Le chemin n'est pas vraiment long, mais de tout le trajet, il n'a pas laissé partir cette main dans laquelle il a glissé la sienne. Il la parcourt du pouce, en un lent mouvement, une caresse répétée à laquelle il ne prête pas vraiment attention. Toucher les gens lui donne envie de sourire, lui donne l'impression d'être, tout simplement. Et plus ils approchent du "2L", plus il a l'impression que c'est une journée meilleure encore qu'il ne l'avait imaginée. Il n'a toujours rien à manger, mais peu importe.

Quelques secondes, son regard se perd dans le mouvement incessant de la barre qui déclare cet endroit comme une vraie échoppe de barbier, ce signe universel, rouge, blanc et bleu. Il réfléchit au meilleur moyen de ne pas être ennuyé. Il hésite à recourir au seul moyen infaillible mais étrange, à ce pouvoir émanant de son cerveau détraqué. Puis il renonce. Il n'aime pas les rideaux, tant pis pour lui.

Avec un sourire vers celle qui l'accompagne, cette belle petite femme qui a accepté sa présence pour la journée, il pousse la porte. Elle n'était pas fermée. Le salon était malgré tout déclaré clos pour la journée. Il la laisse passer devant et rit d'une blague connue de lui seul, qui lui donne un petit air de propriétaire. Ce qu'il est, bien entendu. Pas par la grâce d'un Dieu quelconque, à moins que la science n'ait accédé à la sainteté sans qu'il soit prévenu.

Sans en avoir trop l'air, il laisse tomber le sac de terreau derrière la porte de verre, la bloquant, et il ne prend pas la peine de retourner le panneau. Il sort son baladeur de sa poche et retire son casque avec des gestes suffisamment exagérés pour exposer quelques secondes son nombril, puis se retourne vers elle avec un grand sourire:

"Je vous en prie, prenez place, nous avons le salon pour nous tous seuls!"

Tu ne lâches pas sa main de tout le trajet, c'est chaud, c'est doux, c'est agréable. Vous marchez, slalomant entre les passants. Quelle magnifique journée pour vous deux. Tu as oublié que ton ventre était presque vide. Tu es juste bien. Alors c'est ça de se balader main dans la main avec quelqu'un ? Tu te sens importante, juste grâce à lui.

Au final vous arrivez devant une petite boutique close. Il rentre, la porte n'était pas fermée. Il y fait comme chez lui et te dit de faire de même. Il a l'air de bonne humeur et ça te plait. Tu ne remarques pas tous les efforts qu'il fait pour s'assurer de ne pas être dérangé, ni le sac de terreau devant la porte, ni la plaquette "Close" qu'il ne retourne pas. Tu remarques le nombril mais tu n'y vois pas un acte délibéré.

"C'est...? C'est vous le proprio ?!"

Tu es étonnée. Si jeune ?!

Tu t'assoies dans le siège, tes yeux papillonnent et se posent sur l'ensemble de la pièce. Il commence à s'affairer dans sa boutique, prépare ce dont il a besoin. Tu le trouves vieillit rien que par son expression. Il te semble impatient. Tu t'installes plus confortablement dans le siège. Tu croises ton reflet dans une glace. Tu te trouves vraiment minable : la coupe, le jogging troué... Il n'y a que le t-shirt qui remonte un peu le tout !

"Je ne sais pas trop quoi faire. J'y ai pas trop réfléchis..."

La vérité c'est que tu ne t'es jamais imaginé avec une tête différente. Tu te coupes les cheveux toi-même quand ils t’énervent et tu fais toujours la même chose. À quoi bon se faire jolie si les gens ne le remarquent pas ? Une coupe pratique ça te va très bien. M'enfin puisque quelqu'un t'as regardé, vraiment regardé, tu commences à te dire que ça doit valoir la peine. Tu croises son regard et agrippe une de tes mèches entre deux doigts.

"Je vous... Je te fais confiance !"

Tu n'as qu'une envie c'est que ces mains là te touchent encore...

Elle semble surprise qu'il soit propriétaire. Est-ce vraiment si inconcevable? Il n'a jamais vraiment prêté attention à son âge, à l'impact qu'il pouvait avoir sur ce que les gens pensaient de lui. Il avait quand même dû adopter un statut de jeune émancipé. Quelle stupidité. La majorité était une question de maturité, pas d'âge. Mais ces préoccupations ne durent pas longtemps. A peine le temps de se retourner, de tourner un bouton, relié directement à la chaîne hi-fi du haut, qui commence à diffuser du blues mezzo voce. Il sourit à nouveau en la voyant se demander quoi faire avec ses cheveux. Ses clients habituels savent qu'ils n'ont pas à demander, qu'il se charge de tout.

Il la trouve mignonne, en un sens. Il la drape dans la cape qui la protègera des petits cheveux, lui pose une serviette sur les épaules en effleurant juste un peu trop longtemps sa nuque, puis relève le siège et le penche sur le bac. D'abord, le shampoing. Du pied, il active l'eau. Il a fait monter un système similaire à celui des restaurants, pour pouvoir garder les mains libres. Il l'amène à température ambiante et se penche pour lui demander:

"La chaleur vous... te convient? Pour la coupe, ne t'inquiète pas... Tu es entre de bonnes mains, je m'occupe de tout!"

Un petit rire lui échappe, à peine un souffle dans son oreille. C'est terriblement présomptueux, mais il est comme ça. Il découvre aussi cette étrange sensation, celle de tutoyer ses clients. Il n'a jamais coiffé une personne proche avant. Et il a touché de nombreuses personnes dont il ne connaissait même pas le nom. Il laisse l'eau couler sur le crâne de Kamy, emporter ses cheveux vers l'arrière, dégager son front, chatouiller ses oreilles, caresser sa nuque. Puis l'eau arrête sa lente danse pour être remplacée par ses doigts fins, et la sensation, un peu froide et gélatineuse, du shampoing. Concentré sur ses extrémités, il ressent la chaleur de sa tête, la texture un peu rêche et collante du cheveux humide, qui cède la place au chuintement de la mousse. A l'odeur fruitée du savon.

