pouvais sentir le poids de son regard et la frénésie que sa soif provoquait en lui...

« Qui te dis que je ne vais pas te donner du fils à retordre... là maintenant ? Tu parles beaucoup pour un prédateur mais tu restes constamment à distance... Auriez-vous peur de moi Monsieur la chauve-souris ? »

Sans doute avais-je poussé la provocation un peu loin... Je jetais un rapide coup d’œil au alentour : Impossible de prendre la fuite sans lui tourner le dos. Si je prenais ce risque je signerais sans aucun doute mon arrêt de mort ! Je ne pouvais pas déployer mes ailes à cause de l’espace beaucoup trop exigüe. Il y avait un tas de meubles entassés dans la ruelle… Soudain mes yeux bleus acier se posèrent sur un amas de vieilles chaises en bois. Un sourire sans joie étira le coin de ma lèvre. Je me saisis de la chaise la plus proche et cassa un des pieds. Ma main enserra le morceau de bois brisé dont l’extrémité était acérée. On racontait de nombreuses légendes sur ces créatures de la nuit - bien plus que sur les anges - mais je n’avais aucune idée de leur véracité... Une chose était sûre : cette créature sans nom craignait la lumière ! Avec un peu de chance... Un pieu dans le cœur et toute cette histoire prendrait fin en ce lieu sordide. Mais il fallait déjà réussir à lui enfoncer cette arme de fortune dans sa cage thoracique... Chose qui ne serait pas aisée je le savais pertinemment. Je serrais avec un peu plus de force le pieu et relevait les yeux vers le Vampire. Je me délestais de mon manteau qui tomba sur le sol trempé en émettant un son étouffé. Un sourire amusé se dessina sur mon visage angélique.

« Je croyais que tu voulais me tuer... alors qu’est-ce que tu attends maudite sangsue ? Mon sang souillé te répugne-t-il donc ? »

Son corps était clairement musclé en finesse tout comme le mien. Il était plus grand que moi ce qui me laisserait un modeste avantage. Avec un peu de chance je serais légèrement plus rapide que lui... ce qui me permettrait d’esquiver ses attaques et de lui porter un coup fatal. Sa chemise était complètement trempée contrairement à la mienne. Il serait donc moins libre de ses mouvements. Néanmoins il lui restait sa force... Cette dernière devait dépasser de très loin la mienne. Je ne devais en aucun cas prendre un coup ! Je reculais de quelque pas pour mettre plus de distance entre lui et moi. Je mettais un point d’honneur à ne pas le quitter des yeux. Ses prunelles me fixaient avec intensité. Ses yeux étaient semblables à de l’or en fusion... incroyablement captivant... C’était comme si mon corps et mon âme étaient happés par ses prunelles dorés. Je me retrouvais consumé par la douceur et la chaleur de cette couleur. Soudain mes paupières papillonnèrent ! Que venait-il de se passer là à l’instant ?

* Où est-il passé ? *

Comme par enchantement le Vampire ne se trouvait plus sur le mur. Il n’était plus en face de moi ! Que diable venait-il de se passer ? Une once de peur traversa mon corps alors que je me retournais pour essayer de déceler sa présence... mais il était déjà trop tard...

Incompréhension... Mes yeux bleus acier reflétaient avec intensité cette émotion mêlée à une peur sournoise. Comment avait-il put échapper aussi aisément à mon regard ? Il devait posséder un don ou du moins une faculté qui lui avait permit de me troubler durant un instant pour se dissimuler dans les voiles des ténèbres... Ma main enserra avec force le pieu alors que ma mâchoire se crispa en émettant un son désagréable. Je me retournais encore et encore ! Mes yeux scrutèrent les ténèbres en vain... il avait complètement disparu. Néanmoins je pouvais sentir sa présence... et surtout la pression de ses yeux qui ne cessaient de me fixer avec intensité dans la noirceur de cette nuit glaciale. Il était là... dissimulé dans la pénombre en attendant le moment le plus propice pour porter son attaque. Je prêtais une attention toute particulière aux sons qui m’entouraient. Néanmoins les seuls sons qui parvenait jusqu’à moi de manière étouffée, étaient ceux de la rue se trouvant de l’autre coté de l’impasse ; le ronronnement des voitures, le brouhaha des passants, le tumulte de la vie citadine... Soudain un son strident ébranla le silence nocturne ! Je me retournais de suite vers un vieux miroir qui venait de se briser alors que le son se répercuta contre les murs de la ruelle. Son écho sembla durée une éternité me faisant croire que d’autres miroirs venaient de se briser. Mon regard se posa sur plusieurs miroirs ne sachant où s’arrêter. Je commençais à perdre le fils de mes pensées. Un instant je distinguais mon reflet dans le miroir fendu. Mes cheveux étaient totalement trempés et de fines gouttes de pluie traçaient des arabesques sur ma peau blême. Mes traits étaient tirés et soucieux... Je ne reconnaissais pas mon reflet... jamais je n’avais vu une telle expression de fragilité sur mon visage... jamais hormis ce jour funeste. Au souvenir de cette nuit, où j’avais sombré dans la décadence, je sentis me cœur se serrer. J’avais de plus en plus de mal à respirer et le froid qui s’engouffrait dans mes poumons me lacérait de manière cruel. Mes mains se mirent à trembler et mes vieilles cicatrices me brûlaient avec rage. Une once de nausée s’empara de moi... Complètement tétanisé, entre les griffes de mes vieux souvenirs, incapable du moindre mouvement... j’étais à sa merci... Sa voix résonna à travers la ruelle comme la voix mielleuse de la mort qui s’avance vers sa future amie...

