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 Intangible

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MessageSujet: Intangible   Intangible Icon_minitime06.07.12 14:09

Indestructible

Artifice endiablé des échos électroniques, néons extravagants exposés à la lumière de la nuit. Bruit indistinct et pâteux des voix humaines emmêlées, tumulte des semelles rappées contre le sol. Odeur de substances chimiques vaporisées par dessus celle de fritures et futilités comestibles, odeur suintante de la transpiration des corps, eux-même embaumés dans de douces fragrances exotiques. Déluge, déluge... il pleut des coups et des rires à l’intelligence embrumée. Ruelle miteuse, dans les heures les plus sombres de la journée. Par terre, ça pue la moisissure.

Wine a plissé le nez, écœuré.
C’est dans une grimace nonchalante que le jeune homme s’est redressé après avoir patiemment attendu que ses agresseurs disparaissent. Autour de lui, des rafales de sens se livrent dans une bataille acharnée, emportant dans leur sillage les esprits les plus aiguisés. Si bien que ce soir là, Wine a cru simplement mourir.
    -Je n’aime pas ça, grince sourdement le squelette dépenaillé, en laissant ses épaules retomber.

La journée avait été horriblement éprouvante pour Wine, esprit dérangé et sans cesse tiraillé puis sollicité par tous ces élans de renouveau. Il avait volé quelques billes à gober dans une boutique colorée, avait mérité de se faire courser, rentré dans un semblant de pub, puis sorti malmené par un type schtock qui aurait pu le contenir au moins quatre fois. Pour finir, il avait laissé son corps en stase dans un coin de rue à l’écart, et ses heures de déconnexion lui avait valu de se recevoir la violence de deux vermines exaltées, bientôt amusés par les cris gutturaux d’une momie révoltée. Mais vite lassés par le jeu lorsqu’elle cesse de se débattre, ils laissent là le tas de bandes et d’os de nouveau parti en stase comme un animal en hibernation.
    -Wine veut retourner dans les bois.

Se relevant péniblement, le jeune homme a tiré une tête dépitée à la vue de ses bandes en lambeaux et noircies. Où irait-il en récupérer, et surtout comment jouerait-il à la momie s’il n’y avait plus de bande ? Le regard du jeune homme a scintillé à la lumière d’un réverbère. Partagé entre l’irritation et l’oubli, Wine a finit par remarquer l’angle incongru formé par son poignet retourné. En secouant son bras, il a vu sa main pendre lamentablement au gré de ses mouvements. A bien s’observer, même les doigts semblent partis pour concurrencer son poignet. Intrigué par cette expérience, Wine a secoué de nouveau son avant bras.

L’absence de sensation a frappé son esprit quelques secondes lucides.
    -Pas mal…?

Pas mal. Pas mal, pas mal, pas mal, psalmodie dangereusement ses réflexions. Sa nouvelle découverte lui vaudra un rire hystérique accompagné du sentiment bienheureux à l’idée que ça lui procure. C’était comme si, du jour au lendemain, on lui avait annoncé qu’il serait indestructible.

Joie passée, Wine a tôt fait de laisser son bras pour se concentrer sur le peu de choses à faire : partir d’ici quand il sera certain qu’on ne le voit pas. Après tous les ennuis qu’il s’était attiré au cours de quelques heures, l’opération simplifiée consistait à ne plus se faire remarquer. Parce que quelque chose semblait retenir l’attention des gens à son égard ; quelque chose, mais impossible d’en déterminer l’exacte nature de la chose. En tout cas, rien ne changeait du fait qu’il se sentait embaumé des parfums exécrable de la ville et qu’il n’aimait pas ça non plus. Inodore, insipide, et maintenant indestructible. Devait-il vouer à devenir invisible aux yeux de son temps ?

Loin de s’en soucier, Wine a pointé le visage sur un rayon du lampadaire. Regarde à gauche, regarde à droite. Marche. Arrêt. Même chose. Démarche irrégulière et fluide à l’image de l’araignée. Regarde et scrute encore.


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MessageSujet: Re: Intangible   Intangible Icon_minitime11.07.12 13:39

J'ai pas souvenir d'avoir écrasé un chat noir. Pas plus qu'une autre connerie du genre passer sous une échelle ou briser un miroir. Enfin, je ne crois pas.
De toute façon, tu ne porte aucun crédit à ces débilites.
Pas faux. Mais tout de même.
Tout de même quoi ?
Je dois être un putain d'aimant à monstruosités.

Un truc du genre. J'ai l'impression que je ne peux pas faire un pas dehors sans me foutre dans la merde. Celle des autres de préférence. Sinon c'est moins drôle. Mais c'est vrai. J'ai l'impression d'attirer les choses pas nettes et bizarres. Les trucs difformes ou contre-nature. Les bestioles dont on aurait préféré ne jamais connaitre l'existence. Un jour, j'aurais une vie normale. Peut-être. Ça serait le pied. Et avant de passer l'arme à gauche, ça serait encore mieux.

Pourtant, ma soirée avait pas trop mal débuté, je crois. Juste une petite crise de nerf à cause du gamin. Parce qu'il n'a pas pu s'empêcher de faire une connerie juste avant que je le ramène à son père. Ah ça. C'est clair que pour un gosse de 8 ans, ça devait présenter une attraction particulière, les dossiers de son grand-père. Tout pleins de couleurs différentes. D'autant plus quand le cerveau infantile fourmille d'idées quant à ce que ça pourrait donner en les combinant avec, disons, la broyeuse à papier, à tout hasard. Ça fera de la place dans l'appartement-qui-sent-fort-le-tabac de papi, il sera content.
Ça partait d'une bonne intention.