Doucement, il commence à masser le cuir chevelu. Personne ne lui fait jamais, mais beaucoup lui ont dit que c'était agréable. Et il aime faire plaisir. Il hésite à briser le silence indolent à peine accompagné par la musique de fond. Que lui demander qu'elle voudrait lui dire? Une fois encore, il a peur qu'elle s'en aille, que ce moment éclate comme une bulle. Alors il se contente de souffler son nom, de le laisser rouler et glisser sur sa langue, remplir sa bouche. Il le savoure. Il ferme les yeux quelques instants alors qu'un nouveau petit rire, haletant, lui échappe.

Il est temps de rincer...

Quel délice. C'est tellement agréable que tu te laisses aller, la tête en arrière, les yeux fermés. Le parfum du savon, tes mains qui délicatement me massent le haut du crâne. J'essaye de me souvenir de la dernière fois où quelqu'un a pris soin de toi. Ta mère ? Non, tu ne te souviens pas d'elle si jamais tu en as eu une. Tout se passe en silence, en dehors du fond sonore, pas la peine de se fatiguer à faire la conversation. Ça ne te dérange pas, au contraire. La seule chose qui te contrarie c'est de ne pas voir Eli. Il rince tes cheveux avec attention. Les sèche ensuite. Il chuchote des mots doux, que tu n'entends pas, couverts par la musique. Tu te relèves lentement. Il te guide jusqu'à un autre siège. Vous êtes tous les deux face à une glace. Tu es toute ébouriffée, tes cheveux mouillés laissent tomber quelques gouttes sur tes épaules.

Tu lui souris, fixant votre reflet à travers la glace. T'as l'impression d'être une gamine. Tu voudrais te lâcher, vaincre ta timidité et te lover dans ces bras. Mais tu as peur. Les hommes, ils ne t'aiment pas. Ils ne te voient pas. Et quand ils te restent avec toi pour la nuit, c'est pour leur plaisir seul, non le tien. Ça fait des années que tu n'as plus accueillis un homme dans ton lit. Tu as grandis, tu as appris. Enfin, tu le croyais. Mais tu oublies vite depuis quelques heures.

Tu te demandes encore ce qu'il va te demander en échange.

Il coupe ta première mèche. Tu avais confiance mais tu as un moment de doute. Après tout ça, est-ce que la  personne que tu vas voir dans le miroir te convaincras ?

Est-ce que ça sonnera la fin de ton invisibilité aux yeux des autres ?

Elle laisse le silence s'installer. Il ne le dérange pas. Il est propice à sa concentration. Pas sur ce qu'il fait, quoique... Mais sur les sensations. La tension subtile d'une mèche qui se relâche après avoir été coupée, la caresse du cheveu qui lui effleure la main, le froid rigide des ciseaux entre ses doigts. Il voit qu'elle observe, anxieuse, le ballet hypnotique de ses mains autour de sa tête. Il sourit et inspire. Il sait déjà qu'elle va adorer.

Il ne coupe qu'avec parcimonie, le court ne va pas à tout le monde. Mais il effile avec art, accentuant la finesse de ses traits, dégageant un peu son front, et soulignant ses yeux. Il ne dégage pas trop la nuque, afin qu'elle puisse toujours les attacher si elle le souhaite. Il dépose les armes au profit d'une brosse et d'un sèche-cheveux. Le brushing est toujours magique. Les changements de texture, juste sous la pulpe de ses doigts. Il la regarde et sourit encore, une fois son ouvrage terminé. Il ne lui laisse pas le temps de dire ce qu'elle en pense. Il sent l'impatience le gagner déjà, alors que ses doigts viennent de quitter sa peau. La fossette fait sa réapparition.

Délicatement, il se penche et lui retire la cape, faisant pleuvoir quelques petits cheveux noirs sur le parquet ciré. Vision magique, il en est conscient. Il ne la quitte pas des yeux, par le truchement du miroir. Mais au lieu de se redresser, d'aller la ranger ou chercher un balai, il laisse la cape choir au sol en un doux froufroutement, telle une robe abandonnée par un amant trop pressé, et se penche encore, jusqu'à poser ses mains sur les genoux serrés, glissement habilement un doigt dans le trou du jogging, comme par inadvertance.

Sa tête repose avec nonchalance sur son épaule, et sa bouche s'approche dangereusement de son oreille alors qu'il murmure:

"Tu aimes?"

Tu touches tes cheveux, pour vérifier que ce sont les tiens. Parce que ce que tu vois dans le miroir ce n'est pas toi. Enfin il semblerait que si. Mais le tableau te semble tellement étrange que tu n'en reviens pas. Tu caresses tes cheveux pensive.
Ils n'ont jamais été aussi doux, n'est-ce pas ? Et ton visage... C'est bien toi, mais tu es...tu te trouves mignonne.

Tu pensais qu'il rangerait ses affaires tranquillement mais il ne le fait pas, laisse tout en vrac et se penche sur toi. Son souffle dans ton cou et sur ton oreille te fait frissonner de plaisir.

Et enfin, peut-être parce que tu te sens bien, peut-être que la nouvelle coupe t'aide à te sentir différente, tu oses. Tu poses ta main sur la sienne. Tu l'attrapes et la guide jusqu'à ce qu'elle atterrisse sur ton ventre.

Tu baisses les yeux, coupant court à la vue que tu as sur vous deux, ça te dérange de vous observer comme ça. Tu fixes tes genoux sur lesquels repose son autre main. Tu caresses doucement celle qui est sur ton ventre.
Tu soupires sans t'en rendre compte.

"J'aime, oui"

Le nez fourré sous dans son cou, il inspire profondément sa fragrance. Elle sent la femme, la transpiration, un peu, l'air de dehors, et autre chose. Un sourire lui échappe alors qu'il embrasse le coin de sa mâchoire et descend le long de sa jugulaire. Doucement, il laisse poindre sa langue entre ses lèvres et goûte la saveur salée de sa peau, son grain si particulier, qui ne ressemble à celui de personne d'autre. Parce qu'ils sont tous différents.

Sur sa main, il sent la caresse lente de la sienne, et écarte les doigts pour s'empêcher de la plaquer contre le dossier du siège. Du calme, s'enjoint-il. Il sent le frisson de calme remonter vers son crâne. La peur n'est pas son seul déclencheur, après tout... Désormais, les passants ne voient plus qu'un salon vide. Le connaître par cœur rend l'effort tellement minime qu'il aurait pu le faire depuis le début, mais il avait peur qu'elle s'enfuit, se retourne et se rende compte de la supercherie. S'aperçoive qu'il n'était qu'une poupée mécanique animée par un savant fou, qui tentait désespérément de trouver dans la chaleur des autres celle qui lui manquait.

