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Pour ce rp, on part du principe que Sund est capable de se régénérer aussi rapidement que 404. Parce que sinon, ça n'a plus vraiment d'intérêt.

Une bouteille posée par terre à côté du fauteuil, vide. Une autre sur la petite table basse à sa droite. Un sosie de la précédente, mais avec trois gorgées d’alcool en plus. Du whisky. Du bon. Et du fort.

Mesdames, messieurs, voici le first world problem des personnes qui ont un potentiel régénérateur trop élevé : l’alcool. Quand on a un certain nombre de siècles à son actif et un foie de compétition… rien à faire, ça s’assimile trop vite.
Prendre une bière ou deux n’avait plus aucun intérêt. Pour tout vous avouer, Sundance, là, commençait tout juste à se sentir légèrement joyeux qu’à l’habitude.
Et encore, on ne pouvait même pas être sûr de le devoir à ce cher bon vieux whisky qu’il affectionnait tant.

Il y avait ce revolver, un six coups, plus tout jeune puisqu’il datait du XIXe, auquel il tenait comme à la prunelle de ses yeux. Bien sûr, il ne marchait pas. Il avait passé trop de temps dans l’humidité pendant que son propriétaire était occupé à reprendre des forces.
Enfin ça, c’était avant.

Le Kid laissa échapper un petit grognement satisfait et daigna enfin relever la tête de ce sur quoi il bossait depuis approximativement le début de la journée, soit un joli paquet d’heures. La lubie était venue le cueillir au réveil, et il n’avait pas eu le cœur à lui dire non. Il était parti par mont et par vaux pour trouver ce dont il avait besoin puis, une fois de retour, n’avait pas bougé son cul du fauteuil (sinon pour aller pisser, à la rigueur) jusqu’à maintenant.
Là. Ça devait marcher, normalement. Il n’y avait pas trente-six manières de le savoir.
Il plaça une balle dans le barillet, fit jouer le mécanisme, visa.

— Hép, tatoo-boy ! Regarde-moi ça un peu !

Et tira, une fois que l’autre se fut retourné dans sa direction. parce que tirer dans le dos des gens, c'est quand même pas très fair play quoi


Y a des jours comme ça, où on se fait vraiment chier.

— Choisis.

Un défi de plus.

Sundance leva le regard et croisa celui du tatoué, par-dessus la gueule noire et menaçante du revolver pointé sur lui. Amusant. Il était rentré dans son jeu avant même que le cow-boy ne l’évoque.
Et par-dessus tout, il aimait voir son visage exprimer quelque chose. Ça devenait de plus en plus rare au fil du temps.

— Mais d’abord…

Il tendit une main et récupéra l’arme sans brutalité, ne pouvant empêcher un sourire assez fier lorsque ses doigts en effleurèrent la crosse. Content d’avoir réussi. Le coup était parti tellement facilement, tellement comme il le voulait ! Comme au bon vieux temps. Le révolver se payait une nouvelle jeunesse.

— Tu n’iras pas bien loin comme ça. Je n’avais mis qu’une balle.

La boîte à munition était posée sur la table, à côté d’un des cadavres de bouteille. Ce truc lui avait coûté une fortune. Faut dire aussi que ça ne courait plus les rues, de nos jours, des cartouches comme celles-là. Qui utilisait encore un révolver vieux modèle au 23e siècle, hein ?
A part Sundance, bien sûr.
Il rechargea l’arme et repris la parole :

— Cinq balles, six coups. Celui qui tombe sur la chambre vide perd.

Le revolver fut rendu à celui qui le tenait juste avant, sécurité enlevée et cette fois réellement dangereux… ou pas ?

— Choisis et commence.

Oh, ces yeux. Cette façon qu’il avait de le fixer. Y avait pas mieux pour le mettre mal à l’aise en moins de deux. Le regard était limite plus explicite que les mots. Sundance déglutit. Le jeu prenait d’un coup une tournure beaucoup plus sérieuse. Du moins pour lui.
Ou alors…
Non, Tatoo-boy venait juste de foutre une pression énorme sur les épaules du Kid. Pas envie de finir en plat à consommer sur place (et sans modération), hein ? Alors il fallait juste qu’il gagne. Et voilà.