Mais allez savoir pourquoi, quand je suis revenu dans la pièce alors que le jaune criard de Madame Machin-j'aime-habiller-mon-caniche-avec-du-tweed - son vrai nom m'est sortit de la tête et se retrouve de toute façon à l'état de brindilles de papier désormais -, bref, quand ce jaune criard-là donc, et son affaire de "retrouvez mon fiston pourri gâté par sa maman qui a disparu", se retrouvait à moitié avalé par la machine, bizarrement, ce n'est pas la première pensée qui m'est venu.
Le petit con. Le crétin. Le sale gnome. L'adorable marmot. Le mouflet décérébré. Le petit ange. Le fils de...

Bref. J'aurais peut-être pas dû me mettre en rogne comme je l'ai fait. Mais merde, trois mois de travail. Trois. Partit en fumée. Parce que mon petit-fils trouvait ça rigolo de voir du papier se transformer en spaghettis.

Au moins tu m'diras, ça m'apprendras à ne pas tout informatiser.
Ouais. Ça t'apprendra.
Ta gueule toi.

Sur le chemin du retour, après l'avoir raccompagné chez son paternel, je me sens un peu coupable. Peut-être à cause du regard de chien battu de mon fils quand je lui ai raconté l'histoire. Peut-être parce que le petit a foncé dans sa chambre sans daigner me dire au revoir. J'm'en sors pas trop mal, j'aurais pu avoir droit à un "je te déteste, je veux plus jamais te voir" fluet et plein de rancœur enfantine. Demain, j'irais lui acheter le livre qu'il veut tant. C'était quoi déjà, le titre ?

Détour automatique dans une ruelle tranquille pour éviter la foule sur le chemin du retour. La foule bruyante, la foule dérangeante, la foule trop présente. Mains dans les poches, nicotine en tube au coin des lèvres, je cherche ce fichu titre. Un truc qui commence par F je crois. Je cherche, je cherche, mon cerveau enregistrant à demi un élément. Un détail capital. Une anomalie. Mise de coté. On aura le temps plus tard.
C'était pas Frankenstein par hasard ? Le bouquin ? Mary Shelley, tout ça ? Le gamin n'était-il pas un peu trop jeunot pour lire un truc pareil ?
Surement un coup de ma belle-fille. Trop de plomb dans la tête celle-là.
Et subitement, je suis réveillé. Réveillé pour l'Anomalie Mise de Coté. Peut-être parce que je passe juste devant en ce moment même.

Il me semble pas que ce soit vraiment normal, un p'tit jeune avec la peau bleue et la garde robe de Ramsés II, édition spéciale bandelettes. L'angle formé par son poignet ne semblait pas spécialement naturel non plus. Du moins pas plus que l'expression manifestement trop calme qu'il arbore. Il devrait être en train de gueuler de douleur non ? Ou au moins d'avoir l'air d'être à deux pattes de l'inconscience. Un truc du genre. Une histoire de défense psychologique de l'organisme il parait.

Frankenstein donc.
Là, j'ai l'impression d'avoir la créature de ce bon docteur devant mes yeux.
Après le zombie cannibale de la semaine dernière, je les enchaine. Bientôt, je vais être infoutu de discuter à des humains normaux. C'est eux qui me feront peur.

Instinctivement, je me suis arrêté à sa hauteur. J'sais même pas pourquoi. Je regrette déjà de ne pas avoir passé mon chemin pour retrouver mon chez-moi, et un malaise soudain me prend aux tripes. Mais au fond, j'ai juste l'impression d'avoir devant moi un gars complètement paumé. Je ne sais pas ce qu'il est, et je crois que j'ai aucune envie de le savoir. C'est peut-être juste un junkie ou un clown à la rue, après tout, qu'est-ce que j'en sais ? Je veux lui conseiller de se bouger vers l'hôpital le plus proche, mais j'ai l'impression que ça ne servirait pas à grand chose. Ça se sent, quand une personne a un trop gros pet au casque pour écouter la voix de la sagesse.

- L'hôpital petit, c'est de l'autre coté. Tu ferais mieux de pas trainer.

Silly me. J'aurais tenté.
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MessageSujet: Re: Intangible   Intangible Icon_minitime17.07.12 10:21

Changeur.


On jure avoir vu la figure de Wine se décomposer sur place, comme si les paroles du vieillard l’avait transpercé de part en part. Son être, son esprit, est délibérément pris dans ce subtile délice et à la fois torture de sentir s’évaporer ses certitudes et soubassements profondément ancrés d’il y a quelques instants à peine. Il les sent, ses motivations et volontés, se détourner sournoisement contre sa personne pour finir effilochées et devenir bien trop subtiles pour son âme érodé. Pourtant, sitôt défaite, une expression furibonde remplace ses traits –déjà suffisamment inquiétant en l’état actuel.
Wine s’est alors immobilisé pour lancer un sourire torve et irrité à la fois ; agacé à l’idée de se voir ainsi contré dans l’exécution de sa tâche principale. Et c’est dans cette posture figée dans le temps, qu’il lorgne de long en large, l’intrus de ses pensées, avec le même oeil réticent qu’un animal sauvage brusquement téléporté dans un milieu autre que le sien.
    -Traîner, répète consciencieusement Wine en faisant tourner ses neurones. Du moins, s’il s’en donne l’impression, la réalité aurait du mal à le démontrer sous le même angle. Il finit par rajouter dans un doux murmure, -Traîner dans les bois.

Doux, -tout est relatif. Et d’un coup, les bois, -son fameux bois-, lui paraissent se détériorer bien trop vite dans les méandres de sa mémoire, ne lui décrochant en fin de compte, qu’un chuchotis emprunt de regret. Quant à l’ordre de ses priorités, les soins sont visiblement les dernières de ses préoccupations les plus urgentes, si bien que l’hôpital dont lui parle cet étranger, lui passe à des années-lumières de la tête. Vulnérable, il n’est que le faible face à ses perceptions furibondes. Dépité, il grogne comme tentant de revoir un éventuel plan d’action du bout en comble. Changer de stratagème. Comme si, il y avait eu une stratégie porteuse depuis le début. Foutaises.