Un souffle rauque lui échappe alors qu'il poursuit sa course le long de sa clavicule, laissant son autre main remonter le long de sa jambe sur le jogging miteux. Il ne lui fait pas honneur, c'est certain. Mais c'est une texture inédite. Comme celle de ce t-shirt qu'il remonte doucement de l'annulaire, comme celle de cette ceinture élastique, qu'il finit pas atteindre.

Quelques instants, il s'interrompt et relève la tête, pour la voir dans le miroir. Elle ne les regarde plus. Il se demande pourquoi. Elle est tellement belle, ainsi. Il n'y réfléchit pas plus longtemps, il a laissé la pensée rationnelle derrière lui, désormais, et n'est plus que sensations...

Ton corps s'échauffe. Le souffle, le toucher, ses doigts, ses lèvres, sa langue. Tu haletes, tu pars au quart de tour. Ta tête est orienté vers l'arrière, tes yeux sont fermés. Tu profites juste des sensations, des odeurs de shampoing, des caresses.

Tu sens ses doigts se glisser sous ton t-shirt. Il a le droit. Il ne va pas assez vite. Il arrive vers ton jogging. Tu fais une légère grimace, si j'avais su...  Une robe ou tout autre chose aurait été plus approprié. Tu commences à paniquer.. quel sous-vêtement j'ai mis ??! Tant pis... Tant pis ! L'excitation est telle que la pensée ne t'effleure que quelques secondes. D'une main tu caresses toujours la sienne sur ton ventre, de l'autre tu agrippes son t-shirt. "If you pay peanuts, you get monkeys."...

Tu es collée à lui mais ce n'est pas assez... La chaise te gêne terriblement. Il explore ton cou avec sa langue. Son doigt hésite à passer la barrière textile. Tu en viens à l'aider, tu guides sa main jusqu'en dessous.Tu le pousses à franchir la ceinture élastique. C'est chaud. C'est peut-être trop rapide pour lui, trop entreprenant mais ton corps vient de se réveiller et il est affamé. Tu n'as plus le contrôle. Tu soupires. Tu veux l'embrasser. Tu relèves la tête et assiste à cette scène se reflétant dans le miroir. Toi dans un fauteuil, lui te recouvrant de ses bras. Et tu croises ton regard.


Verts, complètement verts. Tu te figes. Non... Non, pas maintenant.
Si, maintenant. Tu ne contrôles plus rien. Tu vas te transformer.

Il avait hésité, n'avait pas été certain de sa réaction. Crainte infondée, s'il doit en croire sa tête, rejetée en arrière, dégageant son cou, lui permettant de se pencher encore, de l'effleurer de sa langue, de ses lèvres. ELLE n'a aucun doute, c'est évident, maintenant. Elle le guide elle-même sous la barrière symbolique de son jogging, et il ne peut se gorger de cette nouvelle texture. Inhabituelle. Classique. Il étouffe un petit rire contre son cou.

Il étend les doigts pour s'imprégner de la douceur de sa peau, juste à l'extrémité du bout de tissu autour duquel il tourne, tentateur. L'autre main remonte toujours sous le t-shirt avant qu'il ne laisse échapper un grognement. Il aime beaucoup ces chaises, la plupart du temps, mais il se rend compte qu'elle ne peut pas lui retirer son t-shirt, et que lui n'a pas de bon angle non plus.

Il se redresse, lui mordillant l'oreille au passage, remplace sa main, contre son ventre, par son avant-bras et, du pied, écrasa la pédale du fauteuil, qui redescendit d'un coup. Il le chassa et l'entendit s'écraser sur le plancher. Tant pis, il réparerait le parquet plus tard. Pour l'instant, il ne parvenait pas à sortir des sensations, de ce soutien-gorge qu'il pouvait désormais atteindre, de ce nouvel élastique, plus fragile, sous lequel il s'insinuait, de ses fesses, contre son bas-ventre. Il était content d'avoir mis un jean large...

Mais il n'y pensait pas. Il avait envie de l'embrasser. De goûter ces lèvres qui laissaient échapper un petit halètement. Le laisserait-elle la manipuler suffisamment pour la tourner face à lui? S'accrocherait-elle a ses hanches? Passerait-elle les bras autour de son cou? Son souffle est un peu court, à lui aussi. Ses omoplates brûlent. *Le contrôle, Lise, le contrôle. Tu ne peux pas laisser les sensations prendre le dessus.* Elle ne peut pas savoir. Elle ne doit pas savoir. Ce serait tellement... Elle fuirait. Et il ne veut pas ça...

"Non..."

C'est langoureux, c'est un Non qui veut dire oui. Vous ne vous arrêtez pas.

Tu t'accroches à lui, à son jean que tu serres dans ta main. Tu sens son sexe contre tes fesses et sa main chaude caresse ton bas ventre. Frisson. Tu te lèves sur la pointe des pieds, c'est un réflex. Ta tête se love contre son cou, tu souffles. Tu relèves ton bras et pose ta main contre sa nuque. Ses cheveux, tu les frôles délicieusement. Tu retiens ton envie de te frotter contre lui langoureusement. Tu es importée dans cette danse sensuelle et tu ne peux/veux t'en sortir. Comment tu vas faire ?

Tu fais tout ce que tu peux pour contrôler ton corps, pour repousser ta transformation. Tu y arrives bien d'habitude. Mais lui, il te pousse dans tes retranchements. C'est de sa faute, n'est-ce pas ? Il est cruel non ? Tu veux l'avoir pour toi. Tu aimerais t'allonger et le sentir au dessus de toi. Il serait magnifique. Tes lèvres s'entrouvrent, tu t'emballes et te tournes face à lui. Perchée sur le bout de tes orteils tu cherches sa bouche. D'abord ses lèvres. Sou souffle, ses lèvres, mais vous êtes trop impatients et vos langues se cherchent, se rencontrent, se battent en duel. C'est un délice. Tu lâche un soupir bruyant avant de le sentir.

