-Le photographe va venir déposer ses clichés de toi, mon beau.

Un bruit de chaine et le poids autour de son cou le ramene à la réalité. Shizuo regarde Flanagan, docile. Il fallait qu'il le soit. Il sait parfaitement ce que signifie la lueur au fond des yeux du démon.  Il avait tiré fort sur la laisse cette fois. Shizuo réalise doucement que Flanagan est de très mauvaise humeur. Posant sa main sur le torse de l'homme qu'il hait entre tous, il sourit.

-Vraiment ? C'est une bonne chose.. non ?

Flanagan hausse un sourcil. Shizuo sent l'angoisse montée. Il connait son maître par cœur désormais, il sait que tout, en toute circonstance peut être mal pris. Shizuo sourit un peu plus, rentre la tête dans les épaules et se mord la lèvre, l'air navré.

-Bien sur que oui, c'est une bonne chose, je le sais. C'est juste que tu as l'air tendu, mon chou...

Flanagan sourit et finalement rit, plaquant son jouet fétiche contre lui, il force la barrière de ses lèvres, Shizuo se laisse faire, ravalant son dégoût. Encore une fois. Il le laisse faire, pousse le vice à caresser le démon, se fait tendre, aimant. Après tout, c'est comme ça qu'il vit, c'est POUR ça qu'il vit. Flanagan l'écarte violemment et l'arrête d'un coup de laisse, Shizuo ferme les yeux et retient un gémissement. La douleur aigue se répand dans tout son cou, par vague. Il va avoir une marque, il le sait. Il n'a pas besoin de regarder, pas besoin de se poser la question non plus. C'est ce que Flanagan cherche à faire aujourd'hui. Apposer sa marque sur l'asiatique. Il veut que le photographe sache et ça ennuie beaucoup Shizuo. Ca lui donne envie de vomir. Il ne dit rien et ne sourit pas non plus, baisse les yeux et attend la suite. Flanagan se laisse tomber sur un fauteuil et détaille Shizuo. Le japonais sent le regard le déshabiller, il sait à quoi pense Flanagan et il espère sincèrement que ça ne se produise pas. Le démon soupire.

-Alala... C'est dommage que je ne puisse pas rester... Vraiment, j'aurais aimé les voir. Après tout, c'est ta nouvelle pub, mon joli.

Shizuo ne dit rien, il se contente d'attendre. Il regarde ses pieds, attend que ça se passe, cache tout au fond de lui l'espoir naissant de Flanagan s'en allant bientôt. Il entend Flanagan se servir un verre, du Craig, comme d'habitude. Il ne boit que ça quasiment. Il l'entend déglutir, reposer son verre puis soupirer d'aise, son propriétaire reprend.

-T'as intérêt à être tout doux, cette fois. Hors de question que tu te tapes l'affiche comme la dernière fois. T'as compris ?

Shizuo hoche la tête silencieusement, faisant tinter la chaine relier au collier qu'il abhorre. Flanagan se penche en avant.

- Pardon j'ai pas entendu, j'crois...

Shizuo se mord la lèvre et hoche la tête.

-Oui... J'ai compris. Je suis désolé...

Flanagan sourit et se lève puis lache la laisse.

-Vire moi tout ça, sauf le collier. Comme ça t'oubliera pas.

Shizuo fronce les sourcils mais par chance, Flanagan lui fait dos. Il sait parfaitement pourquoi ce collier restera là. Pour la même raison qu'il a cette marque sur la hanche. Il ne dit rien de plus, dérochant la laisse, il la roule et la pose dans un tiroir qu'il referme doucement. Il reste debout. On ne lui a pas dit de s'asseoir. Il sait parfaitement ce qu'il lui coûtera de bouger sans un ordre. Il a encore trop de blessure à vif pour tenter quoique ce soit. Il connaît trop bien les humeurs de Flanagan pour risquer un simple mouvement brusque. Flanagan met son long manteau noir. Il regarde autour de lui.

-Love what you've done with the place...

Ca donne envie à Shizuo de tout bruler. De tout changer, de rendre cette pièce dans un état lamentable, c'est mieux que si cette ordure l'aime. Il se contente de sourire, prend l'air flatté et pousse le vice à lisser les plis du manteau de Flanagan comme un putain d'esclave. Haut le cœur. Il s'éloigne tranquillement de la porte, la démarche un peu raide. Ca fait marrer Flanagan. Shizuo ne peut s’empêcher de penser qu'il peut bien se marrer comme ça mais un jour... Un jour viendra où il sera libre... Et ce jour là, il lui fera payer tout ça. D'une manière ou d'une autre. Il y arrivera. Flanagan sort finalement et Shizuo se détend un peu. Il sait qu'il reviendra, n'importe quand, il n'a pas les clés, il n'en a pas besoin. Si Shizuo n'ouvre pas... Il ne préfère pas penser à ça.

Il se laisse tomber sur le canapé en soupirant, les yeux fermés. Il laisse le temps filer, une heure, puis une autre et trois. Il reste là, sans forcément dormir, juste à apprécier le calme, le silence. Il en oublie le collier. Il ne l’enlèvera pas. Il a bien trop peur que Flanagan ne revienne. Il se redresse et sort une clope qu'il allume. Il s'en délecte, la fume comme si c'était le graal, ses nerfs se calment un peu sous la nicotine, sa dernière injection est déjà bien loin mais pour l'instant ça va... Il est chez lui. La porte sonne, il sursaute un peu et met quelques secondes à calmer son cœur. Il se lève et va ouvrir, il voit le photographe. Il prend sur lui et sourit.