L’esprit de compétition.
Le goût du danger.
Et une poussée subite d’adrénaline.

Finalement, il s’était permis un sourire un peu excité tandis que la première balle – enfin, la première du jeu – traversait gaiement la tête de son partenaire avant de se ficher dans le mur d’en face. Voisins ? Quels voisins ?

— Je gagne. Tu ne tentes jamais de me toucher. Mon corps n’est pas ton repas.

Dommage que ce ne soit qu’un jeu de pur hasard.

Sundance récupéra l’arme, et enleva le chapeau – il avait la fâcheuse tendance à l’oublier là-haut, même à l’intérieur – pour ne pas que celui-ci ait à souffrir des dommages qu’il s’apprêtait à causer sur sa propre personne.
Hop, canon contre crâne. Et une nouvelle détonation traversa la pièce, en même temps que la balle en faisait de même pour sa cervelle. Putain. Ça faisait quand même mal, mine de rien.
Demain, il aurait une migraine d’enfer.

— Deuxième manche !

On aurait presque pu qualifier sa voix de joviale à cet instant précis. Il termina le whisky tout en passant le revolver.

Ça ne lui plaisait pas, hein, qu’il ait porté son choix sur cette interdiction-là. Il le voyait clairement à son expression, à son attitude.
Mais le tatoué n’était un gamin duquel Sundance devait satisfaire ses quatre volontés. Et Sundance, ce qui ne lui plaisait pas, c’était que l’autre veuille le goûter. Alors on était quitte comme ça, non ? Aucun n’était satisfait des enjeux.

Il le suivit du regard tandis qu’il allait s’installer dans l’autre fauteuil de la pièce, juste en face de lui.

– Tu ne joues plus ?

Cette fois, c’était le doute qu’il devinait chez l’autre immortel. Il ne put s’empêcher de s’en sentir un peu vexé. Quoi, qu’est-ce qu’il y avait ? Le jeu ne plaisait déjà plus parce que le Kid n’avait pas perdu au premier coup ?

— On ne peut pas tricher à ce jeu. A moins de mettre six balles. Tu m’as vu chambrer les cartouches, non ? Je n’en ai mis que cinq.

Tatoo-boy ne pouvait pas arrêter maintenant, hein ? Parce que sinon, l’ennui reviendrait s’inviter chez le cow-boy.
Pour une fois qu’il avait trouvé un divertissement sympa pour eux deux et sortant un peu de l’ordinaire.

— Où est le plaisir quand tu sais déjà si tu vas perdre ou gagner ? Avoir tout ce que l’on veut et tout de suite, c’est pas intéressant.

Non, non. Il lui fallait l’appâter. Réfléchis, Sund’, trouve autre chose qui suscitera son intérêt.

— Si tu arrêtes ici, tu n’auras rien. Jamais. Mais si tu continues, tu as encore toutes tes chances. Tu en a envie, non ?

Le Kid, en revanche, n’en avait pas la moindre. Alors si ses paroles laissaient sous-entendre à l’autre qu’il pouvait, qu’il allait gagner, ça ne l’empêchait pas, lui, de prier très fort pour que ça n’arrive pas. Quand même.

Ich. Le spectacle qu’on venait de lui imposer était des plus charmants. Sundance porta une main à sa bouche, vaguement écœuré, tandis que son regard n’arrivait pas à se détacher de la chair en recomposition. Comme une sorte d’attraction malsaine. Purement dégueulasse.
Mais fascinant.

Tout juste eut-il le réflexe de se lever pour attraper l’arme au vol avant qu’elle n’aille heurter quelque chose, absorbé par sa contemplation comme il l’était. Et pourtant, c’était un peu son préciiiieux à lui, ce révolver.

– Hé ! Tu pourrais faire gaffe avec ça, tu vas me l’abîmer ! protesta-t-il quand même, tout en jouant machinalement avec l’arme.