Finalement, la momie ambulante a reniflé la fragrance qui entoure son inconnu. Est ce qu’il sent les bois, est ce qu’il sait où sont ces bois, martèle une dernière fois une pensée marginale. Lointaine. Dépité, il a croisé les bras, n’aggravant que le spectacle écœurant d’un poignet retourné. Et le temps que son attention se focalise autre part, il a déjà oublié son objectif principal. N’en plairait qu’à ceux qui aurait la bonne idée de venir le dissiper à chaque coins de rue.
    -Tu sens. Tu sens le pas normal. a-t-il sifflé déconfit, retrouvant sa sphère d’aisance, quelques pas à reculons de l’individu. Barbu. Vieux, gris. Ridé. Mais pas normal. Pas normal, pour ainsi dire que c’est l’hôpital qui se fout de la charité, oui.

Impossible de décrire le détails des sensations de Wine, réduit au stade primitif. De toute façon, il s’en contrefiche un peu, dans son état. Il faut de tout pour former un monde, et peut être qu’un jour, Wine s’en rendrait compte, de ça. Vu les circonstances, il pourrait ne pas être trop tard. En attendant est ce que le vieux veut jouer avec Wine ? Cette fois pourtant, cette obsession du jeu –et quel jeu- semble paraître tel un dilemme aux yeux du jeune homme. Il se souvient –encore vaguement qu’il devait faire quelque chose, tout à l’heure...
Quelque chose.
    -J’ai faim.

Wine a semblé tout aussi surpris de sa propre phrase alors qu’il toise sans ciller le regard de l’homme qui se tient en face de lui. L’homme est blanc, lui est bleu. Le monde reste blanc, lui reste bleu. C’est drôle. A-aha.
    -Donne-moi mon chemin.

Une autre interjection spontanée. Mal formulée, pour ne pas changer l’état d’esprit du squelette bleu. Retrouve mon chemin, retrouve mon chemin, a envie de criser une envie pressante. Pour aller où ? Le vieux seul le sait. Et il serait fatalement le pivot de Wine, changeant au dernier moment, ses lamentables ambitions de court-terme. C’est terrifiant. Dis moi où tu vas et là bas je te suivrai. Mais Wine doit bien raccrocher ses wagons quelque part pour ne pas rester inerte dans son temps. Un peu comme la statue de pierre décolorée d’une des places qu’il a pu traverser. Atmosphère étrangement calme où Wine dévisage encore le vieil homme de son regard où brille clairement la déraison, d’une façon presque hypnotique. Et sa main valide aux bandes déchirées a agrippé la manche de vieillard. Les vivants se raccrochent toujours à quelque chose. Éphémère, à jamais, pour le pire et son contraire.
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MessageSujet: Re: Intangible   Intangible Icon_minitime20.07.12 0:06

Ferme ta gueule et marche à l'ombre. Rase les murs. Regarde tes pieds. Meilleur moyen de ne pas s'attirer d'ennuis, d'avoir la vie la plus tranquille possible. L'âge rend sénile à ce qu'on dit, j'ai oublié comment faire pour être discret. Pour me faire oublier. Je n'ai pas envie que l'on m'oublie. Sauf peut-être maintenant, là, tout de suite. Incapable de me taire. Incapable de me mêler de mes affaires. C'est bien, au moins je suis lucide à ce sujet. Reste à savoir où ça me mènera. Pas trop loin, j'espère.
Pour le moment, j'ai juste envie de rentrer. Lâcher mon imper. Me laisser tomber sur mon vieux canapé pourri. Et m'endormir pendant plusieurs jours d'affilé. J'ai envie de faire ça, d'y aller le plus vite possible. Peut-être même qu'en accélérant l'allure, j'aurais déjà pu être au pied de mon immeuble, si je n'avais pas essayé de me la jouer bon samaritain. Trop de choses étranges, dans cette ville complètement folle. Une parmi tant d'autres qui se tient en face de moi. La peau bleuie de l'asphyxié, les stigmates du martyr, le regard du perdu, la démarche du simple d'esprit - de l'esprit libre je dirais, si vous voulez mon avis. Je ne suis pas un super-héros. Devant ce genre d'erreurs de la nature, quelle qu'elles soient, je me sens aussi peu à l'aise qu'un prêtre à une réunion des pédophiles anonymes. Une envie. Une seule. Qui s'insinue depuis le début. Partir. Marcher, comme si de rien n'était. S'en aller, loin, vite, et tout oublier.

Bois. Pas normal. Faim.

Mais trop de paroles qui me paralysent. Qui m'intriguent. Suite de mots sans rapport entre eux.
Cet homme. Cette chose. Ce truc. Ses sourires et ses regards, ses affirmations et ses gestes. Et mon cerveau, mon putain de cerveau rouillé, incapable de faire autre chose que de raisonner le plus logiquement possible. En un compliqué mécanisme organique, éphémère, ce même cerveau qui me hurle l'aberrance aliénée de la situation force mon corps à rester stoïque. Force mon visage à ne rien exprimer. Force ces gestes, ces simples gestes machinaux et ô combien réconfortants. La main qui porte la cigarette à la bouche, le morceau de papier que l'on froisse dans la poche, la nuque que l'on masse nerveusement. J'écoute. J'ai envie de répondre. Et mes jambes ont envie de foutre le camp. Si la seconde option semble envisageable, la première ne servirait à rien. Mes réponses seront toujours trop logiques, trop terre-à-terre pour lui. Trop incompréhensible. Il ne semble pas ressentir la douleur. Il ne semble pas saisir situation. Il n'est pas à sa place. Existe-t-il même un seul endroit dans l'univers pour lui ? La remarque me fait sourire. Tristement. Je crois. Il m'angoisse, c'est vrai. Mais il y a autre chose. Une sorte de pitié pour quelque chose qui n'est pas censé exister. Pourtant, la pitié ne peut pas tout faire en ce bas-monde.

