Peut-être que le seul problème majeur d'Alexis, si l'on omettait son apparence androgyne la faisant passer pour un homme au yeux du monde, et son coté trop rêveur pour être vrai, ne devait rien être d'autre que la gentillesse.

Normal pour un ange, me direz-vous. Quoique en ces temps sombres de l'humanité bravache et afficionado aux conflits, même les anges ne valaient parfois guère mieux que la vermine qui trainait dans une bouche d'égout. Au fil du temps, ils étaient devenus comme les humains : Plus parfaitement blanc. Les voila nuancés de touches de gris. Certains étaient bons. D'autres étaient mauvais. Mais tous étaient soumit aux jugement de Dieu et ne pouvaient que fermer leurs gueules quand un problème leur tombait sur le coin de la figure. Ils n'étaient plus qu'une race parmi toutes les autres.

Mais autant dire qu'Alexis se fichait de telles considérations comme le roseau qui se fiche de la tempête - jolie figure de style non ? - et se contentait de vivre sa vie terrestre comme tout un chacun.

D'un pas confiant et sur, elle parcourait les rues de Minami à vive allure en cette fin de soirée aux températures étonnement douces. L'ambiance estivale avait poussé les gens, et en particulier les plus jeunes, à sortir jusqu'à pas d'heure pour trainasser et faire la fête. "Faire la fête" n'était pas une expression qui sied vraiment à l'ange gris. Pas plus que le verbe "trainasser". Il suffisait de jeter un œil au lourd sac en papier qu'elle tenait entre les bras, et à la mine pensive et concentrée qu'elle arborait, pour se rendre compte qu'elle n'était pas là pour les mêmes raisons que le reste du monde.
Petit à petit, elle s'éloigna du cœur même de Minami. Empruntant petites rues peu fréquentées sur ruelles particulièrement sombres, la rumeur de la civilisation encore éveillée se faisait de plus en plus faible.
Si elle avait été une femme normale, Alexis aurait dû craindre de se retrouver seule dans de tels endroits. C'était oublier son allure masculine, et son coté incroyablement insouciant. La demoiselle n'avait que peu le sens des réalités, et se faire agresser était loin d'être une chose dont elle avait peur.

Au fil de ses déambulations, elle le trouva enfin. Un petit restaurant à la devanture pitoyable. La pancarte du menu se vantait de la cuisine typiquement italienne que servait un cuisinier plusieurs fois récompensé. Rien que la vieille odeur de gras et de friture froide suffisait à faire comprendre que même manger tout les jour dans un fast-food était plus sain pour la santé que d'ingurgiter un seul repas de cette gargote. Elle le contourna afin d'accéder à la ruelle dans laquelle débouchait l'entrée de service du bâtiment.
Il y avait une boite de nuit non loin. Alexis pouvait entendre, ou plutôt ressentir, les vibrations mattes et sourdes des énormes enceintes qui beuglaient ces musiques abrutissantes que la plupart des jeunes appréciaient. Elle, elle n'avait pas vraiment d'avis sur la question. En règle général, elle avait tendance à penser que les gens étaient libres de faire ce que bon leur semblait.

Finalement, elle trouva le but de sa petite sortie nocturne. Bien à l'abri derrière une poubelle, cachée sous de vieux cartons puants, une portée de chatons à peine sevrés.
Des chats.
Oui, vous pouvez rire si vous voulez. L'ange était de ces gens possédant assez de bonté pour venir nourrir des chatons abandonnés. Risible. Mais peu lui importait. Elle posa son chargement sur le sol sale pour en déballer le contenu, s'accroupissant prés des félins. Concentrée sur sa tâche, son esprit décida de passer en mode troll pour ne plus faire attention au reste du monde. Ce qui n'était peut-être pas la meilleure chose à faire.

HRP :

Spoiler:

La main de Nolan s'abat dans son dos dans une sorte d'accolade amicale, il aurait fallut que maman-nono apprenne à son fils à pas aborder les gens d’une manière aussi brusque… Mais il n’aurait surement pas comprit. La brusquerie du jeune homme venait comme notre pote Nessie dans une piscine, en gros ce n’est pas génial, en plus il serait mieux dans un étang, Lochloch... -En effet, je crains de ne pas être d'une telle élégance.-

Le dealer, qui était sorti un peu de nulle part, maintenant accroupit à coté d'elle, comme si c'était tout à fait normal de venir faire chier les gens qui nourrissait tranquillement quelques chats de gouttières... Effrayant d'ailleurs au passage les félins qui détalèrent.

«- Hé mec, si ça t'tentes j'peux t'vendre d'la farine. »

D'où venait-il d'arriver ? Bah, d'pas très loin en fait, il déambulait à la recherche de "clients" disons... Et hop, le voilà. Peut-être était-il dans cette discothèque, dont en entendait le brouhaha d'ici ? Heum... bah j'sais plus. Mais qu'importe où il était avant, il était bel est bien là maintenant.... D'ailleurs, il n'était pas sortit tellement de nulle part, il avait juste marché dans la rue, d'abord sans s'arrêter, puis s'était accroupi à côté d'elle, après s'être approché quand il avait vu un truc dépasser de derrière une poubelle débordante de cochonneries.

Mais le faux mec qui ressemble à un vrai ne l'avait pas remarqué ! Visiblement dans un état d’extrême concentration qui étonna le dealer. C'est là où une voix vicieuse doit glisser à notre héros que c'est peut-être ça de "penser"... Mais non, pas d’voix... Juste un courant d'air plus tard dans le cerveau du blond, nous permettant de clore cette parenthèse.

Alors oui, en effet, c'était faux. Il n'était pas sorti de nulle part. En même temps, l'blondinet ne savait pas sortir de nulle part ! Pour plusieurs raisons évidentes qu’on ne citera pas. Fin bon, il n'était pas rare de le voir trainer un peu n'importe où... Sûrement à cause de son "métier" et aussi car son tempérament simplet, con-con, réfléchirquesquecé ? Ne l'aidant pas à éviter ce genre d'endroit parfumé d’une charmante odeur de moisissure.

Avec des chats moches... Parce que les chats de gouttières on ne nous la fait pas ! C'est pas comme les chats dans la pub Felix ! Si la perplexité est toujours là, une vérification sur les boites de conserves violettes de la marque vous éclaira... Sinon : Whiskas et Purina One ! Histoire qu'on m'accuse pas de faire du placement de produit. Ah et aussi Royal canin, Pedigree, Frolic…Parce que eux aussi ils bouffent... Alors faut en parler.

Revenons à nos moutons… Nos histoires nourritures de chat, en laissant les marques de côté, et notre femme-homme à lunettes. (Tiens, quand j’écris « homme à lunettes. » J’ai une pensée émue pour une certaine personne lumineuse. Bref.) Le dealer, n’attendant pas la réponse de son "futur" client, qui se fit trop lente à son goût, insista.

«- Fin, d’la poudre… T’vois ?»

Ah, il était pas sur qu’elle voyait, déjà parce qu’elle avait des lunettes, alors elle devait pas si bien voir que ça, fin après, normalement avec des lunettes… Mais bon hein, on sait jamais…

On eu le droit à un bref silence, où un des deux neurones de notre dealer lutta pendant plusieurs minutes pour réanimer le deuxième à coup de « Non meurs pas, Charly ! Reste avec moi !» et le blondinet sembla enfin se remettre de ses réflexions et de lâcher par automatisme.

« - T’sais, j’ai pas que d’la poudre, s’t’veux. «»

Fin, lui il disait ça, il disait rien.