Un bruit de gorge, il jouit, tu sens une chaleur se répandre en toi. Un dernier à-coup puis il s'immobilise.

C'est d'habitude le moment que tu redoutes. Beaucoup t'ont chassée ou sont partis juste après ce moment là.

Mais il t'embrasse, il t'observe, il roule sur le flanc et te garde dans ses bras. Tu n'as jamais vraiment goûté à cette saveur particulière qu'est le câlin après l'amour. Tu penses que tu pourrais facilement y prendre goût. Tu somnoles, comblée car dans ses bras. On s'habitue très vite aux bonnes choses.

Tu t'attaches à lui. Depuis que vous avez fait l'amour.. ou même avant... Son sourire ses mains, tu en veux plus.

Son sperme se mélange à tes secrétions, tu les sens couler lentement sur tes fesses.

"J'en veux encore..."

Les mots t'échappent. Tu étais si bien. Les hommes n'apprécient pas ce genre de phrase ? Tu n'en sais trop rien.

Tu en veux encore, pas maintenant, tu es repue, mais bientôt, tout à l'heure, ce soir... et peut-être demain ?

Il somnole, sent son esprit dériver. Il se souvient, maintenant, pourquoi il ne reste généralement pas. Mais il est chez lui. Et il ne la jettera pas dehors. Jamais. Parce qu'il l'aime bien. Elle est une personne vibrante, ce qui n'a pas de prix, à ses yeux. Et qu'elle n'aime pas faire souffrir. Il en a connu d'autres. Il a commencé jeune, à découvrir que le sexe était une méthode appropriée pour ce qu'il essayait de faire. Et il aimait ça. Et détestait ça.

Se noyer dans les sensations comblait son vide intérieur, lui laisser entrapercevoir les portes de ce qu'il devrait être. Il savait que les humains ressentaient, en positif comme en négatif. Il savait qu'il ne pouvait plus. Était-ce de sa faute? Ou l'avaient-ils brisé? Il l'ignorait, mais cela ne changeait rien au résultat. Et il pensait qu'il n'y avait plus que la peur. Qui était devenue la gâchette improbable qui attirait sur lui le calme froid de son pouvoir.

Il y avait eu la colère, la haine, une fois. La première fois. Mais les conséquences avaient été désastreuses. Il n'avait réussi à s'en sortir que ce qui apparaissait comme des semaines plus tard. Puis il était revenu. Et il avait découvert un nouveau moyen de tenir le froid à distance. Il avait été sali, souillé, de son plein gré ou non, et il avait aimé ça. Avait découvert qu'il n'existait qu'à travers ça. Mais il avait détesté cet homme de ressentir bien plus que lui. De lui offrir cette tangibilité et de la lui retirer ensuite.

Il lui avait fallu longtemps pour apprendre autre chose que la violence, entremêlée au sexe. Longtemps pour aboutir à ces tendres moments, comme ceux partagés avec Kamy. C'était un autre équilibre. Différent. Mais qui perturbait son chemin. Il avait besoin de cette violence, pour boucler la boucle. Et pourtant il ne demanderait rien. Sa volonté n'allait pas jusque-là.

Il sortit de sa réflexion et replongea dans l'univers des vivants, des sensations, quand elle lui parla. Un sourire fit naître une fossette sur sa joue, plissa ses yeux en les faisant briller. Glissant la main sous elle, il la fit basculer sur lui, dissimulant la marque, comme au fer rouge, qu'il n'avait pas à cœur de cacher. Il se demandait ce qu'elle ressentait, à s'offrir à une personne sachant ce qu'elle était. Cela semblait tellement hors d'atteinte. Il ferma les yeux en se rendant compte qu'il était jaloux. *Vilain Lise...*

Il laissa ses doigts tracer des sillons sur son dos exposé, puis sentit un liquide tiède couler sur lui. Oh, il avait oublié. Certaines personnes n'aimaient pas la sensation de ce corps étranger qui s'expulsait de lui-même, sans aucun contrôle. Lui la savourait, elle était l'ultime souvenir qui lui permettait de revivre l'union. Il laissa un petit rire, encore un peu rauque, lui échapper, et répondit, autant pour lui que pour elle:

"Moi aussi... Mais je ne suis pas sûr d'être à la hauteur avant encore au moins une heure."

C'était une estimation moyenne, bien entendu... Il se souleva à demi, les bras toujours refermés autour d'elle, faisant jouer en plein ses abdominaux. Il voulait pouvoir la fixer dans les yeux.

"Tu peux aller te doucher si tu veux. Je vais réchauffer le petit-déjeuner. Ce n'est pas bien d'entreprendre des activités trop intensives avec le ventre vide."

Un vrai rire, taquin, lui échappa. Cependant, il fut vite calmé en jetant un regard discret sur son appartement. Il rougit un peu, immobilisa son regard sur ses joues, lui lançant des petits coups d’œil furtifs, gênés.

"Il n'y a pas vraiment de... euh... salle-de-bain... Si... euh... tu préfères... Il y a une douche fermée en bas."

Il avait l'air penaud. Difficile de lui expliquer sa claustrophobie débordante. Malgré sa présence, le silence était pesant. Il fallait bouger, bientôt. Faire du bruit. S'occuper. Il eut un pauvre sourire et haussa les sourcils. Il se demandait comment elle réagirait en se rendant vraiment compte du genre d'endroit dans lequel elle était. Ou du fait qu'il n'y avait pas de rideaux et un vis-à-vis...