La pitié ne fait pas tout. Bon courage gamin, j'ai autre chose à faire.

Je m'écarte. Un quart de tour à droite. Droite. J'ai enfin trouvé la résolution de partir. Un pas. Non. Non non non. Mes jambes s'immobilisent à nouveau. Déjà. Donne-moi mon chemin. As-tu ne serait-ce que l'ombre d'un endroit où aller ? Ta route, ta vie, ton chez-toi, ce sont ces rues ? Les bois ? Tes bois, ils sont loin, petit. Loin, vers l'extérieur de la ville. T'en a fait du chemin. Si je te dis comment y retourner, tu me foutra la paix ? Tu me laissera retourner à mon quotidien tranquille et grisâtre ? Je n'y crois même pas. Trop de détermination dans cette poigne sur ma manche. Connais-tu seulement ce mot ?

- T'es difficile à suivre. Concentre-toi sur une seule chose à la fois quand tu parle.

Je ne suis pas suicidaire. Pas spécialement. Je sais que ce n'est pas franchement conseillé de parler sèchement à une personne pas saine d'esprit sur les bords. On ne sait jamais quel genre de réaction ils peuvent avoir. Mais je ne cause pas beaucoup et je n'aime pas la langue de bois. Deux raisons de dire les choses comme je les pense. Puis autre chose. Plus profond. Esprit malade et dérangé, oui. Certes. Mais surtout, plus que tout, c'est encore un môme. Du moins en a-t-il l'apparence. A l'époque, j'avais l'habitude de souvent réprimander mon fils sur des tas de choses. Je suppose que les habitudes ont la vie dure.
Sans attendre, un pas. Deux pas. Qu'il me suive, si ça lui chante. Il a bien dit qu'il avait faim non ? Il y a un petit vendeur de snack et d'autres conneries rapides à manger, en bas de chez moi. Le genre ouvert à toute heure de la nuit et du jour. Le gars me connait bien, à force de me voir à chaque fois que j'ai la flemme de cuisiner. Soit souvent. Je n'aurai qu'à y acheter le premier truc qui passe pour l'étrangeté qui s'était accroché à moi et, avec un peu de chance, il se désintéressera totalement du vieil homme qui l'aura amené jusqu'ici. Ce serai la meilleure chose. Ou la pire ? Je ne sais pas. Dilemme. Je n'ai pas envie de ramener ce gus chez moi, je sens que je ne ferai que le regretter. Pourtant. Pourtant. Pourtant j'ai envie de savoir. Ce qu'il est. D'où il vient. Comment pense-t-il. C'est surement totalement masochiste et complètement con, comme envie. Une personne normale se serait déjà enfuie en courant. Mais je ne suis pas vraiment normal après tout. Ce sont ses propres mots à lui.

Commençons.

- Ton nom ? Non, attends. Pas comme ça. Tu as un nom au moins ? Mieux.

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MessageSujet: Re: Intangible   Intangible Icon_minitime22.07.12 22:18

Par la pitié.

Dans ce genre de situation, pas besoin de héros, c’est le catalyseur qui déclenche tout.

Est ce qu’il a un nom ? Est ce qu’il a au moins un nom ? a hurlé désespérément une voix dans le vide. Dans la tête de Wine, un cerveau étrangement sourd et dé-complexifié. Une désolation éperdue qui n’aura jamais d’emprise sur ce corps physique délabré qui déjà se moque de la question en ricanant. Est ce qu’on lui en pose souvent de ces absurdités, c’est Wine qui se le demande. Cerveau torturé, cerveau oublié. D’accord, se concentrer sur une seule chose à la fois. Vu comme ça, ça ne paraît pas trop difficile. En apparence. Ironie du sort, s’il s’était souvenu être passé par le Wonderland Circus, c’est lui qui aurait intimé ce genre de truc. Désinvolte, la momie a épié le vieux du regard, resserrant encore un moment son emprise. Ça se trouve il allait encore se faire tabasser dans un recoin de rue. Enfin. L’absence de douleur ne lui saute pas à la figure mais il n’a pas aimé se sentir perdre contre ces types là. Perdre, perdre... non il n’aime pas ça. S’il perd, il n’obtient pas ce qu’il veut, et s’il n’a pas ce qu’il veut, c’est frustrant, tente de tenir lier le mécanisme de ses pensées volatiles.
    -Et si y en a pas tu l’appelleras quoi ? De toute façon, Wine il s’en fiche. Le vieux il s’en fiche, c’est pas lui qui suit. C’est Wine.

Oui bon d’accord, tout le monde s’en fiche et c’est bouclé. Mais quoi, dans son monde, personne ne l’appelle, et personne ne s’appelle. Les choses sont des formes, des couleurs, des perceptions un peu vagues et surtout un tas d’impulsions –voire de réflexes. La chouette ne lui a pas demandé son nom, même si tous les soirs, elle vient l’épier depuis son perchoir. Là, sur une branche recouverte de bande. Ce n’est ni mauvais, ni bon, ni triste, ni gai. C’est au delà du sentiment et c’est comme ça. C’est. A l’ère de ce siècle de fou, beaucoup de choses sont, -sans pouvoir en donner davantage d’explication. Elles sont, et puis un jour ça disparait.

Mais pour l’instant, c’est la zone de réconfort et une chose en moins à réfléchir. Wine fait le suiveur et en plus il ne se souvient que vaguement où est ce qu’il est en train d’aller ainsi. Est ce que le vieux lui a dit, tout à l’heure ? En tout cas, il a enfin relâché le pan qu’il serrait entre ses doigts. Suivre et se concentrer sur une chose, il se souvient. Et plus il y a de silence, moins il y aura d’attention à donner.
    -Pas de coin sombre ! Nous allons avoir mal, a-t-il soudain piaillé agacé. Nous n’aimons pas trop...