Trop tard, Tes os tremblent... Ça devient douloureux. Mais le pire est de te séparer de lui. Tu coupes le contact.

"Non..."

Tu te laisses tomber sur les genoux.

Il va voir... IL VA VOIR !

Tu caches ton visage dans tes mains. Quelle douleur... Quelle honte...

Tu bredouilles : "Ne regardes pas !"

Tu sais qu'il faudrait que tu partes mais tu n'as plus le temps. Que va-t-il faire de toi ? Que va-t-il penser de toi.

Ton corps te brûle tellement, des larmes coulent sur tes joues. Tes os vont se disloquer, se transformer, ta peau va changer. Quelle laideur... Une crête commence à poindre le long de ta nuque.

"Je t'en supplie..."

Et c'est la dernière chose que tu as le temps de dire avant que ta trachée d'humaine ne commence sa transformation...

Elle se frotte contre lui, son corps frêle et mince à l'origine de sensations nouvelles, pour lui. Comme cette dentelle sous laquelle il a glissé la main, forçant pour dépasser la baleine, devinant l'aréole du bout des doigts. L'autre s'active, dépasse le mont-de-vénus, commence une exploration, connue et inédite à la fois. C'est toujours la même chose, et pourtant toujours différent.

Il doit modifier sa prise précipitamment quand elle se tourne vers lui. Sa main glisse sous ses fesses, la seconde s'enfonce dans les cheveux qu'il vient de coiffer. Plaqué contre elle, il la sent, la goûte, la touche, l'entend. Elle est encore sucrée de la pâtisserie de tout à l'heure. Si longtemps auparavant, et pourtant à peine une heure ou deux, peut-être.

Il se détache d'elle un instant, reprend son souffle, tremblant. Son dos le brûle. Il entend nettement son t-shirt se déchirer quand elle le repousse. Un instant, la panique l'envahit. A-t-elle vu? Il sent le froid commencer à remonter. Sensation habituelle, dérangeante. Les sensations disparaissent. Si elle est loin, il ne peut pas lutter. Ni contre le froid, ni contre le vide, ni contre les souvenirs. Mais il entend son cri. Il déchire le voile de sa terreur pure, la relègue, parce qu'elle n'est pas la plus importante, à l'instant présent.

Que lui arrive-t-il? Il la voit tomber à genoux, pleurer, le supplier. Qu'a-t-elle fait pour qu'il mérite ce traitement? Jamais personne ne l'a supplié. Jamais. De rien. Lui l'a fait, bien sûr, et ça l'envoie dans les affres des circonstances. Mais la fascination prend le pas. Morbide, bien sûr, au début. Pour oublier les fantômes qui violent les murailles de son esprit. Mais il trouve ça beau. Et la sensation, la tentative de compréhension de la situation qu'il a devant les yeux, lui fait oublier. Au moins le temps de souffler :

"Personne ne te voit, Kamy. Personne ne te voit... Je... Je monte. Ne pars pas, s'il-te-plaît..."

Il ne sait pas quoi lui dire pour la rassurer. Mais lui aussi a des choses à cacher. Et des choses à évacuer. Il ne sait pas à quoi il ressemble, avec cet air suppliant et ces larmes dans ses yeux. Il refuse qu'elle parte. Pas pour ça. Il ne sait même pas ce qu'il voit. Il entame un geste avorté dans sa direction, puis se redresse et part, titubant, vers les escaliers. Il ne saurait affirmer de quelle façon il les a montés. Il n'y a pas de portes. Et pourtant il a peur. Tellement peur.

Il a à peine le temps de s'écrouler sur le bar qu'un cri étranglé lui échappe, que les ailes jaillissent, dans un craquement de tissu, écorchant le bois brut qui habille les murs, décapitant les orchidées pour lesquelles il est allé acheter du terreau. Il apprend sur lui. Il souffre. C'est la première fois que le flot de sensations est interrompu de telle façon. Interrompu tout court. Tremblant de froid, de peur, de douleur, il se déshabille, rentre dans la douche, s'y glisse de biais. Un grognement de mépris lui échappe. Même la peur n'a pas réussi à le faire débander.

Alors il essaie de rappeler à lui le souvenir des sensations, l'afflux de sang, le plaisir, le désir. Cinq minutes s'écoulent. Puis dix. Vingt. Avant qu'il ne s'écroule, frustré, au bord de la rupture, devant l'évidence de son échec et de son incapacité à faire participer son corps par lui-même. Haletant, il sent le froid refluer quand il allume l'eau, que les gouttes denses s'écrasent sur sa peau sensible. La douleur est toujours présente. S'est dédoublée. Celle aiguë, comme un coup de poignard dans son sexe gorgé. L'autre, sourde, dans son dos, alors le métal laisse place, à nouveau, à la chair. Il se souvient la première fois, tout ce sang, ces corps autour de lui. Morts. Étouffés par ses propres terreurs. Sous l'eau, il ne sent pas les larmes qui roulent sur ses joues.

Quand l'eau devient froide, que les tremblements le reprennent, il ressort. Il est calme. Vide. Il n'est plus un Humain modifié, amélioré. Il est un Clover. Sa quintessence. Il n'est plus que pouvoir. Il ne voit plus les plantes, ni le parquet. Il ne voit que la nuit de l'autre côté des fenêtres trop grandes et trop nues. Il se sèche rapidement. Enfile un pantalon large, de pyjama. S'assied sur le bord du lit. Et fixe le vide. Dehors. En laissant les cauchemars prendre possession de lui. Il ne doute pas de se réveiller sur un hurlement d'agonie contenu. Puis il sombre... Il a une dernière pensée pour Kamy. Il espère qu'elle est partie quand même. Qu'elle ne sera pas embarquée avec lui dans son souvenir...

Je suis à terre, ma vision est faible. Je vois des mèches de cheveux noirs en vrac sur le sol. Où suis-je ? J'ai conscience de m'être transformée, je me sens complètement déboussolée, je commence à avoir l'habitude de cette sensation.