Il te fait rouler sur lui, te parle, t'observe amusé. Il en veut encore lui aussi, plus tard. Tu as hâte. Il te parle de petit déjeuner, là aussi tu as hâte. Puis soudain, ses yeux se perdent sur son appartement. Gêné, il te dit qu'il n'a pas vraiment de salle de bain.
Tu te relèves à califourchon sur lui. Tu n'avais pas eu vraiment le temps d'observer son chez lui en détail. Il y a une salle de bain en fait...détourée par des plantes. Mais pas de murs, rien. Un espace totalement ouvert entre la salle de bain, la chambre, le salon et la cuisine.

Il a dû transformer un bureau en appartement... Ça doit être à la mode non ? Un peu bizarre les toilettes à l'air libre cela dit sans surprise tu trouves que c'est lumineux. Des plantes, de la lumière, des photographies accrochées sur les murs, jolies d'ailleurs.

"En haut. Je prendrais ma douche en haut s'il-te-plait."

Tu ne vois pas pourquoi il te faudrait être pudique maintenant... Pas après ce que vous avez fait. Quand on est un lycan on apprend à ne plus l'être. Surtout vu ce qu'il a vu hier...
Tu baisses les yeux sur lui, il est sous toi, allongé. Il est craquant hein ?

"C'est joli"

Tu parles de l'homme ou de l'appartement ? Tu ne sais plus trop, tu laisses le doute.

Tu lui souris timidement. Les photos... Tu te demandes si c'est lui qui les a prises, tu lui demanderas peut-être plus tard, néophyte en la matière, tu as peur de dire des bêtises. T'as pas tellement envie de quitter ce lit, tu voudrais prolonger le contact mais tu te relèves quand même. Tu n'es pas assez audacieuse pour imposer tes désirs.

Assise sur le rebords, tu hésites. Tu aurais aimé faire ton sport, étirer tes muscles endoloris, mais nue... Mauvaise idée, plus tard, pour l'instant pas la peine de te rendre ridicule.
Tu bailles, étires ton dos et te lèves pour te diriger finalement vers la douche, rajoutant un "j'y vais" à son attention.

Arrivée dans la salle de bain, tu aperçois son t-shirt négligemment roulé en boule, mouillé dans un coin de la douche. Tu l'attrapes pour le ranger ailleurs, déchiqueté... le dos en lambeau. Tu fais mine de rien, le plie, le pose dans un coin, allume la douche et sens l'eau te couler sur le corps.

Tu prends ton temps pour réfléchir. As-tu déchiré le t-shirt d'Eli hier en tombant ? Peu probable. Alors quoi ? Tu sens qu'on te caches quelque chose. Tu es vexée. Il sait pour toi, il a vu. Que peut-on avoir de pire à cacher que ça ? La pleine lune hier, d'accord, mais ça ne peut pas être un lycan, tu l'aurais senti, tu aurais su, surtout avec autant de contacts. Alors quoi ? Ça te dérange. Peut-être que ce n'est rien, que tu te fais des idées. T'y crois moyennement quand même... Tu es mitigé entre l'affection grandissante que tu portes pour lui et une soudaine méfiance. Pourquoi les choses ne pourraient-elles pas être plus simples ?

Tu sens de temps en temps son regard de ton côté. Ça te gêne, tu aurais aimé laver ton sexe, mais n'oses pas. Tu te frottes vivement le reste du corps avec du savon, attendant qu'il soit occupé pour t'occuper des parties intimes. Tu te rinces ensuite puis lorsque tu arrêtes l'eau, tu grelottes, tu serais bien restée plus longtemps, tu regardes aux alentours à la recherche d'une serviette.

"Eli... ? Les serviettes ?"

Fasciné, il l'observe en train d'observer son appartement. Il est gêné, bien sûr, étrangement embarrassé, mais aussi pressé de connaître son avis. Elle est à califourchon sur lui, et c'est presque sans y prêter attention qu'il laisse ses doigts descendre le long de son ventre, tourner autour de son nombril. Il sourit en entendant qu'elle prendra sa douche en haut. Il se demande si elle apprécie l'idée. L'espace. Lui-même n'est pas pudique. Ne l'a jamais été. N'a jamais eu l'occasion de l'être, plutôt. Le plus simple appareil est celui dans lequel il est à l'aise. Dans lequel il peint. Dans lequel il pourrait travailler, au demeurant. Cela dit, s'il venait à perdre sa concentration, certains auraient une bonne surprise. Ou une mauvaise. Difficile à dire.

Quand elle le regarde, elle lui dit qu'elle apprécie l'appartement. Ou lui, impossible à définir. Cependant, il sent quelque chose se détendre en lui. Et l'appréhension croître. Il essaie de prendre une décision. Se demande s'il le doit. S'il le veut vraiment. Mais il a vu à quel point elle a souffert de devoir se dévoiler. Trouve que la situation n'est pas équitable. Auparavant, ça ne l'a jamais dérangé. Il s'en est toujours sorti en écrasant les autres. Ne sait exister que comme ça. Et pourtant, quelque part, sa résolution tremble. Son monde branle. Uniquement son monde, pour l'instant, malheureusement. Il éclate d'un petit rire.

Le sourire qu'il lui adresse est différent. Triste. Il souffle à peine un remerciement qu'elle ne comprendra probablement pas. La regarde descendre du lit, s'avancer dans la douche. Regarde ses fesses qui se balancent alors qu'elle marche. Peut-être moins d'une heure, finalement... Il ferme les yeux. Son sourire change, devient tentateur. Il se lève. Sa décision est prise, malgré la peur qui lui vrille les entrailles. Il ne fait pas l'effort de dissimuler son tatouage. Peut-être le verra-t-elle. Peut-être pas. Le destin, auquel il ne croyait pas, déciderait.