Le silence de Wine est un concept décalé.
Il marche, tentant d’ajuster au mieux une démarche indéfinissable à celle de son catalyseur. Se murant dans un silence, Wine se laisse devancer par l’homme, les yeux rivés sur ses pieds. S’il ne quitte pas des yeux ces pieds là, il ne s’y perdra pas. Se remémorer ses pieds. Chaussures. On s’en fout, de ça. Alors ses pieds. Au moindre arrêt ou temps de pause du vieux, il se le mange en plein dedans. Le temps de jeter un regard en arrière, son cerveau s’affole et lui intime de revenir sur les pas de l’homme. Oui c’est ça, les pieds du vieux. Jetant un coup d’oeil sur celui qu’il suit –au cas où il en suivrait un autre –genre un autre parmi personne dans cette rue-, le squelette poursuit sa marche de la déraison. On n’adresse pas la paroles aux étrangers et on les suit encore moins, aurait morigéné une âme commune. Et ça... est ce qu’il peut s’en contrebalancer, puisqu’il est indestructible ? S’il connaissait l’ampleur de cette signification, il ne se contenterait pas seulement de passer sa langue entre ses lèvres d’un air alléché.
Tout compte fait, il vaut mieux qu’il n’en n’ait pas conscience. Soudain conscient d’être dérangé par le contenu de sa poche, sa main valide s’est mise à inspecter ce qui le cogne sournoisement à chaque pas. Mais en attendant, ne pas perdre de vue le vieux. Ni s’arrêter de le suivre.

Ça fait déjà pas mal de trucs à la fois.

    -Devine ce qu'il y a dans la poche! Tu veux?


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MessageSujet: Re: Intangible   Intangible Icon_minitime30.07.12 21:52

- Pas vraiment.

Manquerait plus qu'il me sorte un rat crevé de sa poche. Petit numéro de magie désuète, macabre et moche. Plus le temps passe, et plus j'ai l'impression d'avoir affaire à un esprit de gosse dans un corps d'adulte. Ou à un Peter Pan qui n'est pas tout seul dans sa tête. Je n'sais pas comment expliquer ça, c'est bizarre. Discuter avec lui, c'est étrange. Carrément perché, on dirait. A chaque fois que je veux ouvrir la bouche, je me sens comme un paralytique qui doit faire une opération du cerveau avec une clé de douze. Marche sur des œufs, ne mets pas la main au feu. Merci de me prévenir.

Le gamin craint les coins sombres ? Évitons donc les ombres. La peur du noir, comme un gosse. Au fond, je me trompe pas, c'est juste un môme qui s'est trompé d'époque, de lieu, voire de vie. Ou alors, il est mort. Et juste trop con pour s'en apercevoir. Toi, tu m'avais pas manqué. Ta gueule.
A partir du moment où l'on bouge, où l'on parle, où l'on pense. A partir du moment où l'on réclame à manger, on vit. Point.

Ah. Ma cigarette s'est éteinte. J'me disais bien que le gout était devenu dégueulasse, soudain. A la recherche d'un briquet. De mon briquet. Pas là. Ni là. Pas cette poche non plus. Et... Ah. Un poids entre mes doigts, quand je glisse la main dans la poche intérieure de mon manteau. J'avais oublié ce truc. Je m'arrête. Juste un instant. Le temps de l'avoir, lui, à ma hauteur. La ruelle est vide. Éclairée de jaune fade. Mon immeuble se trouve au tournant de la prochaine rue.

- Hep. Pas de nom. Le vieux s'en fiche, il n'a pas à l'appeler. C'est bien ça qu'il a dit ? Wine. Ah. Je vais te montrer quelque chose.

Je sors la grosse pièce d'argent de ma poche. Je ne sais même plus depuis combien de temps je l'ai. Elle est là, avec moi. C'est tout. Elle ne me sert qu'à me rassurer de par son poids, et à faire de petits tours sans prétention. Je ne me suis jamais vraiment intéressé à la magie. Truquée, fausse, sans intérêt. Mais plus jeune, je me plaisais à manipuler les pièces de monnaie. Les faire disparaître entre deux doigts, avant de les faire réapparaitre derrière l'oreille d'un enfant. C'était simple. Et voir le sourire d'un gosse qui se laisse emporter par le numéro fait toujours son petit effet sur le moral. Je me demande si j'ai toujours le coup de main.

Tente.

La pièce tenue entre le pouce et l'index. Qui passe et repasse devant les yeux du spectateur. Puis haut, bien haut, le bras levée. Se positionner à coté de la victime de l'illusion. Le cercle de fer vers le haut. Juste devant le minuscule rond formé par la lune, loin dans le ciel nocturne. Voila. La pièce doit bien tout cacher de ce petit astre. Bien. Et doucement. Doucement. Tout doucement. Lâcher la pièce. Qui tient en l'air. Et qui, petit à petit, semble remplacer la lune. Semble presque rapetisser et l'avaler. Tout ça ne doit durer que quelques secondes. Celui qui regarde, celui qui ne sait pas, ne doit pas avoir le temps de se poser des questions. Les doigts récupèrent la pièce. Délicatement.
Et quand elle tombe dans la paume de la main, la lune à disparue.

- Tu vois ? Plus de lune. Pourtant, il ne fait pas plus sombre. Faut pas avoir la trouille du noir.

Les doigts et la pièce recommencent leur petite danse. Plus rapidement. Avec moins de cérémonie. Et quand la pièce retombe une seconde fois, la lune a retrouvé sa place.

