Il aurait pu être parfait vous savez.
Mais au lieu de cela, il avait choisi d'être bien pire.
La lumière m'enlace, m'étouffe. Le bruit me transperce, me dévore. La chaleur humaine me berce, me broie. Et moi, je me laisse volontiers emporter, bousculer, harponner par toutes ces pollutions sucrées. Et j'attends. J'entends. J'attends désespérément celui dont j'ignore encore qu'il m'appelle. Au travers des spasmes mélodieux. Par dessus les néons euphoriques. Quelque part dans cette marée de viande et de sueur se trouve un précieux inconnu avec lequel je danserais jusqu'à ce que mort s'en suive.
Mon cœur a hâte.
Mon estomac aussi.
Lorsque le sol hurle, et que les murs lui répondent, je peux entendre leur tintement. Lorsque chaque pupille brûle sous les éclats des projecteurs, je peux apercevoir leur lueur. Ils sont un peu partout, à me tendre les bras. La gourmandise me prend. Ah. Comme je les voudrais bien tous. Mais alors les festivités seraient gâchées.
Mes yeux s'affolent.
Sous le tango sanguin des rayons électriques, mes orbites capturent le crissement du métal écorchant ta chair. Entre chaque pulsation des organes de la bâtisse, ma langue retrouve ta peau transpercée d'encre. Les vapeurs parasites d'alcool et d'effluves humaines ne suffisent plus à masquer l'odeur de tes iris plastifiées.
Je t'ai trouvé.Ils m'entraînent vers toi, ils me fraient un passage, ils tressautent et sursautent et salivent déjà, pourtant chacun des mes doigts redoute ce rendez-vous. Une sirupeuse mélodie repeint ma peau d'angoisses. Un chant qui me murmure de fuir. Me hurle de déguerpir. Sensation étrangère. Odeur familière. Il y a en toi un quelque chose, je ne sais quoi, dont mon cœur est ivre. Quelque chose qui doit sortir, d'une façon ou d'une autre, en te déchirant le ventre.
Notre rencontre a assez duré. Je veux te connaitre, te sentir, te parler. Te toucher, te brûler. Te faire ramper. Alors j'avance. J'écrase mes doutes sur mon chemin. J'avance. Ils crient et éclatent sous mes orteils. Comme de petits crânes d'enfants, ils griffent mes chevilles dans leur agonie. J'avance. Les questions grouillent entre mes dents et rendent ma langue poudreuse. Je m'arrête.
Tu t'arrêtes.
Quoi ? quoi ? quoi ?
Tu n'es pas humain, mais c'est bien pire. Autour de toi, tout m'attire. Mais à l'intérieur, je ne vois pas, je ne vois rien. Curiosité. Le sol hurle, les projecteurs éclatent, les corps dégorgent, je m'aventure. Curiosité, animosité. Un sourire fend mon visage, l’incompréhension me torture. Les yeux sourds. La langue aveugle. Il te faut rester muet, la partie vient tout juste de commencer.
Toi et moi allons danser pour l'éternité.
Hanches et flancs ancrés, tes cils rougeoyants papillonnent entre mes griffes. Près, oh si près. Je peux gouter le sel collé à la membrane de ta pupille. Souple, Sirupeux, Acide. Dangereux.
Humain ? humain ? humain ?
Arrêtes ma langue dans son agonie de questions et d'interrogations alors que j'avance et balance. Alors que je recule et bascule. Sur mon chemin je dois t'écraser et te faire durer. Mon ventre se déchire, mon cœur m'est étranger, un chant d'angoisses rampantes. Mes doigts hurlent à leur passage, je t'ai trouvé mais l'odeur masquée n'est que plastique. Ils parasitent ma peau tes organes. Elle crisse et écorche le métal ta chair. Notre sang danse. Affolant festival de visages volés. Comme je les voudrais. Les bras tendus un peu partout luisent éclatent et brûlent, je les entends, ils me répondent. Mon estomac mort. Mon précieux inconnu de cette marée de viande et de sueur. Spasmes euphoriques, désespoir sucré. J'entends. J'attends. J'entends. Ta chaleur me broie, me berce. Ton bruit me dévore, me transperce. Ta lumière m'étouffe. M'étouffe.
Car oui, précieux inconnu, tu aurais pu être parfait.
Mais tu avais choisi d'être bien
« pire. »