Il s'extirpe du matelas moelleux, s'essuie rapidement à l'aide d'un mouchoir pioché dans une boîte, sur la table de nuit, attrape puis enfila un pantalon, large et informe, qui ne tient qu'à peine sur ses hanches. Il inspire profondément, tentant de se donner du courage. Prend le plateau sur le tabouret. Expire doucement. Se dirige vers la cuisine. Il jette de fréquents coups d’œil vers la douche. Se demande si elle a vu. Comment elle réagira. Le café est à nouveau fumant, les tartines grillées à point, son jus d'orange pressé.

Il s'assoit sur un tabouret de bar, pensif. Effleure du doigt les coupures dans le bois. Observe la ville par la fenêtre. Attend. Essaie de ne pas penser. Jusqu'à ce qu'un appel perce le silence oppressant qui commence à peser sur son esprit. Il aurait dû mettre la musique. Ne sait pas si elle apprécierait. Il émerge de ses pensées. Une serviette? Ah oui, elle est chez lui. Dans sa douche. Il secoue la tête, se lève, oublieux, quelques secondes, de ses préoccupations, se penche pour sortir deux serviettes-éponge d'un tiroir. Il approche, le sourire aux lèvres, lui en pose une sur la tête et lui tend la plus grande. Il penche la tête sur le côté:

"Petit-déjeuner? J'ai refait couler du café."

Une serviette sur la tête, l'autre est tendue gracieusement par la jeune homme. Il te propose un petit déjeuner. Tu as tellement faim que ton estomac se tord. Parfait ! Tu lui souris, tu arrives à cacher ton malaise. En revanche il y a quelque chose qui cloche vis-à-vis de lui, quelque chose qu'il n'arrive pas à masquer par sa gentillesse.

"Oui... Je veux bien"

Tu commences à te demander si tu es en trop ici, s'il voudrait que tu partes. Lorsqu'il se retourne pour partir tu remarques un tatouage...
Étrange. T'avais pas vu ça avant. T'es un peu lente en fait. Mais petit à petit tu comprends. Tu es restée dans la salle de bain cachée par les plantes. Tant mieux il ne te voit pas réaliser. Ce que tu as pu être bête d'imaginer qu'il pouvait être un lycan.
Un clover. Des ailes mécaniques, la capacité qu'ils ont à retourner le cerveau, assez forts pour lutter contre des anges.
Éli ? Les photos, les plantes, les caresses... Tu as du mal à y croire, comme si c'était des concepts que tu ne pouvais pas assembler entre eux.
Tu veux vérifier encore une fois en sortant de la salle de bain mais il s'est assis face à toi, le petit déj devant lui. Il n'a qu'un pantalon large qui a tendance à tomber. Torse nu, un joli ventre...

Cette scène est particulièrement belle. *ômondieu,jesuisamoureuse*

Et voilà... C'est fait. Trop vite, trop l'habitude de tomber sur des connards que lorsqu'on te montre un peu d'amour tu fonds. Mais il n'y a pas que ça. Il comprends ce que tu es. Plus ou moins. Plus qu'un humain de base. Cœur d'artichaut... Tu réalises que c'est ridicule du haut de tes 35 ans. Tu chasses l'idée de ta tête d'un mouvement avant de sortir de ta tétanie.

Tu ne t'es pas encore séchée. Tu répares l'erreur rapidement avant d'enrouler la serviette autour de toi. Tu t'assieds face à lui. Tu cherches son regard et pour la première fois depuis que tu le connais tu prends peur. Ses yeux bleus ne t'ont jamais paru aussi froids. Aussi vides... Les cauchemars que tu as fait cette nuit te donnent froid dans le dos.Tu hésites, il est peut-être temps de partir.

Un dialogue muet prend place entre vous : il doit voir dans ton regard que tu réalises qu'il peut te tuer sans effort. Que t'as peur en fait. Juste une seconde. Mais il y a quelque chose qui t'est plus insupportable que cette terreur : le malaise grandissant qui s'installe.

Au final, tu prends ta décision : tu poses sa main sur la sienne, tu la caresses. Tu essayes de le rassurer, de lui faire comprendre que tu ne veux pas partir, ça veut aussi dire "merci de me l'avoir dit" et aussi un peu "j'commencecarrémentàteniràtoi,bonjourjesuisnïaiseetçamefaitflipper"...


Tu es reconnaissante de son sacrifice, tu repenses à hier, lorsque tu as été découverte. L'idée ne te met plus aussi mal à l'aise maintenant... Grâce à ce qu'il a fait.
Tu murmures un merci. Pas la peine d'en dire plus, pas la peine d'en parler, c'est un fait. Vous ne changerez jamais ce que vous êtes même si vous en discutez pendant des heures. Par politesse par tristesse, tu préfèrerais éviter le sujet parce qu'on ne parle pas de ses choses là, on les garde en nous.
Puis jette un coup d'oeil à la nourriture qui est posée devant toi.

"On devrait manger un bout si on veut continuer nos exploits"

Tu tentes de jouer la carte du sourire malicieux, il y reste une pointe de tristesse encore. Il est si jeune et déjà brisé. Tu voudrais qu'il enlève ce masque terrible qu'il a sur le visage, tu ferais n'importe quoi pour ça.

Elle l'a vu. Il n'a fait aucun effort pour le cacher, mais il en est certain. Il l'a trop observée pour ne pas remarquer son malaise. Sa peur. Lorsqu'elle réalise qu'il l'a peut-être manipulée tout du long. Que, peut-être, rien n'était vrai. Quand elle comprend qu'il pourrait la tuer sans effort visible. Ou pire, la faire se tuer. Quand elle se remémore les rêves qu'elle a dû avoir la nuit précédente. Se dit qu'ils ont été réels, eux, au moins pour une personne. Les positions adoptées n'avait pas été très flatteuses. Il se demande si elle va partir, presque indifférent. Il n'en a pas envie, bien entendu. Il en est venu à l'apprécier, bien qu'il ne sache, finalement, rien d'elle. Peut-être pourraient-ils être amis. Difficile à dire. Il n'a jamais eu d'amis.