* Bon sang... Il faut que je me calme ou tout ça va mal se finir ! *

C’est dans un effort surhumain de je parvenais à respirer plus calmement. Mes paupières se fermèrent quelques secondes... le temps que je retrouve mon calme. Mes mains tremblaient toujours mais non pas à cause de la peur mais à cause du froid qui s’était abattu sur mon corps. Je devais enterrer le passé... et ne plus y penser. Ce Vampire jouait avec mes nerfs et semblait y prendre un malin plaisir... Je ne devais pas le laisser gagner à ce jeu sadique. Il fallait que je trouve son point faible... mais comment ? Comment arriver à le faire sortir de ses gongs pour lui faire commettre des erreurs ? Je n’en avais pas la moindre idée. Je reculais prudemment jusqu’à heurter le mur de l’impasse. Je balayais les lieux du regard afin de le localiser sans succès. Ma chemise commençait à être totalement trempée. Je devenais moins libre de mes mouvements. Une brise glaciale traversa la ruelle en me glaçant la peau. Mes muscles étaient ankylosés à cause du froid et de la pluie. A ce rythme là je n’allais pas tenir très longtemps... Je me mordis la lèvre et fronçais les sourcils. Je sentais la fatigue s’emparer de mon corps et peser sur mon corps. Mes mains me brûlaient... je pouvais sentir le sang couler le long de ma blessure. Avec toute cette pluie la plaie venait de se rouvrir... Je secouais la tête comme pour éloigner la fatigue. Je prenais une grande inspiration et essayait de parler de manière détendu voir même arrogante...

« Je croyais que les Vampires étaient nobles et dignes... Il faut croire qu’il y a aussi des vermines chez cette espèce prétentieuse. Tu ressembles à une hyène qui ne cesse de rire de façon idiote et totalement démentielle. Tu me fais pitié ! »

Un sourire en coin se dessina sur mes lèvres avant de se faner. Je ne devais pas avoir peur de cette chose vouée à la damnation. Après tout je lui étais supérieur... Même si mes ailes sont aussi sombres que la nuit je reste un Ange et de surcroit un Séraphin...

Mes paroles se perdirent dans le silence... Une mélodie provenant de la rue adjacente flottait dans les airs se mêlant au tintement des gouttes d’eau tombant des gouttières. Une brume opaque ondulait dans l’impasse donnant un aspect surnaturel à ce lieu sordide. C’était comme si ce phénomène naturel était provoqué par le Vampire... un allié de plus pour l’aider à mettre fin à ma vie. A travers les ténèbres et la brume je ne pouvais distinguer sa silhouette néanmoins je sentais sa présence. C’était une intuition... Comme un instinct qui vous prends aux trippes et ne cesse de vous répéter que le prédateur est là tout près. Mais ce dernier ne portait aucune attaque à mon encontre. Il avait eut de nombreuses occasions pour me sauter à la gorge et me vider de mon sang... mais rien... Il ne cessait de jouer avec moi en me poussant dans mes retranchements. Néanmoins je ne pouvais attendre éternellement une éventuelle attaque... où du moins je ne pouvais pas attendre jusqu’au levé du soleil. De plus je ne pouvais pas me permettre de fuir au risque de lui laisser une trop grande ouverture. Une souris prise au piège voilà ma situation actuelle. Cette vision simpliste m’arracha un sourire sarcastique. Ce dernier s’envola prestement pour laisser sa place à une mine sombre...