C'est rien d'autre qu'une petite illusion. Un truc qui ne s'explique pas. Qui ne vaut pas la peine de poser des questions sur le pourquoi du comment. Pour les péquenots qui connaissent ma nature de Clover, pas difficile de savoir comment je réussis ça. Pour les autres, généralement, ils ont la présence d'esprit de laisser leur petit cerveau se taire sur la logique. Parfois, ça fait du bien de ne pas remettre en cause les trucs bizarres et irrationnels que l'on voit. Parole d'expérience.
Pourquoi avoir fait ça ? Pourquoi maintenant ?
Et pourquoi pas ?
Quand on côtoie des êtres illogiques, on a tendance à devenir illogique aussi.

Je n'ai pas perdu la main. Ça me rend plus heureux que ça ne le devrait.

- Faut s'occuper de ton poignet.

La pièce continue d'apparaitre et disparaitre entre mes doigts. Automatisme retrouvé.
Et ma cigarette est toujours éteinte.

- Après, tu pourras me montrer ce qu'il y a dans ta poche.
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MessageSujet: Re: Intangible   Intangible Icon_minitime18.08.12 20:26

Grmph.


Wine a lâché un grognement mécontent au refus du vieil homme : c’est qu’il n’aime pas se voir refuser quelque chose qui lui semble capital. Le seul problème avec lui, c’est que toutes les choses, -des plus futiles aux plus fondamentales, pourraient avoir de la valeur à n’importe quel moment de son quotidien.
    -Quoi donc ?

La curiosité l’emporte et il a répondu plus rapidement que ce qu’il escomptait faire. C’est drôle, il a parfois l’impression que son corps -ou alors sa conscience, échappe à son propre contrôle. Parfois...

Parfois.
Mais la dernière fois, c'était...?

En tout cas, là, ça vient de le faire.
Entre curiosité cupide et suspicion sceptique, Wine s’est immobilisé pour jeter un regard torve sur le vieillard, un instant révolté lorsque ce dernier sort quelque chose de sa poche. Et pourquoi lui, devrait voir ce que l’autre a dans sa poche ? Question qui demeurera sans écho, parce que les pensées du squelette sont viciées d’avance : Wine veut savoir, Wine ne peut pas résister à cet afflux d’intérêt qui tiraille méchamment son esprit. Ses yeux fixent à présent la pièce mise en évidence sous son regard, devant la lune. Ce rond métallique dont il sait pertinemment que le vieux va en faire quelque chose, mais qui l'obnubile quand même et obsède ses pupilles. L’illusion qui s’ensuit, marche et aboutit à l’effet escompté lorsque le regard de la momie s'agrandit quand la pièce emporte avec elle la lune.

...Où est la lune. Lors de la dernière soirée, elle n’était qu’un croissant haut dans le ciel. Flash perdu dans les informations que brasse son cerveau comme il peut. Un nouveau jeu de mouvement et la lune les observe à nouveau, à l’égal de quelques instants auparavant. Hésitation. Le temps a eu ses conséquences et le cerveau de la créature n’est plus que crédulité, réduite à ne croire qu’à ce qu’il voit. Wine a jeté un coup d’oeil à la lune puis au vieillard, avec la claire envie de quémander un autre sort tout en laissant son instinct fixer dubitativement l’auteur de ce numéro. C’est relativement difficile de se retrouver partagé entre deux réactions, qui de plus, s’affichent alternativement sur ses traits. Finalement, il choisit la mauvaise, pour la seule justification de calmer cette fascination euphorique par élan de fierté, -si tenté que ce terme puisse exister pour un être dans son genre- ou alors préférablement, par stupidité gratuite. Cette surface grattée, il aurait probablement affiché un air ravi de gamin, vu comment il s’est laissé impressionner de bout en fin.
    -Pas normal, je l’avais dis..., a-t-il grommelé avec un air renfrogné, en suivant du regard la pièce qui semble avoir prit vie entre les doigts du grand père. Apparaît, disparaît, elle le nargue. Déconcertant. Et quand même... c’était bien fait son truc là. -Et est ce que tu vas m’en montrer d’autres ?

Est ce qu’il va l’apprendre à Wine, fuse une pensée sitôt oubliée. Wine aimerait bien saisir ce rond, le renifler et le lever vers la lune, juste histoire de voir. Mais l’objet disparait encore. C’est bien trop rapide et la seule conclusion de l’histoire, c’est qu’il ne faut pas avoir la trouille du noir. Noir, noir. La consonance de ce mot a quelque chose de déplaisant dans les méandres de son intelligence.
    -Pas ce noir là papy, pas ce noir là, a-t-il fait, en fixant droit le regard de son interlocuteur grand ouvert qui ne cille pas. -Le noir où t’en peux plus parce que c’est comme dans une boîte.

Le noir, ça rappelle. La créature a lentement dessiné une boite devant les yeux de l’homme, un simple carré noir à même les airs, que trace et retrace lentement sa main restée intacte. Avec un regard d’illuminé qui paraît hypnotisé par sa propre folie, et qui semble pouvoir engloutir tout ce qu’il balaye sur son passage. L’instant passe, et Wine a retrouvé son air nonchalant alors qu’il croise les bras pendant qu’on lui rappelle son poignet.
    -Faut rallumer le mégot. a-t-il répondu sur le même ton, avant de brandir son poignet, pour se remettre à son inspection, comme s’il lui était un instant sorti de la tête. -Y a rien à faire avec ça. Si le vieux a de quoi jouer à la momie, ça cessera de pendre, un jour.