Installé au comptoir, sur le tabouret, il sirote son jus d'orange. Il se demande aussi si elle aura pitié de lui. Si elle sera curieuse. Si elle parviendra à mettre ses appréhensions de côté. Lui aussi est curieux. Il n'a jamais baisé avec ses ailes. Il se demande si ça changerait quelque chose.

Il l'observe, enroulée dans sa serviette, assise en face de lui, tentant de savoir comment réagir. Il n'est pas excité à l'idée de l'effrayer. Ce serait même plutôt l'inverse. Il laisse une main posée sur le bar. Ses doigts tracent de petits cercles concentriques. Le grain régulier du marbre, sa chaleur sous ses doigts, l'apaisent. Il pose sa joue dans son autre main. Attend. Laisse le silence s'étirer. Il déteste le silence. Et pourtant, pour son bénéfice, il ne dit rien. Il ne veut pas la troubler avec un quelconque mouvement. Même s'il pourrait y être allé et être revenu sans qu'elle s'en aperçoive. Cela dit, il veut qu'elle reste, pas qu'elle fuie en courant.

Il a presque déjà fermé les yeux, pour ne pas la voir partir. Il n'en serait pas triste. Probablement pas. Il était naturel que les gens le quittent. Mais il n'aimait pas voir ça. Il était celui qui partait, d'ordinaire. Ce n'était pas si agréable d'être de l'autre côté du miroir. Un petit rire ironique lui échappa. Il s'interrompit aussi quand elle posa sa main sur la sienne. Qu'elle la serra. Qu'elle le remercia.

Il hausse les sourcils, surpris. Il ne comprend pas de quoi elle le remercie. D'avoir été franc avec elle? Il n'a rien dit, après tout. Elle pourrait simplement se faire un film. Il aime beaucoup cette expression, bien qu'il n'ait pas la moindre idée de la façon dont on tournait un film. Tout, encore une fois, pourrait être faux. Ou était-ce par rapport à la veille? Parce qu'il n'avait pas hurlé en la voyant changer? C'était encore plus loin de son entendement. Elle était ce qu'elle était. Belle, vivante, mouvante, gentille, lycane. Peu importait, pour lui. Un corps chaud était un corps chaud. Il se souvenait vaguement de cette discussion avec... Non, il n'avait pas vraiment envie de s'en souvenir.

Un son, enfin, brise la chape de silence inhabituelle qui s'est abattue sur la maison. Il a l'impression de voir son voisin à la fenêtre, se demandant pourquoi il n'a pas encore eu l'occasion de lui hurler dessus pour qu'il baisse la musique. Un rituel, entre eux. Une routine étrange et rassurante. Elle sourit, et il sourit en retour. Elle est triste, ce qu'il ne comprend pas non plus. Ou déchiffre-t-il mal? Est-elle simplement déçue? Cependant, il acquiesce, se redresse, déchire un coin de tartine et l'enfourne, mastiquant laborieusement. Il a un étrange goût de cendre dans la bouche. Le goût d'une fin. Il avale sa bouchée, la fait passer avec un peu de jus d'orange, et, enfin, se décide à répondre. A nouveau, sa voix comme son visage sont doux:

"Kamy... Je suis, bien entendu, plus que partant pour le deuxième round. Mais tu n'as pas besoin de te forcer si tu trouves ça... Dérangeant. On peut aussi juste discuter."

Il a un sourire enfantin, qui dit que ce n'est pas grave. Il est vraiment sincère. Ne réfléchis pas au conséquences. Pas tout de suite. Pour l'instant, il veut profiter encore. A nouveau. Alors il avance la main, celle qui sent le pain grillé, et dégage une mèche qui s'était perdue sur le visage de la jeune femme. Il a rejeté la peur. Il a rejeté l'appréhension. Il a rejeté la réflexion. Il n'est plus, à nouveau, que sensation. Et dans son regard, c'est une faim toute nouvelle qui brille...

Discuter ? De quoi ? De ce qu'il s'est passé cette nuit. Non... Tu revis le cauchemar. Les rêves... Tu ne veux pas savoir si ce que tu as vu est vrai. Tu as retiré ta main de la sienne. Les deux sont posées sur tes genoux.Tu réprimes un frisson, une envie de vomir...
Il faudrait que tu manges.

"Une tartine... Tu me beurres une tartine s'il-te-plait ?"

Tu le regardes faire lascivement.
Une envie qu'il s'occupe de toi. Tu retiens ainsi le besoin que tu as de te lover dans ses bras. Non, ne pas être trop câline. Ne pas l'effrayer surtout.
Une fois tartinée tu évites de l'enfourner dans ta bouche en entière et te forces à mâcher. Un effort à faire pour ton pauvre estomac. Tu jettes des coups d'oeil vers lui. Il te regarde, amusé par ton petit manège.
Tu en voudrais une autre mais tu n'oses pas réitérer ta demande.
Il doit attendre une réponse.

"Je suppose que tu veux avoir quelques renseignements sur moi..."

Une boule apparaît dans ton ventre. Tu pries pour qu'il ne te pose pas de questions sur ton passé de lycan, qu'il ne se rende pas compte que tu vas lui mentir. Pitié, qu'il ne te demande pas ton âge ou ce que tu fais dans la vie...

Tu voudrais que l'ambiance arrête d'être pesante. Tu voudrais passer la journée avec lui, profiter du temps, peut-être se balader dehors... Faire du shoping ?
Tu l'observes d'un oeil, le reste de ton attention portée sur la nourriture.
Tu commanderais bien le reste de ton déjeuner. Tu veux le voir, profiter de ses gestes de ses actions, de ses mains qui travaillent pour te satisfaire...