* Où se cache-t-il bon sang ?! Qu’est ce qu’elle mijote cette satanée sangsue ? *

Un lourd silence planait au dessus de la brume épaisse. Mon corps longea lentement le mur de brique se trouvant derrière mon dos. Mes yeux bleus acier parcourraient la ruelle à la recherche du prédateur mais ils se posèrent uniquement sur les vieux meubles et sur les miroirs brisés. A croire que ce Vampire pouvait se rendre invisible. Cette idée saugrenue me donna des sueurs froides ! Je me tenais désormais entre la jonction du mur de l’impasse et celui du bâtiment vétuste... Cette position me permettrait de voir mon ennemi arriver et ce quelque soit son angle d’attaque. Je reculais encore d’un pas pour être en contact avec la façade... lorsque soudain un frisson traversa ma colonne vertébrale ! Je venais de frôler quelque chose... Je me risquais à jeter un rapide coup d’œil en arrière. C’est avec surprise que je découvrais ce qui avait provoqué la sensation glaciale qui avait parcouru ma peau à travers ma chemise trempée. Je levais les yeux vers le haut du bâtiment et un sourire étira mes lèvres. Au même instant une voix grave légèrement empreinte de colère s’éleva dans les airs et se transforma en une myriade d’écho... Je fixais à nouveau mon attention sur la brume. Un sourire étrange flottait sur mes lèvres. Cette maudite sangsue se trompait lourdement à mon sujet... j’allais lui échapper et ce juste sous son nez ! Quoi de plus frustrant pour un prédateur ?

~ ☼ ~

Ma main blessée enserra le métal froid. Il me fallu une minuscule seconde pour prendre ma décision... l’espace d’un battement de cœur. Sans aucun préavis je me retournais vers le mur faisant volte-face à mon adversaire. Une action qui faisait de moi une proie complètement offerte. Mon dos était offert à la vue du prédateur. Au travers de ma chemise complètement trempée transparaissait mon tatouage. Mon pied sembla flotter un instant dans les airs au milieu de la pénombre. Il ne reposait en aucun cas dans le vide... je ne venais pas non plus de déployer mes ailes... A la jonction du bâtiment et de l’impasse, au milieu des ténèbres se trouvait une grande échelle en ferraille. Une bonne partie du métal était sans doute dévorée par la rouille mais il s’agissait là de mon unique porte de sortie. C’était une échelle à crinolines servant à évacuer les locataires en cas de sinistre... un peu ironique... car je fuyais également un danger mais en contre sens ! Une chance pour moi les arceaux - qui entouraient l’échelle - étaient toujours en place... de quoi me protéger d’une éventuelle attaque du Vampire. C’est avec une certaine précipitation que je gravissais les barreaux de l’échelle. Mes mains étaient trempées... de même que mes chaussures. Alors que j’étais presque arrivé au niveau du toit, mon pied droit glissa brusquement sur un barreau ! Je perdis l’équilibre et bascula en arrière... Mes yeux s’écarquillèrent d’effroi, je me voyais déjà dégringoler les quatre étages et heurter violemment le sol. Avec un peu de chance la chute me tuerait sur le coup... pas envie de voir la sangsue se moquer de moi. Je laissais échapper un léger cri de surprise. Ma main droite laissa tomber le pieu et s’agrippa à un barreau, arrêtant de façon net ma chute dans le vide ! Une vive douleur s’empara de mon épaule, m’arrachant un juron. Je me laissais une courte seconde pour reprendre mes esprits et me remettre de mes émotions...

~ ☼ ~

Arrivé sur le toit du bâtiment je courrais vers la porte me faisant face. Mes doigts se refermèrent sur la poignée et la tournèrent : la porte était ouverte. Une once de joie traversa mes yeux azurin ! Je me précipitais à l’intérieur du bâtiment. Finalement la chance était de mon côté... où alors j’avais eu droit à un coup de pousse du Ciel... Il faisait sombre et c’est en tâtonnant que je descendais des escaliers. Je pénétrais dans la première pièce que je trouvais... un modeste studio et ancien squatte à en juger par les seringues qui jonchaient le sol. Une lumière crue – provenant du panneau d’affichage - traversait la fenêtre à travers les planches en bois qui condamnait cette dernière.

« Je vais pouvoir souffler un peu... »

Un matelas déchiqueté et rongé par les mites était posé à même le sol. C’est avec un certain soulagement que je me laissais tomber sur ce matelas. La faible luminosité me permettait de distingué quelques mobiliers... et même une télévision. Ce lieu était semblable à celui où j’avais vécu mes premières années sur Terre en compagnie de ma mère. Je secouais la tête pour chasser mes souvenirs et je me laissais tomber en arrière sur le matelas. Un endroit sec où reprendre des forces... que demander de plus ? Une arme... j'avais laissé tomber la mienne. Qu'importe pour le moment... Néanmoins je savais que cet instant de répit serait de courte durée...