-Ah tiens ! Bonjour ! Monsieur Flanagan n'est pas là. Mais je vous en prie entrez...

Il a un peu peur de la suite mais ne dit rien, il est tendu, la dernière fois, ils se sont battu comme des chiffonniers.

Spoiler:

Shizuo constata que le jeune homme avait autant envie de se retrouver avec lui que Shizuo avait envie de le voir. Dieu que la suite allait être dure...  Il le laissa entrer, souriant, il fallait sourire. C'était la clé.

_ Ouais, salut. On fera sans alors…

Shizuo renifla. Constatant la mauvaise humeur de son vis-à-vis il préférait se taire. C'était encore la meilleur solution. Il y avait des gens qui lui faisait des effets viscéraux. Anthelme, le photographe pete noix en faisait très sincèrement partie. Un honnête représentant de la si convoité assemblée des gros cons en goguettes, Shizuo avait beau prendre sur lui, rien que de le voir, là, sous son nez, si enervé contre la planete entière en permanence lui donnait envie de lui coller des tartes jusqu'à ce qu'il ouvre les yeux. Shizuo ne supportait pas de voir quelque de libre gaché sa vie à se plaindre et à être aussi incapable d'être heureux de ce qu'il avait. Oui, c'était une jalousie très mal placée qui prenait le dessus quant aux sentiments peu sympathiques qu'il entretenait vis-à-vis du photographe. Il était jaloux de le voir rentrer chez lui, de le voir faire ce qu'il voulait – y compris se laisser aller à être de mauvaise humeur- quand lui n'avait même pas le droit de regarder les gens dans les yeux en présence de Flanagan ou des amis de Flanagan d'ailleurs. Pour une fois, il avait laissé sa véritable personnalité prendre le dessus et elle est tellement blessée qu'elle en devenait agressive et particulièrement salope. Dans ces moments-là, Shizuo ressemblait à ses archétypes de gay agressifs et folles qu'on voyait dans les films.

_ Bon, j’ai imprimé les clichés aux formats demandés. Mais j’vais te montrer ça, tiens…

Douche froide instantanée. Il ne voulait pas voir ces clichés. Il le regarda étaler les photos sur la table. Incapable de bouger. Il avait la mine sombre. Il se souvenait parfaitement des poses, suggestive... Il savait exactement à quoi il ressemblait sur les photos du jeune homme : à une pute. Il avait arrêté de se voiler la face bien des années avant quant à sa posture et à ce qu'il faisait pour Flanagan mais aussi pour racheter sa liberté. Il était un escort boy d'une espèce rare. Ses services particuliers lui permettait de mettre la barre des prix extrêmement hautes. Le but était simple, réunir l'argent le plus vite possible avant que la dette n'augmente trop et qu'il lui soit purement et simplement impossible de payer. Alors il souffrait beaucoup maintenant pour pouvoir être tranquille après. C'était l'accord qu'il avait passé avec son corps, la raison pour laquelle il laissait les gros porcs qui lui tenaient de clients, faire absolument tout ce qu'ils désiraient, trois règles étaient en vigueur : pas le visage, ne pas tuer et prévoir de quoi soigner un minimum. Shizuo dormait rarement chez ces clients, il mettait parfois des heures à rentrer chez lui lorsqu'ils avaient été particulièrement virulents et violents mais il préférait rentrer chez lui, qu'importe la douleur et le temps que ça prendrait.
Il ne regarda pas les clichés, pas plus qu'il ne s'approcha pour faire semblant de les voir, sa main s'était crispée sur son avant bras et il était clair que les clichés le mettaient mal à l'aise. Il ne remettait pas en cause les capacités d'Anthelme, il ne comprenait rien à la photographie mais se voir sur ces clichés, approuvés tout en les ayant vus ce qu'il y avait dessus, c'était au dessus des ses forces. Alors regardant obstinément le sol, tendu et crispé, il hocha la tête lentement.

-C'est... C'est parfait, je les montrerais à Monsieur Flanagan quand il rentrera. Je suis sure qu'il sera très satisfait.

Dire que prononcer ces quelques mots lui avait arracher la gueule était un euphémisme pure et simple. Ca n'était pas parfait, il avait envie de cramer chacun de ces maudits posters jusqu'à ce qu'il n'en reste plus rien. Il n'avait pas la moindre envie qu'ils soient distribués dans les maisons de passe aux quatre coins de la ville. Il se détourna et s'éloigna vers la cuisine, sans un regard pour les clichés. C'était beaucoup trop pour lui et il se fichait pas mal de ce que penserait Anthelme. Il demanda d'une voix légèrement tremblante, mais il ne s'en rendait pas compte.

- Vous voulez quelque chose à boire ?

Rester poli, ne pas l'enervé, le faire partir et vite. Shizuo essayait de rester dans les clous mais il voulait voir les clichés disparaître de sa table et vite. Il préparait du café, tremblant, mettant de l'eau partout, se crispant d'autant plus pour les empecher de trembler. Il avait envie de hurler au photographe de se barrer de chez lui et le grief qu'il avait contre lui à la base ne l'aidait pas à tenir tranquille sa langue qui ne révait que de l'envoyer paitre. Alors il essayait de se convaincre que ce n'était pas de la faute d'Anthelme, c'était Flanagan. C'était toujours Flanagan...