"J'habite à Kita, mais à la limite près de Minami. Hum... Seule. Puis je suis secrétaire dans un grosse boite."

Tu hausses les épaules, voilà, tu as dépeint une fille basique, voir chiante. Parfait. Qu'il continue de te trouver vulnérable, c'est mieux.

Avant même qu'il ne te poses des questions, tu renchaines.

"Tu vis ici depuis longtemps ? Elles sont de toi les photos ?"

Tu lui souris, tu veux qu'il te parle de lui au lieu de parler de toi. Ce n'est pas comme si tu avais l'habitude de te mettre en avant. Surtout vu a manière dont ta gagnes ta vie...

Lui beurrer une tartine. C'est une question intéressante. Qu'on ne lui avait jamais posée. Il éclate de rire. La tension, en lui, se dissipe un peu. Dans l'atmosphère, elle est toujours oppressante. Les plantes l'aident à chasser l'impression que les murs se rapprochent. Il déteste le silence. Ils faisaient toujours leurs expériences en silence. Il se concentre sur autre chose. La tartine. Il n'a pas très faim. Pas encore. Pas de ça. Il la regarde par en-dessous alors qu'il fait aller et venir le couteau sur le pain, qu'il semble le caresser. Il sait ce qu'il a envie de faire, pour combler le silence. Il s'apprête d'ailleurs à suggérer quelque chose d'assez peu... D'assez sportif, pour être poli. Quand elle parle.

Et là, il ne comprend plus rien. Il s'était attendu à une batterie de questions sur lui, maintenant qu'elle savait. Ou même à simplement des questions. Il avait le toupet de se croire intéressant, après tout. Il étouffa un nouveau rire. Effectivement, il avait été un peu trop imbu de lui-même, de toute évidence. En réalité, la réponse à SA question était non. Il n'avait aucune envie d'en apprendre plus sur elle. Pas qu'elle ne l'intéressait pas. Simplement, ça ne changeait rien. Il avait déjà vécu une semaine avec une personne sans connaître ne serait-ce que son nom. Mais ils n'avaient pas beaucoup parlé non plus... Un sourire qui n'avait rien d'innocent lui étira les lèvres.

Il se lança dans la préparation d'une autre tartine. Elle ne l'avait pas demandée, mais au pire, elle resterait juste là. Et puis, s'occuper les mains l'aidait à se concentrer, aussi. Lorsqu'elle évoqua Minami, il sourit. Il allait souvent là-bas. N'en repartait jamais seul. Il allait dans le quartier étudiant aussi, parfois. Il aimait bien les étudiants. Ils étaient fougueux, oublieux, naïfs. Lui aussi, sur beaucoup de points. Mais pas sur ça. Secrétaire. Un sourire admiratif lui fait une petite fossette. Il enchaîne:

"Ça ne m'étonne pas que tu sois secrétaire. Les patrons ont toujours besoin de belles femmes pour adoucir les clients mécontents. Et pour se rincer l’œil, évidemment..."

Ce qu'il ne se privait pas de faire lui-même. Mais pas la peine d'en rajouter. Puis elle parla des photos. Et la physionomie de Lise changea du tout au tout. Son sourire s'élargit, son visage s'illumina, il reposa le couteau pour pouvoir accompagner ses paroles de gestes. Il vivait. Ne s'en rendait pas compte, cependant. Mais l'art était l'expression de ses ressentis, de ses émotions, des contacts qu'il accumulait. Et il répondit donc:

"Oui, les photos sont de moi! Les tableaux aussi, d'ailleurs. J'aime immortaliser de petits instants de la vie. De petites sensations. D'éphémères moments. Ils ont l'art et la manière de rappeler les meilleurs souvenirs quand on a l'impression d'en avoir le plus besoin... J'aimerais savoir jouer d'un instrument, mais je ne peux qu'écouter les créations des autres, alors je me rattrape sur ça. Tu vois, cette photo, là, c'est une plume de pigeon dans le Temple, pas très loin. Elle me rappelle... Une rencontre. C'était une mauvaise idée, ce n'était pas mon meilleur souvenir..."

Il éclate de rire. Pas le meilleur, effectivement. Pas le pire non plus, cela dit. Une rencontre intéressante. Étrange. Qui lui avait permis de prendre conscience de certaines choses. De sa fragilité. De celle des Anges. Ils n'étaient pas tout-puissants non plus. Pas invincible. Pas inébranlables. En parlant de ça... Il s'aperçut qu'il s'était levé, qu'il avait glissé un bras autour des épaules de Kamy pour lui désigner les créations, tout à tout. Qu'il avait laissé son pouce tracer un sillon régulier sur sa peau douce et fraîchement lavée. C'était étrange de sentir son odeur sur elle. Il ne détestait pas... Sans la lâcher, il se tourna vers elle, lui sourit, et posa enfin une véritable question:

"Tu aimes la musique?"

Tu l'écoutes distraitement, il t'expliques ses photos. Le sens t'échappe. Une aile de pigeon ? Quel est l'intérêt ? Peut-être de l'art moderne à l'image de l'appartement. Il a l'air passionné. D'un coup tu le sens... jeune. Très jeune, encore innocent et plein de vie. Au final peut-être que tu préférais les photos sans les explications. Tu pouvais leur donner le sens voulu.

Il s'est rapproché de toi. Il te touche enfin. Il redevient tactile, insatiable. Quel enfant. Tu as l'impression qu'il est tenté encore... Tu ne peux t'empêcher de te dire qu'il est vraiment jeune.
Tu ne te concentres pas vraiment sur ce qu'il te dit. Quel âge il a ?

Il te demande si tu aimes la musique, ça te remet les pieds sur terre.

"Oui bien sûr"

Qui n'aime pas la musique ?