Je suis humaine. Comment je le sais ? Je sens chaque cellule de mon corps qui me brûle, chaque articulation qui souffre, chaque os qui m'élance. Mon cerveau est dans le brouillard. Mais je ressens une aura remplie de tristesse et de peur dans le coin. Le soleil vient de se lever je pense. Je crois que mon changement a eu lieu il y a peu. Voilà pourquoi mon corps n'est que douleurs. Heureusement, je retombe dans un pseudo coma quelques secondes après mon réveil.
J'aimerais me reposer quelque peu mais des rêves difficiles hantent mon sommeil. Je me souviens des expériences, des autres enfants qui avaient été là. On était tous des cobayes, on ne sortait pas, ne jouait pas. Beaucoup d'entre nous mouraient. Pas en silence, non, se tordant de douleur. C'était les rejets. J'ai d'autres images en tête aussi. Certaines que je ne reconnais pas. Je sens qu'on m'installe quelque chose dans le dos, de la ferraille... On abuse de moi. Quel dégoût. Mon corps ne m'appartient plus. Je me réfugie où je peux dans des rêveries. Ce ne sont plus des souvenirs, plutôt un cauchemar.

Quand j'étais enfermée, je n'ai survécu que grâce à toi. Mon lycan. Je me raccroche à lui. Tant qu'il est là. Je sais que ce lycan fait parti de moi, mais il reste une entité à part entière. Tant qu'il est là. Nous nous sommes entendu, je ne l'ai pas rejeté, nous avons survécu. Cette fois encore je me raccroche à lui de toute mes forces. Il m'aidera à passer ces rêves. L'animal est comme moi, au-dessus de ses forces. Nous n'avons pas dormi, pas mangé. La nuit s'est résumée à une attente terrible et interminable. Il était terrorisé, il n'a pas osé s'enfuir. Des ondes néfastes se sont faites sentir toute la nuit. La seule protection que nous avions, rester immobiles et cachés, et surtout attendre.
Il me restait aussi ta voix Eli, les dernières choses que tu as dit : "Personne ne te voit, Kamy. Personne ne te voit... Je... Je monte. Ne pars pas, s'il-te-plaît..."    

J'ouvre les yeux. La lumière est forte. L'ambiance douillette du lit dans lequel je suis, contraste avec ma nuit horriblement froide est inconfortable. Mais je ne me souviens pas mettre endormie là. Je rassemble mes souvenirs, ceux avant la torture que ma transformation m'a infligée. J'étais chez Eli. Nous allions, et d'un coup... C'est pire que tout. Je suis chez lui donc ? Je jette des coups d'œil frénétiques aux alentours. Je vois des plantes. A-t-il vu ma transformation ? Je reste interdite dans le lit. Mes membres sont lourds, mon corps s'enfonce dans le matelas. J'ai besoin d'un temps pour retrouver mes sensations et réflexes d'humaines.
J'entends des pas qui s'approchent. J'ai mal, mais j'essaye de me redresser. Je ne me sens pas en état d'expliquer quoi que ce soit. J'ai tellement peur, c'est le première fois que quelqu'un sait qui je suis vraiment.

Il sent son corps, arqué contre le matelas, chaque nerf à vif, les yeux écarquillés de douleur, d'où s'échappent des larmes brûlants, la bouche ouverte sur un hurlement qui refuse de prendre naissance, de peur de ne jamais mourir. Puis, des brumes du sommeil, il émerge. La marée se retire. Le pouvoir reflue. Ses paupières s'ouvrent et se referment, frénétiquement. Une lumière rasante, rose, commence à pénétrer par les grandes fenêtres.

Il se renfonce dans le matelas, se passe la main sur le visage, observe les dégâts du coin de l’œil. Il s'apprête à se retourner, sous la couette, et à paresser, lorsqu'il se redresse en sursaut. Kamy! Elle était là, dans la boutique, et puis il y avait eu... Une transformation? Oooh... Il se lève, se penche à la fenêtre, aperçoit l'ombre pâle de la lune, ronde et pleine. Il sourit. Maintenant qu'il a compris, il n'a plus peur. Il ne se dévoilera pas pour autant, il reste une aberration, effrayante, qui s'insinue dans la tête des gens.

Pensif, il se tapote les lèvres du bout du doigt. L'illusion a tenu en place, personne n'a pu voir ce qui se déroulait dans la boutique. Il serait temps d'essayer de la trouver, si tant est qu'elle soit encore vivante. Il se souvient vaguement d'une orgie qui avait mal tourné... Il réprime un frisson et se dépêche de descendre. Avec un peu de chance, elle ne s'est pas perdue derrière une plante, sinon il en aurait pour la journée.

Il dévale les escaliers, pieds nus, vêtu uniquement de son pantalon de pyjama. Il la cherche des yeux, longtemps, dans chaque recoin. Il la trouve, prostrée au sol, immobile. S'approche. Soupir de soulagement quand il se rend compte qu'elle respire. Et qu'elle a froid. Il se penche, la soulève, retrouve le velouté de sa peau, qui lui permet de se contrôler alors qu'il s'arrange pour qu'elle ne sente pas le voyage. La met dans le lit, sous la couette. Elle n'a pas l'air d'avoir mieux dormi que lui.

Il s'étire, puis se rend compte qu'il n'avait pas pris la peine de dissimuler son tatouage. Il secoue la tête à nouveau. S'engouffre sous la douche. Se dépêche, parce qu'il n'a pas l'habitude d'avoir quelqu'un chez lui. C'est la première fois qu'un étranger découvre son espace personnel. Il se tourne, détaille du regard les murs couverts de photos qu'il a prises, de petits détails de vie, l'envol d'un papillon, un verre éclatant sur le sol, Le regard fixe d'un chat. Un oiseau en train d'éclore. Il y a quelques peintures, qu'il a faites également. Des paysages, principalement. Un auto-portrait abstrait. Et partout, du vert, du blanc, du rose. Des plantes, des fleurs.

Tout se passera bien, il essaie de s'en convaincre. Il coupe l'eau. Se maudit d'avoir oublié de prendre une serviette. En attrape une, l'enroule autour de sa taille, se sèche les cheveux en se dirigeant vers la cuisine. Se fige en se rendant compte qu'il n'y a, effectivement, aucune porte, chez lui. Sera-t-elle mal à l'aise? Il prépare un café. Se demande si elle préfère le thé. Sort le jus d'orange. Prépare du pain grillé. Se fige à nouveau. Il ne sait pas quoi faire. L'entend remuer.