Et puis le fauteuil accueillit à nouveau son humble fessier, non sans un petit couinement de protestation face au manque absolu d’élégance lorsque Sundance s’y laissa tomber avec la délicatesse d’un cachalot échoué.
Il pointa l’arme contre sa tempe. Oui, encore. Mais que voulait vous, il n’était pas du genre très original dans sa façon de faire, lui.
Et clic.
Juste, clic.
Le son paraissait presque aussi assourdissant qu’une détonation à ses oreilles. A cause de ce qu’il impliquait. Néanmoins, il n’y avait rien eu d’autre que ce petit et infiniment ridicule clic.


Merde.

Sundance écarta doucement le révolver de lui et le posa sur la table basse comme s’il s’était agi d’un fragile objet de porcelaine. L’expression qu’il arborait était absolument indéchiffrable, mais une véritable tempête se déchaînait de l’autre côté de ce visage soudainement devenu de marbre.

Mégamerde.

Il s’enfonça dans son fauteuil et croisa les bras, regard planté dans celui de l’adversaire. Non, il ne tenterait pas de fuir comme un pleutre – soyez sûr que ce n’était pourtant pas l’envie qui lui en manquait. Il avait voulu jouer, et il avait perdu.

Mais autant accepter la défaite avec un minimum de dignité.

La douleur. Il n’y avait pas de mot pour la décrire. Celui de « torture » ne lui évoquait rien de plus qu’une promenade de santé à côté de ça. Atroce. Insupportable. Intenable.
Non, c’était encore pire.
Mais est-ce que c’était toutes ces sensations, ou le fait de se voir infliger ça tandis qu’il était parfaitement conscient et lucide ? Dur à savoir. Les deux jouaient à part égale.

Il voulut se débattre, mais Tatoo-boy le tenait trop fermement pour que ça aboutisse à quelque chose. Ses mains ne trouvaient pas de prise sur lui, s’imprégnaient du sang qui n’en pouvait plus de couler, devenaient poisseuses et glissantes. Il avait beau gigoter comme un beau diable, rien n’y faisait. Il ne lui aurait pas pensé une telle force.
Il voulut hurler, et il le fit probablement oui, seul moyen d’expression qu’il avait, comme si martyriser à ce point ses cordes vocales, ses oreilles et celles de l’ autre servirait à quelque chose.
Il voulut fermer les yeux pour ne plus avoir à assister à ça mais c’était impossible, c’était encore pire comme ça, de savoir et de ne pas pouvoir voir tout en ayant déjà vu auparavant en quoi ça consistait. Alors il les garda grands ouverts, dilatés, s’infligeant un spectacle qu’il n’oublierait jamais, il le savait.
De le voir juste là, à cheval sur lui, se régalant de ses entrailles et barbouillé de son propre sang, ça arrivait même à déterrer une répulsion profonde d’en dessous toutes les autres émotions et sensations violentes qui l’assaillaient. Ça l’écœurait tellement qu’il aurait bien volontiers vomi tripes et boyaux pour l’exprimer. Comble de l’ironie, « on » venait juste de lui en enlever une bonne partie juste son nez. Charmant.

Au final, il voulut juste s’évanouir, mais la douleur était trop intense pour le lui permettre. La régénération galopante qui essayait sans succès de combler le vide de sa chair manquante au fur et à mesure que l’autre la dévorait le maintenait, elle aussi, désespérément conscient.

Puis vint un moment où son épaule jusque là fermement maintenue, se retrouva libre, permettant au Kid une plus grande amplitude dans ses mouvements. L’énergie du désespoir le fit frapper, frapper encore, visant au jugé le tatoué, essayant juste de le repousser du mieux qu’il pouvait pour ne plus avoir à sentir ses griffes qui fouaillaient sa chair ni ses crocs qui l’arrachaient. Pour ne plus avoir à contempler un monstre qui s’en repaissait avidement.

— Arrête ça… Kanae. … s.top.