"Les musiques..." sur lesquelles tu aimes bouger, courir, faire du sport " entrainantes surtout"

Tu lui souris, il jouait encore avec le grain de ta peau. Est-ce qu'il écoutait vraiment ?

"Tu veux me faire écouter quelque chose ?"

Il est un peu déçu quand il se rend compte qu'elle n'est pas vraiment intéressée par ses photos. Par ses tableaux. Elles sont une part de lui, pourtant. Sa vision du monde. Ses perceptions. Incompréhensibles, peut-être, pour beaucoup. Il avait cru qu'elle prendrait conscience de son besoin. Elle avait vu ses rêves. Elle avait connu un laboratoire, si ce qu'il avait compris était vrai. Pas le même, peut-être. Moins longtemps, possiblement. Mais elle n'était pas brisée. Moins que lui. Il le savait. Elle était vivante. Elle était vibrante. Elle n'était pas une cruche percée qui essayait de se remplir à la petite cuiller.

Il haussa mentalement les épaules. Rejeta ses pensées. De l'eau était de l'eau, quelle qu'en soit la source. Survie féroce. Il avait entendu cette expression un jour. Elle lui correspondait bien. Il revint dans son monde de sensations, enfermant toute réflexion poussée. Elle était bonne pour quand il était seul.

Il lui sourit à nouveau, lascif, quand elle évoqua la musique. Entraînante? Il la voyait bien danser. Bouger ce corps fin, musclé. Il aurait aimé voir ça. Cependant, il se pencha simplement à son oreille, effleurant le lobe de sa langue, incidemment. Elle sentait son savon. Étrange, vraiment. Mais, sous l'odeur neutre et légèrement astringente, il la sentait elle, à nouveau. La goûtait. Laissa ses mains redescendre le longs de ses bras, jusqu'à entremêler ses doigts aux siens. Il lui souffla, intime:

"Je n'ai que de la musique lente... douce... chaude. Celle des clubs humides où les corps se collent, où les membres se mêlent... Voudrais-tu entendre ça?"

Il parlait, en réalité, de musique latine. Celle sur laquelle il fallait d'ordinaire danser à deux. Mais il n'en avait que quelques-unes, perdues au milieu de son jazz, de son blues, de son funk punchy pour quand il se sentait vraiment mal. Les allusions le firent sourire. Ce n'était pas très intelligent de sa part. Mais le jeu pouvait être intéressant. Il aimait danser, parfois. Tant qu'il pouvait toucher les gens. Et il voulait la toucher, maintenant...

Lorsqu'il te susurre dans l'oreille tu as des frissons. Lente, douce, chaude. Humide, les corps qui se mêlent. Vos mains sont liées.

Petit malin... Il joue. Tu t'en rends compte. Tu le sens jeune maintenant. Peut-être même gamin. Tu devrais te défaire de lui, lui dire ce qu'il en est. Peut-être arrêter tout ça. Oui, tu es résolues tu vas lui dire.

Tu te mets sur la pointe des pieds. Trop petite. Tu effleures ses lèvres légèrement avec les tiennes avant de l'embrasser plus fougueusement. Dis, donc, tu es bien moins timide que ce matin. Tu profites de sa saveur, sa salive et son souffle chaud. Tu as l'impression de le sentir esquisser un sourire.


Tu lâches ses mains et passes tes bras autours de son cou pour te permettre d'être stable. Tu colles le long de ton corps contre lui. Tu sembles fluette dans ses bras. Est-ce que c'est ce qu'il lui plait ?

Que c'est bon le contact, les baisers, l'amour. Que c'est bon d'être regardée. Tu te demandes comment tu as pu t'en passer jusque là et tu sais qu'aucun retour en arrière ne sera possible.

Tu prends en assurance et emmêles ta langue à la sienne. Peut-être parce que tu te sens plus adulte, que l'envie est trop forte. La serviette qui est accrochée semble sur le point de se délier. Elle tient encore. Ta main se perd dans ses cheveux.
Il parlait de danser ? C'est toi qui mènes.

Il attend sa réponse. Sérieusement, ou presque. En réalité, il est prêt à se plier autant au "oui" qu'au "non". Après tout, une danse reste une danse, qu'ils soient habillés ou non. Il la sent se retourner, goûte ses lèvres sur les siennes, sa langue, son souffle. Elle lâche ses mains, se jette autour de son cou. Il esquisse un sourire. Il a l'impression que cette scène a déjà eu lieu. Elle avait été interrompue, la dernière fois. Il espère que ce ne sera pas le cas, une fois encore. Mais il est prêt à retenter l'expérience.

Il glisse les mains le long de ses cuisses, les glisse sous la serviette, sous ses fesses. Il la soulève, l'assied sur le bar. Elle est plus grande que lui, désormais. Mais ce n'est pas ce qui l'intéresse. Il sent ses doigts dans ses cheveux. Lui préfère poursuivre son exploration, caresser sa peau, détacher la serviette.

Il laisse sa langue poursuivre son chemin le long de son cou. Le marbre est froid, il faudra changer bientôt d'endroit. Mais en attendant, il happe son téton entre ses lèvres, entre les dents, le titille de la langue. Il veut combler le silence avec ses halètements, ses cris. Mieux que la musique. Mieux que n'importe quoi d'autre. Ses cinq sens se comblent. Et, pour un temps, les fissures se referment.

Il t'attrape, te porte et te pose sur le bar sans que tu ne réalises vraiment ce qu'il se passe. Mais tu es plus haute que lui maintenant. C'est étrange. Agréable. Tu continues d'enfouir tes mains dans sa chevelure. C'est doux.
Il s'attaque une nouvelle fois à tes seins, les mordille, les lèche du bout de la langue.