Il arrange rapidement sur un plateau une tasse de thé, une de café, un pot de lait, du sucre, du pain grillé, de la confiture, du beurre. Il faudra bien que cela suffise. Sourit en ajustant le vase solitaire dans lequel il a mis l'orchidée qui est succombé sous le coup de ses ailes la veille. Inspire profondément (en oubliant qu'il n'est vêtu que d'une serviette autour de la taille, et d'une autour du cou) et va s'asseoir au pied du lit, le plateau sur les genoux.

Il lève la tête vers elle, lui sourit:

"Mornin' Sunshine..."

Il hésite encore, ne sait pas comment elle va réagir. D'autant qu'elle n'est plus vraiment habillée. Il rougit en s'en rendant compte, mais ne détourne pas le regard pour autant.

"Tu as faim?"

Tu te relèves difficilement, tu as mal mais tu fais l'effort. Tu n'oses pas le regarder. Tu arrives à te redresser dans le lit. La couverture tombe et découvre tes seins nus. Ils n'ont jamais été très volumineux, trop sportive pour ça. Tu les caches maladroitement avec tes avant-bras. Ta tête est baissée mais tu jettes des coups d'œil vers le plateau repas. Son sourire, sa voix, sa gentillesse. Tout ce qui émane de lui te met du baume au cœur.

"Tu as faim?"

Oui, tu meurs de faim, tellement que ton estomac se tord de douleur. Mais tu n'oses pas. Tu plies tes genoux et les rapproches de ton corps. Tu passes tes bras autours.Tu te sens minable et te recroquevilles dans le lit.

Il sait..

"Tu sais..."

Tu relèves enfin les yeux vers lui. Tu affrontes son regard. Il sait que tu es un être inhumain. Est-ce qu'il a vu ? Tu sais très bien à quoi ressemble un humain qui se métamorphose, c'est écœurant. Les os qui se disloques et se change, la peau, tout... Tu as vomi tellement les premières fois.

Tu as les larmes aux yeux de honte. Tu détournes le regard. Tu avales ta salive, ta gorge se noue mais tu oses lui demander...

"Tu as vu ?"

Il la regarde se couvrir. D'abord de ses avant-bras, puis en relevant le genoux. Elle a l'air mal-à-l'aise. En un sens, il ne comprend pas. Comment le pourrait-il? Et pourtant, de la même façon, il sait ce qu'elle peut ressentir. Cette impression que le corps l'a trahie. Qu'il est dégoûtant. Écœurant. Que personne ne peut le supporter, quand on n'y parvient déjà que difficilement.

Elle a l'air tellement fragile. Tellement vulnérable. Tellement... C'est étrange. Il est celui qu'on réconforte, habituellement. Il n'a pas la carrure. Il n'a jamais été un grand loquace. Pas véritablement éloquent. Non... Mais c'est un artiste. Qui vit à travers les sensations. Il n'a pas des milliers de moyens de lui expliquer.

Du bout du pied, il attrape un tabouret à roulettes, celui qu'il utilise pour poser ses palettes. Il est couvert de peinture, mais il roule tout de même. Il l'attire près de la tête du lit, à portée de main de Kamy, et y dépose le plateau. S'aperçoit qu'il ne porte qu'une serviette. Et qu'il est bien trop enthousiasmé par la vision de ce corps souple et ferme pour que ça ne se voit pas.

Il se racle la gorge. Sent ses joues s'enflammer. Tire sur une mèche de cheveux. Il a l'impression d'être un adolescent, en oubliant allègrement le fait qu'il en est un. Pour ne pas se lever, il glisse vers elle, sur le dessus de lit. Retient de justesse la serviette qui n'a pas voulu suivre le mouvement. Ce n'est pas le moment de lui faire peur. Elle n'a pas besoin de savoir à quel point il a apprécié ce qu'il a vu. Mais il a atteint son but. Il touche presque ses genoux.

Alors, doucement, avec hésitation, il pose la main sur son bras. Lui sourit, sincèrement, tendrement. Puis lui répond, finalement, sans dédramatiser:

"J'ai vu, oui..."

Il ignore comment lui faire comprendre qu'il s'en moque. Ne veut pas la forcer. La brusquer. Et pourtant... Il expire un souffle tremblant, et appuie son front sur le genou relevé. Il tremble un peu, alors que les souvenirs de la veille se bousculent dans son esprit, rentrent en collision violente avec ce corps nu si proche, cette chaleur qu'il sent à travers la couette. Un gémissement lui échappe, et pas de peur. Il est ridicule, si impatient, si proche, déjà, de la fin... *Calme-toi, Lise, calme-toi. Elle n'a pas besoin de ça...* Et pourtant, comment lutter?

"J'ai vu oui..."

La sentence tombe, tu t'en doutais déjà, mais tu avais espéré que... Cela dit, il est doux. Tu te demandes si c'est de la pitié. Mais il se rapproche de toi. Il se colle subrepticement, assez pour que tu sentes son odeur, sa tête repose sur ton genou. Il est toujours aussi câlin. Il te donne envie. Envie de te lover dans ses bras, de te faire chouchouter. T'en as besoin. Mais tu restes encore timide. Tu reposes lentement ta tête sur la sienne. Vos cheveux s'emmêlent. Tu soupires, la nuit a été si rude. Des fragrances sucrées atteignent ton nez. Tu te souviens...

"Eli ? Je... je meurs de faim..."

Tu attends la permission pour toucher au délicieux plateau qu'il t'a concocté. Tu te penches lentement vers celui-ci. Tu voudrais attraper quelque chose mais tes muscles te font légèrement souffrir.

Avec ce geste, tu ne caches plus tes seins. L'un d'eux visible, aborde fièrement un téton rose,pointu. Il ferait frisquet. Tu es maladroite encore, mais tu attrapes la tasse de café d'une main. Une petite fossette apparait au coin de ta bouche. Tu prends un air gourmand. Tu meurs de faim.

Il la sent poser sa tête sur la sienne. Il lutte, essaie de se calmer. *Tout va bien. Calme-toi. Si tu t'interromps à nouveau...* Son halètement stoppe. Il faut vraiment cesser. Quand elle parle, elle a l'air rassérénée. Il entend son ventre grogner. L'entend exprimer sa faim. Relève la tête pour la regarder. La voit s'étirer pour attraper la tasse. Café, alors... Il prend note.

