Ah, Ekthra. Si tu pouvais être moins con.
Ah, si tu pouvais aussi arrêter de pleurer et de te mettre dans tous tes états à chaque fois que quelqu’un te dit quelque chose ou que tu ne contrôles pas la situation – ce qui arrive relativement souvent, d’où tes nombreuses crises de pleurs – ou que Michalis ne se tient pas à côté de ta frêle et faible personne.
Ah, si tu pouvais arrêter de geindre parce qu’il fait noir et que tu es perdu.
Ah, si tu pouvais justement arrêter de te paumer avec ce sens aigu de l'orientation, qui en passant est vraiment digne de l’huitre que tu es, qui par un pur hasard semble atteinte de dépression et d’amnésie, d’un caractère risible et d’une personnalité à faire hurler les plus hargneux.

Tu es d’un ridicule épouvantable.
Et le pire, c’est que tu ne le fais pas exprès, et que tu ne t’en rends pas compte.
Quelle plaie.



avant de se perdre

Et c’est donc ce matin, que dis-je, en cette fin de soirée, à exactement dix-huit heures, entre deux crises d’angoisse et quatre sanglots que tu t’es enfin décidé à te lever. Michalis, en bonne âme, n’a pas cessé de te consoler avec sa logique évidente et de te dire que ce cauchemar n’était qu’un cauchemar et qu’il ne fallait pas s’inquiéter, que le monstre sous le lit et dans le placard n’allaient pas te manger, qu’ils n’existaient même pas d’ailleurs – mais s’ils ne vont pas te manger, cela veut dire qu’ils existent, donc maintenant tu doutes, tu ressens de la peur et tu te remets à pleurer avec le plus de gaminerie possible, parce qu’en fait c’est aussi un stratagème pour profiter de l’odeur et de la chaleur particulièrement agréable du corps de ton binôme – et que tout allait bien. Ami des phrases ekthra-longues, bonjour. Joke.


En principe, le soir, tu finis par suivre Michalis dans ses beuveries et ses éventuelles conneries pour pas qu'il ait à trop s'inquiéter. Ce qui est bien, c'est qu'en général, c'est toi qui finis par faire des conneries et c'est lui qui doit te ramasser à la petite cuillère. Tu testes tout ce que tu peux, une confiance aveugle en ton sauveur animant chacun de tes gestes. Tu t'es habitué à le suivre, à faire un peu n'importe quoi quand il est là.. Tu ne te soucies plus de rien, tu sais qu’il veille sur toi. Tu te laisses aller. Et puis, des fois, tu te réveilles sur le matelas. Sans aucun souvenir de ce qu’il s’est passé, et tu hurles.
Mais ça, c’est des fois seulement.

Sauf que, ce soir, tu avais décidé de t’aventurer dans des endroits que tu ne connaissais pas. Et tout seul – on discerne ici un masochisme évident. C’est vrai, y’a certaines choses, c’est comme manger du yaourt avec une fourchette, c’est débile. C’est pour ça que, poussé par le débilisme – j’invente même des mots – infantile qui régit ta manière d’être, tu as décidé de prendre une rue, puis une autre, de t’enfoncer dans les abîmes de ta connerie et celui de la ville et d’ainsi te paumer littéralement et avec brio. Mais malheureusement, tu ne t’appelles pas le Petit Poucet. Et tu n’as pas semé de petits cailloux sur ton passage. Alors quand môssieur a voulu rentrer chez lui, môssieur a fait une crise de panique.

Et on ne sait pas vraiment comment, môssieur a fini par se retrouver aux docks, perdu entre les containers immenses de cet endroit, à pleurnicher, de nuit, sans la moindre protection, la moindre dignité et la moindre possibilité de ce sortir de cette connerie évidente.

Ah, Ekthra, si seulement t’étais moins con.

C'était ridicule. Juste ridicule et parfaitement débile. Michalis allait encore se moquer de toi avec cette suffisance qui te faisait bien mal, après avoir pleuré des torrents parce qu'il s'était salement inquiété. Puis il allait t'enlacer au lieu de t'enfoncer salement comme l'auraient fait la plupart des gens, et au final, ça allait être cool. Il t'emmerderait pas plus que ça. Mais. Mais putain. C'était vraiment gênant quand il te regardait comme ça. C'était comme si tu représentait pas grand chose au final.

On peut pas tout avoir, après. Mais t'es trop con pour t'en rendre compte. T'es comme ces gamins qui pensent que tout leur est dû, que rien ne changera. Que leurs parents font pas de sesque, qu'ils sont la pureté et la douceur incarnée. Qu'à noël, ils seront toujours Qu'ils se sépareront jamais. Qu'il ne se passera jamais rien de mal. Qu'il n'y aura jamais de tragédie. Des niaiseries dans le genre.

Et là, t'es face à une fille avec plein de boobz partout, dans un endroit qui craint, entrain de pleurer. Et elle, elle est limite plus virile que toi.

Tu prends le mouchoir, délicatement, te mouchant avec une certaine appréhension. Dans le genre naïf, t'es vraiment le meilleur. Et tu prends bien garde à pas répondre à ce que tu prends pour des provocations. Parce que, même si t'as une allure de tapette, t'es quand même pas SI efféminé que ça. Non, non. T'es pas maniéré, et tu te déplaces normalement.

Tu te contentes de la fixer avec un air mi-respectueux, mi-effrayé, cherchant à éteindre les lumières de ta pancarte "victime", sans un mot. Parce qu'il n'y a rien à dire, en fait.

AWKWARD MOMENT LEVEL : ASIAN.

Tu restes un peu figé, là, devant elle. Tu te contentes de frotter tes yeux pour faire disparaître tes larmes et essayer d'avoir un peu l'air moins con. Intimidé, c'était le mot, ouais. Tu balbuties un peu, te redressant à moitié. Un mélange entre je suis désolé et un autre truc complètement incompréhensible. Surement par rapport au fait que tu te sois paumé. Et du haut de ta faiblesse, ou du bas, on sait pas trop, tu cherches à te redresser, lentement. En t'appuyant contre le truc en fer derrière toi.

Et tu tournes la tête. Vivement. A t'en faire un torticolis, ou une saloperie du style. Tes grands yeux effrayés fixent le vide, à la recherche de quelque chose. Tu l'as senti. Il, ou elle était là. Il y avait quelque chose, tu en étais persuadé. Vraiment persuadé. Un genre de truc maléfique qui fait froid dans le dos. Des yeux de feu qui te brûlent le dos. Mais le noir te faisait trop peur pour que tu t'y aventures, même en compagnie d'une baleine à boobz (ceci était la blague pas drôle du jour). Et puis, ça a finit par disparaître. Soupir. Le monde est trop dur avec toi, décidément. Tu regardes la demoiselle, de nouveau, avec cet air intimidé-respectueux.

« Merci. »