Tu te cambres sur le bar. Ils sont sensibles. Beaucoup trop. C'est un plaisir mais aussi une torture lorsqu'il les presse. Tu gémis.

Tes mains posées  toujours sur sa tête tu aimerais qu'il explore ton ventre, tes hanches et plus bas encore.

"Plus bas..."

Dans un souffle, tes pensées sont sorties de ta bouche. Tu es trop fébrile pour te retenir.

C'est un gamin... Tu réalises. Il y a quelque chose qui ne va pas. Tu as des images de cette nuit. Tuy as changé d'état par rapport à ce matin. Tu as appris trop de choses. Tu as vu trop d'horreurs et pourtant tu profites de tout, de ses caresses, de sa bouche de sa chaleur. Tu te dégoûterais presque. Les pensées néfastes défilent et ne s'arrêtent plus. Tu voudrais arrêter le sexe mais n'oses  plus, il est emporté dans son élan et t'emporte avec lui.

Il continue de jouer avec ton corps, d'explorer, de s'amuser des sons que tu produis à chaque nouveau recoin. Tu as l'impression qu'il se repaît de toi tel un vampire en manque...

Tu voudrais renouveler cette expérience encore. Le sentir au fond de toi. Qu'il te prenne encore et que pour lui tu sois la seule chose qui compte comme tout à l'heure. Qu'il enlève son air triste, désabusé, blasé, en manque.

Tu baisses les yeux sur lui, tu te dégoûterais presque...

"Attends..."

Tu le repousses légèrement. Ses yeux bleus t'observent remplis d'incompréhension. Tu te mords instinctivement les lèvres, tu as gâché quelque chose.

Il sent ses doigts dans ses cheveux, goûte sa peau, entends ses halètements. Sa demande. Il n'hésite pas, s'exécute. Il n'en a pas eu assez ce matin. Ses mains pétrissent son dos. Il n'a plus qu'une envie, laisser tomber ce pantalon large qui l'effleure à chaque mouvement.

Puis, soudainement, alors qu'il effleure des dents l'intérieur de ses cuisses, il la sent se raidir, devenir moins naturelle dans ses gestes, dans ses sons. Lise ferme les yeux, soupire. Ce sera pire encore, cette fois, il le sent. La sentence ne se fait pas attendre. Elle le repousse. Les failles se rouvrent, les éclats se décrochent, des nouveaux, en plus des anciens.

Il s'éloigne, respire aussi fort qu'un soufflet de force. Ce n'est plus du désir. Quelques secondes, la colère l'aide à se contrôler. Puis elle reflue, lorsque les souvenirs reviennent en un maelström. Il tente de ne pas projeter. Il recule, jusqu'à s'appuyer contre un mur, en faisant tomber un cadre qui éclate au sol. Croise les bras, fort, sur sa poitrine, après s'être passé les mains sur le visage. Il faut être calme. *Doucement, Lise, ce n'est rien... Deux fois en une nuit, c'est un record, mais c'est mieux que la forcer, n'est-ce pas?* Une part de son esprit en doute, ce qui le surprend.

Il hésite à lui dire de partir. C'est dangereux, après tout. Et elle ne lui apporte rien. La partie la plus pragmatique de lui-même prend le dessus. Elle est la plus à même de rationaliser la situation. D'empêcher ses ailes de sortir. De remplacer le feu brûlant du désir par la glace cuisante de son mental modifié.

Il lève sur elle un regard incertain, trouble. Ne sait pas quoi lui demander. Se demande si ce qu'elle lui dirait aurait de l'importance. Il ne veut pas la blesser, mais ce ne sera pas au prix de sa propre souffrance. Pas cette fois. Plus jamais. Il se l'était déjà promis. Alors il attend, concentré sur son tourbillon intérieur. De voir si elle partira, ou si elle cherchera à s'expliquer...

Tu sens sa colère, tu entends le bruit d'un cadre qui se fracasse sur le sol.
Tu ne te rends pas compte qu'il est plus instable que jamais, tu te focalises plutôt sur ton sentiment de honte. Sa colère te fait moins peur que sa déception. Naïve !

Tu plies tes genoux et ramènes tes cuisses contre ton corps, ta tête repose lourdement sur tes genoux, enfin tu caches cette dernière tant bien que mal avec tes bras. Tu voudrais te cacher de cette nudité qui te met mal à l'aise depuis quelques secondes.

Tu rassembles le peu de courage qu'il te reste pour au moins expliquer, même s'il risque de te détester. Tu retiens tes larmes donc ta voix tremble. Est-ce qu'il va comprendre que tu es sincère ?

"Je voulais...vraiment être avec toi.." Tu inspires profondément. "Mais les images..."

Tu n'oses pas en dire plus. Quelle honte ! Tu lui rappelles des souvenirs qu'il voudrait oublier. Folle, tu veux donc mourir ?

Tu ne réalises pas. Pour toi, la situation ne pourrait pas être pire, tu as déçu la seule personne qui t'accordait de l'importance. Tu restes immobile, perchée sur ton bar, recroquevillée, en attente d'un mot, d'une parole. Il va te dire de partir et de ne plus jamais revenir.

Tout son être se fige, concentré sur ses paroles. La gangue de glace faiblit. Mais il sait qu'il y a un "mais". S'il n'y en avait pas eu, il serait en train de s'enfouir au plus profond d'elle, pas de se tordre contre le mur comme un oiseau pris au piège. Un oiseau sans aile, pour l'instant. Une bonne chose. Et ça pourrait continuer ainsi. Tout du moins, ça aurait pu. Les images... Il savait qu'il avait projeté, cette nuit. Ne se souvenait plus exactement quoi. Trop de souvenirs. Certains, rares, étaient assez doux pour lui permettre de courtes plages de sommeil. Mais la plupart...