Sa voix était hachée, sifflante et vibrante de douleur. Basse, parce qu’il n’avait ni la force ni le courage de la rendre plus audible. Choisir ses mots, arriver à moduler les sons – et donc réprimer cette envie de gueuler encore – pour se rendre un tant soit peu compréhensible lui en demandait déjà trop. L’emploi de son nom ? C’était le seul mot qui, à sa connaissance, était capable d’avoir un effet quelconque sur celui qui était en train de le bouffer. Avec un peu de chance, ça interpellerait l’autre juste assez longtemps pour que Sundance arrive à se dégager.
Et si même ça ne suffisait pas, alors il ne saurait pas quoi faire. La douleur le rendait fou, mais même cette folie-là, la frénésie qu’elle lui conférait, n’était pas suffisante pour que ses coups seuls soient capable de le mettre à distance et de faire cesser ce délire.

Bingo. Sundance avait trouvé le mot magique.
Il avait vraiment espéré que ça marche mais, soyons honnête un instant, n’y croyait pas. Et c’est quelque chose comme qu’on aurait presque pu qualifier de soulagement qui déferla en lui lorsque l’autre s’arrêta dans son activité, relevant la tête de la chair sanglante du cowboy pour le regarder, lui.
La délivrance.
Il se devait à tout prix d’en profiter avant que sa chance ne décide d’aller voir ailleurs s’il y était.

Sans jamais quitter Tatoo-boy du regard, le Kid s’appuya sur une main pour se redresser un minimum, chose peu évidente avec le poids de l’autre sur son corps, et envoya l’autre tâtonner à l’aveuglette dans son dos, jusqu’à enfin entrer en contact avec ce qu’il cherchait. Un peu de chance dans son malheur. S’il n’avait pas été aussi occupé à refréner les vagues de douleurs qui lui bouffaient encore le ventre et l’impression persistante que les crocs du parasité étaient encore occupés à lui en arracher la viande, il aurait presque pu se permettre un petit sourire en coin.
Mais ce fut plutôt un rictus de douleur – un de plus par-dessus tout le reste, ça ne faisait plus trop de différence à l’heure actuelle – qui s’invita sur son visage lorsqu’il ramena en un geste rapide le bras vers l’avant pour venir coller le canon du revolver tout contre la gorge.
Pas d’hésitation. Il tira à bout portant les deux balles qui restaient encore.

L’immortel ne nourrissait que peu d’illusions à l’égard de ce geste un peu futile. La blessure qu’il venait d’occasionner chez l’autre ne lui donnait qu’un court répit et s’il n’était pas capable de l’arrêter durant ce petit moment là, il serait bien en peine de trouver autre chose pour sauver sa peau.
Mais au moins, la puissance de la détonation avait projeté l’autre en arrière et permit enfin à Sundance ce qu’il cherchait depuis le début : se dégager. Sa main droite s’agrippa au fauteuil renversé en y laissant des généreuses traînées sanguinolentes et il tenta de se redresser en position assise.
L’idée la plus mauvaise qu’il aurait pu avoir avec un trou dans le flanc et le sang qui n’attendait que de s’épancher en plus grandes quantités encore. Même si sa gravité avait diminué maintenant qu’il n’y avait plus personne pour festoyer et déchirer tout ce que sa régénération réparait, il n’allait certainement pas être comme neuf dans les minutes qui suivraient.

— T’as gagné. T’as. mangé. Maintenant… t’arrêtes.

Parler lui coûtait trop. Et il se sentait mal, terriblement mal. Le revolver lui glissa de la main, la crosse toute dégueulassée du sang de son propriétaire, pour retomber au sol avec un bruit mat. Ses yeux quittèrent momentanément Tatoo-boy pour se poser une nouvelle fois sur la plaie, sur le spectacle à l’intérieur des organes qui se reconstituaient à grand peine. Perdu dans sa contemplation, il lui sembla entendre des coups frappés à la porte, suivis d’un grand fracas dans le minuscule hall de l’appartement.

— Que… ?