Ce genre de truc, c’est toujours le temps qui s’en occupe. Ce qui ne tue pas rend plus fort, n’est ce pas... souffle au loin une pensée fatiguée. A sa sortie de sous la terre quelques, les os brisés par le temps avaient fini par ne plus le déranger. C’était comme ça, et ça finissait par se remettre : la momie ne se souvient pas d’avoir guéri un jour ; ni d’en avoir eu besoin. Bien évidemment, Wine est passé au dessus de tout ça et ne s’en rappelle que trop guère. La seule chose qui l’amuse à ces moments, c’est de se recouvrir de bande là où ça semble abimé, jusqu’à ce que ça passe. En y pensant, le corps cadavérique du garçon a détaché une des bande autour de son cou pour recouvrir le poignet défectueux, accompagnant sa manœuvre avec un gloussement amusé au sourire démentiel. Ce que propose le grand père ensuite l’enchante déjà plus. Il va pouvoir lui montrer ce qu’il a dans sa poche, lui. Sa main non déformée se glisse dedans pour palper ces quelques morceaux plastifiés qui bruissent à son passage. Il met un moment à se demander s’il va dévoiler ces cachotteries, où s’il va réussir à attendre un peu encore. Peut être qu'il devrait, parce que si le grand père décide de le planter là en chemin, il va encore misérer. Attends, attends, est ce qu’il s’est remis à marcher ? Les pieds, fixe les pieds... non pas encore. Ils sont encore cloués au sol. Mince alors... il les a apprécié ses tours de magie. Finalement, Wine referme ses doigts autour des pastilles empaquetées et il finit par tendre le poing fermé vers le vieux d’un air clairement amusé.
    -C’est ‘après’ là, ou pas ?

Wine a ouvert les doigts pour dévoiler trois sucreries sous plastique. ...De vulgaires bonbons, en fait. Ça fait un bail qu’il en a pas mangé, d'ailleurs. Et quoi. Tout le monde aime ça, non ? Est ce qu’il a une tête à posséder un truc grandiose dans ses poches. Pleinement satisfait, la momie a détaillé le visage du vieil homme. Et d’un geste étrangement habile –instant de relative ‘lucidité’- il a attrapé la cigarette éteinte du vieux pour le porter à ses lèvres, s’est débrouillé d’une main pour faire sortir le berlingot de son emballage avant de le coincer à l'ancienne place de la clope. Troc équitable.
    -Tiens papy. Ça va, jte jure que c’est pas périmé. Ça aura déjà meilleur goût qu’un steak de clope.

Comme pour prouver ses dires, le squelette ambulant a brandit l’emballage vide pour le lui tendre et a commencé à en ouvrir un deuxième, minutieusement. Ce faisant, Wine est loin de se soucier de la composition de ces friandises au fier nom d’Invisiblesweets. Beh et si l’autre il n’aimait pas, il pouvait toujours le recracher, qu’est ce qu’il en avait à faire si ça se passait comme ça ? Sans plus de complexe, il a enfourné un bonbon à la bouche tout en rendant le mégot au vieux. Au cas où il voudrait reprendre son bien, qu’en sait-il.

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MessageSujet: Re: Intangible   Intangible Icon_minitime22.08.12 22:13

Certaines personnes y croit.
Font semblant.

Et là, pourtant, c'est un véritable émerveillement que je vois sur son visage. Pas celui, feint et surfait, des gens qui ont arrêtés de rêver. Perchés haut, au sommet de leur arrogance. Pensant détenir toute la Vérité du Monde. Ils ne le savent pas, mais au fond ils sont quasiment tous comme ça. Tous pareils. Identiques.
Chiants comme la mort.

J'ai pas mal vécu. C'est le cas de le dire. Ça fait un bail que tout ça, je n'en ai plus rien à foutre. Un vieux croulant. En définitive.

Mais. Voir cette expression chez lui, chez cette momie tordue et absurde, étrangement, c'est... Va savoir. Il y a quelque chose. Un truc. Un tout petit truc de rien du tout. Et à coté, la satisfaction d'avoir réussit à fixer son attention sur un seul et même sujet pendant plus de trois quarts de secondes. J'en viens à me dire qu'il ne représente aucune menace particulière. Qu'il ne peut pas être aussi dangereux que son apparence saugrenue ne le laisse penser. Ah.

Les apparences.

J't'en foutrai moi, des apparences.

L'habit ne fait pas le moine, tout ça. C'est vrai ouais. On a tous tendance à oublier ce genre de détails.

Je ne relâche pas ma garde pour autant. Vieille habitude de militaire.

- Gamin...

Tiraillé entre curiosité violente et désir de retrouver ma solitude. D'autres tours. En montrer d'autres. Non. Plus de tours. Pas maintenant. Plus tard.
Merde, mais qu'est-ce que je dis ? Plus tard ? Comme si j'allais emmener ce truc avec moi. Chez moi. C'est pas un clebs perdu sous la flotte. Et je ne suis pas un philanthrope. J'aide les gens en bousillant leur vie, en filant une femme infidèle, en annonçant la mort de la personne qu'on m'a demandé de retrouver, en exposant froidement des faits, impersonnels. Je fouille la merde des gens, c'est ça, mon travail.

Et pas servir de putain de bureau d'aide sociale pour bestioles improbables.

- Tu n'as pas mieux à faire que de rester avec un débris comme moi ?

Et l'autre de brandir sous mon nez le contenu de ses poches. Subitement, comme ça. Ça me fait soupirer. Et regretter d'avoir ouvert la bouche. Je sais, c'est idiot. Mais quand lui là, il réagit comme ça, j'ai l'impression d'avoir à nouveau mon fils, tout gosse, devant moi, à vouloir me montrer les trouvailles dont il a fait ses trésors. Ça me ramène des années en arrière. A l'époque où j'étais encore capable de voir le monde en d'autres couleurs que ce gris dégueulasse et pollué.

Bordel, mais quel con.

Attends. Aaaattends. Je vais chercher un mur histoire de m'y exploser la face, de quoi me remettre le cerveau à l'endroit. Comme s'il n'était pas déjà suffisamment déglingué.
Enfin. A défaut de pouvoir faire ça physiquement, je tente au moins mentalement.