Il se souvient que cette nuit... Cette nuit il s'est rappelé de Lui. Elle se demandait si elle avait été plus marquée par le viol en lui-même, ou par la pile de cadavres qui en avait résulté, qui s'étaient entre-tués, comme devenus fous. Plus jamais la colère... Et d'ailleurs, ce n'était pas e qu'il ressentait. Le vide, le froid avaient pris le dessus devant cette constatation. Il la dégoûtait. C'était aussi simple que ça.

Mettre des mots sur cette impression lui donna l'impression qu'une pierre glacée sombrait dans son estomac. Il se redressa, tremblant. S'avança, d'un pas incertain, vers sa penderie, d'où il sortit une chemise en flanelle longue, et une sorte de caleçon de cycliste. Indifférent, il se rappela qu'il l'avait récupéré par erreur, une autre nuit. Une dans l'univers de ses possibles.

Un claquement métallique résonna contre les murs. La première lame était sortie. Il observa ses poings serrés, symboles de sa lutte contre le pouvoir. Son souffle était court, sous l'effort. Il jeta les vêtements sur le tabouret aux pieds de Kamy puis, au centre de l'appartement afin d'éviter de lacérer les murs quand le moment viendrait, il parla. Sa voix était froide, avec une pointe de déception. Il ne se sacrifierait plus jamais. Il passait avant tout. Ou il ne survivrait pas.

"Tu devrais partir Kamy. Tu peux prendre ces vêtements-là si les tiens ne sont pas récupérables. Je m'occuperai du reste. Tu peux revenir au salon quand tu veux, le "2L" accepte toute clientèle."

Il avait bien insisté sur le "au salon". Elle ne reviendrait pas dans son appartement. Clac. Une deuxième lame. Il serrait les dents à se les briser. Très ironique, il avait prononcé le nom de l'échoppe à la française. "Deux ailes". Mais aussi Lise Lamontagne. Ce qu'elle ne pouvait pas savoir. N'avait pas besoin. Il ferma les yeux, inspira. Murmura:

"Je ne parlerai pas de ton secret, ne t'inquiète pas..."

Puis chassa toute considération qui n'était pas lui, ses souvenirs et la glace dans ses veines.

C'est fini. Vraiment. J'avais gardé encore un espoir, mais je fonds en larme en entendant le claquement d'une lame contre le mur. Après ce que j'ai dit... impossible de revenir en arrière.
La peur commence à me prendre. Va-t-il me permettre de m'en aller ou la colère sera-t-elle trop forte ?
Je tremble de tous mes membres, je me rends compte que je n'ai plus de force. Je n'ose pas le regarder. J'ai peur pour ma vie, tous les cadavres que j'ai vu en rêve...
Et lorsque que je vois les vêtements atterrir sur le tabouret, un sentiment de soulagement me gagne.

"Tu devrais partir Kamy..."

J'entends la suite des paroles mais ne les calcule plus. Je ne pensais pas avoir la force de me lever et de descendre du bar mais le sentiment d'être une moins que rien me pousse à le faire. J'ignore les vêtements, ne les vois presque pas, je sais juste que le bruit que j'entends en partant vient du tabouret qui tombe. J'ai une boule dans le ventre et les joues inondées de larmes.

J'arrive dans les escaliers et j'entends ta voix :

"Je ne parlerai pas de ton secret, ne t'inquiète pas..."

J'ai envie de me retourner, d'expliquer, de dire quelque chose, de supplier. Rien ne sort de ma gorge nouée. Impuissante. Tu sais maintenant ce qui est pire qui l'ignorance non ? Avoir déçu quelqu'un. Bravo. Je réalise que je suis le problème à tout début de relation que j'ai eu. Je me hais.

Je continue ma descente dans les escaliers. Je me promets de te revaloir ça, je ne sais pas encore comment.
Arrivée dans le salon je repère mes habits, je veux juste partir. Le plus vite possible. J'attrape mon pantalon. Ma culotte est à l'intérieur. Je les enfile, attrape ensuite mon t-shirt, mon soutien-gorge en tombe mais je ne le découvrirais que plus tard, je l'enfile juste avant de sortir d'ici.

Je sors dans la rue, au bout de quelques mètres je réalise que je suis pied nus. Je m'arrête, les yeux baisés sur mes pieds. La nausée arrive d'un coup, je vomis en plein milieu. Les quelques passants matinaux s'écartent. C'est terriblement désagréable mais une fois fini je me sens vidée.


Une cigarette au bout des doigts, je referme mon blouson noir. Il fait froid là-haut. L'attente est interminable. Je surveille la rue depuis des heures, placée en haut de l'immeuble voisin, juste en face se trouve la boutique, la grande glace, l'enseigne "2L" et juste au-dessus l'appartement. Il n'est pas chez lui. J'attendrais. Je veux le voir.

J'ai pleuré cet l'après-midi, ai eu du mal à manger aussi, heureusement que j'ai pu dormir. Je tourne aux clopes, d'habitude il ne s'agit que d'un outil me permettant de sociabiliser, mais pas ce soir. Ce soir, je compense.

J'ai attendu toute la nuit au final, somnolé et encore attendu. C'est au petit matin que je le vois rentrer chez lui. Est-ce qu'il va bien ? Impossible à dire d'ici. Il rentre de chez une autre femme... Je le sais. Bien... Je me sens penaude. Qu'est-ce que ça m'a apporté ?

Je rallume une clope. Mes poumons ont morflé, ma gorge aussi. Je tire dessus et jette un coup d'oeil à la ville qui se teinte de lumière petit à petit. C'est joli quand même. Je me promets de ne plus jamais revenir. C'est fini. Le temps de fumer ma cigarette, de l'éteindre contre le sol et j'ai le courage de bouger mes membres frigorifiés.