Un instant... fugace je laissais vagabonder mon esprit. Allongé sur ce matelas vétuste, les yeux clos, je reprenais des forces et surtout je tentais tant bien que mal de retrouver une certaine sérénité. Je savais pertinemment que ce moment de quiétude était de courte durée. Mon épaule droite était douloureuse mais je réussissais néanmoins à mettre cette souffrance de côté. Ma chemise était encore humide et je commençais à avoir froid. Où avais-je laissé mon manteau ? Ma mémoire de cette étrange soirée était parsemée de trous noirs... Je prendrais le temps de réfléchir à la question quand je serais totalement hors de danger... – Tac Tac Tac – Mes yeux s’ouvrirent soudainement sur ce sombre monde et scrutèrent intensément la porte. Je ne m’en étais pas tout de suite rendu compte mais je m’étais redressé à l’instant même où le son était parvenu à mes oreilles. A nouveau le silence s’installa dans le studio miteux.

* Je me suis peut-être assoupi ?! *

Quand soudain le léger martèlement retentit à nouveau ! Mon corps se crispa car je savais de derrière cette porte fragile se dressait mon adversaire… le prédateur qui en voulait à ma vie ! Il y eu encore un silence morne mais je pouvais percevoir de léger mouvement à travers la cloison. Subitement un crissement sinistre déchira la pièce. Mes mains se plaquèrent sur mes oreilles et je m’efforçais à garder les yeux ouvert malgré le son insupportable qui se propageait dans tout le studio. Mes yeux ne quittèrent pas un seul instant la porte. Que diable manigançait cette maudite chauve-souris ? Je restais immobile sur le matelas mais néanmoins en alerte. Il pouvait attendre un instant pour débouler brusquement dans la pièce et se jeter sur moi. Je me risquais à quitter un instant des yeux la porte pour observer la fenêtre. Si jamais il pénétrait dans la pièce, avec un peu de chance, j’aurai suffisamment de temps pour me sauver par cette ouverture... en espérant réussir mon atterrissage sur les pavés froid et humide. Soudain un son me parvient... il était beaucoup plus lointain que précédemment, comme si ce son familier provenait de la pièce adjacente. Ce manège se répéta à quatre ou cinq occasions... Qu’est ce qu’il était en train de faire ? Il jouait au chat et à la souris ma parole ! Si je sortais maintenant rien de me permettait de dire qu’il était loin. Il y avait plus de chance qu’il soit dissimulé dans la pénombre attendant que je sorte pour s’emparer de ma gorge. Je ne pouvais pas non plus m’échapper par la fenêtre. Cette dernière était barrée par des planches en bois. Si je passais à travers je ferais un telle vacarme que le vampire comprendrais rapidement ce que je mijote… et il ne tarderait pas à me suivre. Mais rester ici était tout aussi dangereux et suicidaire. Finalement j’étais pris au piège. Cette idée ne plaisait absolument pas !

~ ☼ ~

Mes yeux bleus acier essayaient tant bien que mal de repérer une arme de fortune dans cette pièce sombre. Une seringue ? Hum très peu pour moi... Il y avait très peu de mobilier dans la pièce. Aucun était assez tranchant ou bien acéré pour me permettre de me battre voire de vaincre ce suceur de sang. Un grincement attira soudainement mon attention. Mon regard se posa sur la porte qui était légèrement ouverte. Je fus pris de panique. Je cherchais désespérément à comprendre ce qui venait de se passer. Un signe du divin ? Je pouvais rayer cette hypothèse stupide. Un courant d’air ? Il y avait une infime possibilité que cela soit dû au vent... C’était sans doute ce vampire ! Même si mes yeux s’étaient accommodés à la pénombre je ne pouvais discerner avec exactitude ce qui se trouvait dans la pièce. Je me levais avec une extrême prudence. Je ne savais pas ce que je devais faire. Il pouvait très bien se dissimuler derrière la porte ou alors il était déjà ici… tout près... Je reculais lentement jusqu’à ce que mon dos heurte les planches en bois qui condamnait la fenêtre. Je me trouvais toujours dans une impasse. Mais contrairement au mur ces planches pouvaient se briser avec facilité. Mes yeux balayèrent la pièce mais je ne voyais rien de particulier.

« Hey la sangsue ! On va pas y passez la nuit alors sors de ta cachette. Si tu veux mon sang alors viens le chercher ! A moins que tu n'es peur que je te fiche une raclée... »

Au loin on discernait le grondement de l’orage. Un léger sourire étira mes lèvres. Je devais faire comprendre à ce maudit vampire qu’il ne pouvait rien contre moi. Après tout… ma nature même le surpassait ! Je suis un Séraphin ! Un ange du Seigneur... certes déchu mais un ange quand même !