Elle n'a pas fait de commentaire. Sur le fait qu'elle était ici. Dans son lit. Dans son appartement. N'a pas fait de remarque sur la décoration très spéciale, non plus. Cette pensée l'effleure seulement, parce qu'il a aperçu ce téton, tentant et rose. Il se souvient de la sensation, sous ses doigts. A envie de le goûter alors qu'il passe à sa portée.

Mais il ne fait rien. Il ne veut pas la forcer. C'est la première fois qu'il est confronté à une telle situation. A une personne tentante, qui avait été tentée, mais qui ne réagissait pas. Si les gestes ne suffisent pas... Il la regarde, les yeux voilés par le désir, les joues rouges:

"Moi aussi j'ai faim, Kamy..."

Il se force à l'immobilité. Veut la laisser décider. Mais qu'elle se dépêche, par pitié...

Tu as tout juste le temps d'attraper une tartine et de la fourrer dans ta bouche qu'il te parle. Tu tournes le tête entendant sa voix, mâchouillant une tartine de pain du mieux que tu peux, avant de te rendre compte qu'il est tout à fait sérieux. Ton regard se fige, tu l'observes longuement. Il est magnifique ce matin encore. Tu notes que comme tout homme, il est en forme. Autre chose, tu l'excites donc. Malgré ce qu'il a vu hier. Tu n'en reviens pas. Tu avales tant bien que mal ce bout de tartine à moitié mâché. Pas très glamour. Tes yeux se baissent. Tu rougis(la pleine lune est loin, donc oui elle rougit). Il demande la permission n'est-ce pas ? Tu poses lentement ta tasse de café entamée sur le plateau. Tu ne cherches plus à cacher quoique ce soit. Rien ne te fait plus envie que lui. Il t'accepte, il te veut, il te regarde simplement. Ton coeur s'accélère.

J'ai envie de toi moi aussi... Non c'est nul... Je te veux ? Non plus...

"Je..."

Tu arrives finalement à articuler dans un souffle un "oui".

Gêne mise au placard, tu entâmes un rapprochement... Ton regard soutient le sien. Des yeux bleu glace dans lesquels tu rêves de te plonger.

Ce n'est qu'un souffle, mais il entend un "oui". Ou l'a-t-il rêvé? Peu importe. Il remonte une jambe sur lit. Il a oublié la serviette, qui ne le couvre même plus. Il écarte son genou, se libère un espace. S'avance. Passe sa main derrière sa tête pour qu'elle ne se cogne pas alors qu'il écrase sa bouche contre la sienne. Il ne risque pas de faire dans la subtilité, ce matin. Les sensations sont trop fortes, trop vivantes.

Il entrouvre les lèvres, lèche les siennes. Elles sentent le café, le pain. Il force sa langue contre la sienne. Ne la laisse pas prendre l'initiative. La couette les sépare encore. Il en veut plus. Plus vite. Mais non, ce ne sont pas comme ça que les choses se font... Il tient toujours sa tête, mais son autre main se lance à l'exploration de cette poitrine tentatrice, exposée. Caresse l'aréole, en fait le tour, doucement.

Il interrompt leur baiser. La fixe, à un souffle d'elle. Il halète déjà, étouffe un gémissement. Murmure son nom. Puis sa bouche part à l'exploration de son cou.

Il savoure son goût, inspire son odeur, se délecte du grain de sa peau, écoute avec attention son souffle court. Il en veut encore. Il faut qu'il tienne un peu plus longtemps...

Il te dévore, tu n'en reviens pas. L'homme qui se retenait il y a quelques secondes n'hésite plus. L'excitation n'a rien à voir avec celle d'hier. Les langues se mélangent et les souffles s'accélèrent trop rapidement. Sa main te tient la tête. Il ne te laisse plus le choix, ça te plait et t'excite.

Son doigt parcoure ton téton trop longtemps délaissé, il brunit et pointe. Chair de poule, tes sensations remontent, ton bas-ventre se réchauffe, fourmille. La couverture n'est pas assez épaisse pour ne pas le sentir; il la désire. Tu voudrais enlever ce drap qui vous sépare mais tu n'es pas en mesure de parler.

Ton souffle s'accélère, et lorsqu'il lèche son cou, tu n'es plus capable de retenir des gémissements. C'est trop. Trop vite. Tu ne peux pas te contenir, tu lui souffles "non" mais ne veux pas qu'il s'arrête. D'ailleurs tes mains se baladent sur son dos. Tu sens ses muscles en mouvement, vous n'êtes pas tout à fait couchés l'un sur l'autre mais déjà vos corps commencent à se balancer.

Tu le veux au dessus de toi, tu le sais déjà.
Il s'occupe toujours de ton cou. Tu attrapes son oreille et joue avec, tu lèches, tu mordilles, tu souffles. Et au final, tu lui murmures, lui supplies de t'embrasser encore...

Il l'entend gémir, la sent tendue sous ses doigts, sous sa langue. Il étouffe un grognement. Le frottement de la couette sur son sexe tendu n'est pas ce dont il a envie, dans l'immédiat. Ses muscles fins roulent sous sa peau alors qu'il pose une jambe par terre, s'y appuie, et tire brusquement sur la couette, qui tombe au sol.

Sa main libre revient se poser sur son corps, caresse sa cuisse douce, la soulève pour glisser sa jambe dessous. Il passe son autre main derrière sa tête, soulève son autre jambe, la soulève pour l'installer sur ses cuisses.

Il la fait glisser contre lui, la hisse sur ses genoux pour pouvoir happer son téton entre ses lèvres. Il tire, suce, mordille. A cet instant, en ce lieu où il n'est qu'une coquille qui tente de se remplir, il se sent bien. Son souffle court, haletant, leurs gémissements, le bruit de la chair contre la chair. Ce goût sous sa langue. Il la sent excitée. Ne la laissera pas s'échapper, cette fois.

Il glisse une main le long de ses fesses, entre ses jambes écartées. Il a l'impression que ça fait une éternité qu'il n'a pas pu la toucher. Qu'il ne sera jamais rassasié. Les dernières brumes du cauchemar se dissipent tout à fait. Il a envie d'elle. Maintenant. Mais il veut qu'elle initie ce contact. Il veut qu'elle crie son nom.