J'ouvre la bouche pour parler. Pour demander ce qu'il compte faire, puisqu'il n'a pas l'air d'avoir besoin de soins. Puisqu'il s'en fout. Je ne doute pas que sa réponse sera aussi vide de sens que le cerveau d'un végétarien ne l'est de discernement, mais bon. Qui ne tente rien n'a rien.
Enfin, c'est ce qu'il se serait surement passé si lui ne m'avait pas piqué ma clope pour se l'enfourner dans le bec.

Qu'est-ce qu'il fait ? Qu'est-ce qu'il tente de faire ? C'était quoi ça encore ? J'pense même pas à avoir l'air surpris. Mes réflexes ont un temps de retard, maintenant. Pas comme avant. En fait, je ne pense à rien. C'est le black-out total dans ma tête. Il y a un truc.

Ce regard.

Ça aura déjà meilleur goût qu’un steak de clope. Hein ?

Puis. Ce gout sucré qui explose sur ma langue. Ça en revanche, ça me ramène net à la réalité. Tellement nettement que j'avale le machin comme ça, d'un coup. Désagréable.
Mais non, une minute. Pause.

Pendant... Disons, une dizaine de secondes, j'ai eu l'impression d'être tombé dans un univers parallèle. Enfin, non, pas exactement, mais c'est la première métaphore qui me vient à l'esprit. Mais on s'en fout, de ça. Non, ce qui importe, ç'avait été cette lueur dans les yeux de la chose. C'était un instant de clarté. D'être instable et alogique, il était passé à quelque chose possédant une lucidité inattendue et effrayante.
Effrayant, ouais. D'habitude, depuis le début, c'est juste du malaise. Là, c'est de l'angoisse.

Récupère ta clope. Fais disparaitre ce gout insupportable de ta bouche.

Ouais. La grosse pièce d'argent disparaît dans la poche, remplacée par mon briquet. Ma précieuse dose de nicotine retrouvée, un coup de flammèche, et la voila qui a récupéré sa place initiale. La fumée se fraye un chemin dans mes poumons. C'est nettement mieux.

- Mon petit-fils adore ce genre de cochonneries.

Vrai. J'en ai tout un paquet chez moi, spécialement pour ses visites.
J'essaie de passer outre l'inconfort nouveau. Et ça passe. Un peu. Dans mon poing, le plastique de la sucrerie, récupérée des mains de la momie tout à l'heure, par automatisme, craque. Le bruit est détestable.

Faut se reprendre.

- C'est pas parce que t'as pas besoin de te soigner que tu dois laisser ça comme ça. Moi, ça me gave de voir pendre de partout.

Ma main libre saisit son bras mal foutu. On regarde. On examine. On observe. J'avais même pas choisit de faire ça, mon corps a bougé tout seul. Ça m'énerve vraiment.

Du fil et une aiguille. A la barbare.

- On va recoudre. Sinon, tu vas perdre tes bouts.

Presque de l'humour.

Remise en marche.
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MessageSujet: Re: Intangible   Intangible Icon_minitime07.09.12 16:20

Nous sommes des vieux débris.


    –Et non. Wine est un débris, aussi.

Il toise le regard du vieux d’un air plein de défis et l'observe se rallumer une clope. Petit fils, cochonnerie, petit fils, cochonnerie. Cochonnerie, cochonnerie... entre clope et friandise, ça lui rappelle celui qu’il a dans la bouche. Un bonbon qui dérange subtilement et qui lui donne matière à réfléchir alors que l’autre insiste pour remettre les choses en leur état. Son poignet...
    -Tu sais coudre pépé ? demande le squelette l'air jubile. Et puis après, si tu couds, tu joues. Tu joues à la momie avec moi ! Tu coups, tu joues, tucoutujou. ...Pourquoi ça te gave ?

Les syllabes, un véritable régal dans la bouche. Pas comme cet affreux bout de plastique ou de truc chose à qui il tente vainement de tirer un goût. Le problème, c’est qu’il n’y a pas de goût. Le problème, c’est que c’est dégueulasse. Wine se met alors à crachoter, dans la frustration de ne pas avoir cette saveur sucrée que la sucrerie aurait dû générer. La déception, c’est comme quand le produit que t’achète ne répond finalement à aucun des critères que tu espérais. Il a finalement expulsé le bonbon rouler dans la rue, en l’assassinant d’un regard dur. Pas de goût. FADE.
Cochonnerie, oui. A nouveau il calque machinalement ses pas sur ceux du vieux.
    -Pas-de-goût. Grogne, grommelle, gronde, comme un matou qui hérisse ses poils face à la menace. La menace du bonbon fade. . . –Pas de goût. Bon c’est toi qui recouds alors.

La momie manque encore d’oublier les pas du vieil homme, comme elle ne manquera pas d’en oublier d’autres encore et encore. Peut être Wine survivrait-il le siècle, jusqu'à devenir la première momie vivante et centenaire. Bien des choses aberrantes sont à prévoir dans ces années présentes.

Dans son instant révolté, Wine brandit une autre confiserie sous plastique et tente de lire l’étiquette. Date d’expiration, 226N. Deux mille deux cents soixante quelque chose. Possibilité de préserver plus de 40 ans. Le cerveau de Wine s’est interrompu bien avant la guerre et le temps n’avance pas depuis. Pas plus que l’information ne l’alerte davantage. Elle aurait pourtant dû.
    –Qu’est ce qu’il fait le débris ? Docteur ? Infirmier ? lance-t-il au bout d’un moment passé à insulter le bonbon.

Léger craquement et Wine retourne un des doigts à l’angle douteux pour le faire définitivement partir en vrille. Manque de bol, ça va pendre un peu plus mais au point de vue où il en est.
    –Quand est ce que tu fais un autre tour ?

Une illusion.
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MessageSujet: Re: Intangible   Intangible Icon_minitime

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