Il sourit contre sa poitrine, souffle son nom. *Viens à moi, Kamy*

Il se décide enfin à enlever cette couverture. Bon débarras, tu vas pouvoir toucher son corps, le sentir contre toi, entièrement.

Il te soulèves comme une plume et te place au dessus de lui. Ta poitrine arrive à hauteur de sa bouche. Son sexe dur se retrouve entre tes cuisses, il repose sur le tien.

Alors qu'il dévore ta poitrine, tu te cambres, les sensations s'intensifient. Tu t'accroches à ses épaules, tes ongles s'enfoncent dans ses bras. Un bras derrière ta tête, t'emprisonne, t'empêche de t'enfuir, il te garde contre lui, un téton entre ses dents, il s'affaire à mordiller, se joue de tes gémissements.

Il passe sa main sur tes fesses, elle les caresse puis se niche entre tes cuisses. Il stimule des zones qui ont été endormies, négligées, ignorées. C'est beaucoup pour toi. Lorsqu'il touche, tu te rends compte que tu étais mouillée. Depuis combien de temps ?

Il effleure, caresse, se joue de toi. L'envie monte. Tu te décides à te jouer de lui à ton tour, parce qu'il n'y a pas de raison. Tu caresses son torse avec ta main, la glisse jusqu'au bas ventre et commence à lui caresser l'aine délicatement.

Tu le sens à la rupture, mais tu en veux plus. Tu caresses ses testicules, remonte lentement le long de son sexe. Tu veux toucher avant de... te soulever un peu. Tu le tiens pour le diriger au bon endroit.

Ton geste lui fait perdre ce qu'il avait dans la bouche et suçait avec passion, peu importe, tu te cambres pour l'embrasser. Il est à l'entrée, juste à la limite.

Vous retenez votre souffle lorsque lentement tu entames la descente...

Il la sent si mouillée, sous son doigt, si chaude, si tendre. Et pourtant si dure sous ses lèvres. Elle se cambre, plaque son ventre contre le sien, se soulève. Il sent sa main sur sa verge trop gonflée. Il rejette la tête en arrière, gémit plus fort. C'est étrange. La première fois qu'une personne essaie de le satisfaire, lui. Qu'une personne le caresse de cette façon. Ou pas. Il ne sait plus. Ne ressent plus que les points où ils se fondent l'un dans l'autre.

Il reprend sa bouche et perd le contrôle, quand elle commence enfin à glisser sur lui. D'un habile mouvement de bassin, il renverse la situation. Elle se retrouve plaquée sur le matelas, allongée sous lui, les jambes enroulées autour de ses hanches. Elle est si étroite qu'il doit forcer, un peu. Il la sent crispée. S'enfonce, encore, jusqu'à atteindre le bout. S'immobilise. Elle n'a pas l'air d'avoir eu mal.

Toujours en elle, il relève la tête, la regarde, plonge les yeux dans les siens. Veut être sûr de voir la douleur si elle pointe le bout de son nez. Et commence à se retirer. Ses mouvements sont d'abord amples, puis accélèrent, se font plus puissants, plus sauvages. Comme s'il cherchait à l'atteindre au plus profond d'elle-même.

Les gémissements deviennent des grondements rauques. Il approche de la rupture. Ne veut pas partir sans elle. Il baisse la tête, lèche le lobe de son oreille, suis une goutte de transpiration qui se fraie un chemin le long de son cou. *Passe devant, je préfère la vue*

Il te plaque contre le matelas, il est sur toi. C'est ce que tu attendais non ? Ainsi tu peux le voir te dominer. Il est magnifique mais tu n'as pas le temps de t'attarder dessus, parce qu'il te pénètre, lentement. C'est presque laborieux. Ça fait si longtemps. Tu n'attends que ça et pourtant... Il reste doux, le fait à votre rythme. Il t'observe tout du long n'en perd pas une goutte. Bien sûr qu'il aime voir ton visage rempli de plaisir, ta bouche s'ouvrir pour gémir. Il s'immobilise, tu le sens en toi, quelle sensation depuis longtemps oubliée. Tu "ressens" ton sexe jusqu'aux entrailles. Tu te sens bien.

Il entame une danse sensuelle que tu suis avec plaisir,  les pas sont guidés par la musique de la chair contre la chair. D'abord lentement, vous vous apprivoisez, vous apprenez l'un de l'autre. Une fois en symbiose vous accélérez ensemble. Il te semble être au point de rupture. Les va-et-vient s'accompagnent des bruits de succion de ton sexe. Son bas-ventre tape frénétiquement contre tes lèvres.

"Eli..."

Un murmure presque inaudible que tu répètes plusieurs fois.

Ton ventre chauffe. Il te semble à la limite et un soupir de sa part fini de t'exciter. Ton corps se cambre de manière incontrôlable, sans t'en rendre compte tu laisses s'échapper quelques cris de plaisir, tandis que tes mains s'agrippent aux draps ou à ses bras. Extase, tu voudrais qu'il reste en toi encore, qu'il accélère... qu'il jouisse.

Il commence à trembler. Ne tiendra plus longtemps. Mais il la sent se cambrer sous lui, crier, enfin. Il sent le mouvement frénétique de son sexe qui l'enserre alors que, enfin, elle jouit. Il ne lui faut plus longtemps pour qu'un dernier va-et-vient, profond, soit accompagné d'un cri de gorge et qu'il atteigne l'extase à son tour.

Toujours sur elle, toujours en elle, il la regarde. Se retire doucement, prudemment. L'embrasse. Puis se laisse glisser sur le flanc, pour la soulager de son poids. Elle avait l'air si frêle. Il ne la libère pas de ses bras, cependant. Il tente de reprendre son souffle, le nez enfoncé dans ses cheveux.

Ce n'est jamais le moment qu'il préfère. Il a l'impression que certains s'attendent à ce qu'il parle. Alors qu'il n'a rien de plus à dire. Qu'il s'est exprimé, simplement d'une autre façon. Mais avec elle, c'est la première fois. Et comme toutes les premières fois, il est encore un peu fébrile. Il se demande si ça s'est bien passé. Si elle voudra recommencer. Un sourire étire ses lèvres, fait naître une fossette sur sa joue. Bientôt... Peut-être dans la douche?