Les gens disent qu'on a besoin d'amour pour vivre. Je pense surtout qu'on a besoin d'oxygene.

PV Kotoe

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Avec de la crème. Beauuuuucoup de crème. J'sais pas, c'est un film avec des vampires lesbiennes j'crois. Attends de voir, je suis sure que tu vas l'adorer, c'est marrant il parait ! J'suis sur le chemin, j'arrive. Bisou.

Hop, téléphone portable éteint. J'trouve ça mieux. Ma mère est chez moi ce soir. J'suis certaine que cette soirée va être sympa. Pâtes carbo et tarte à la fraise au menu. Puis la télé avec un bon gros stock de plaquettes de chocolats ! Mes cuisses vont me maudire jusqu'à la trente-sixième génération mais, hé, tu sais quoi ? J'm'en fouuuuuus.
Et puis, je suis super contente de revoir ma mère. Sincèrement.
Vraiment TRÈS sincèrement.
Après tout, c'est ma mère. Je l'adore.
Sincèrement.

Alors Mary-Lou, sincère Mary-Lou. Tu peux m'expliquer pourquoi tu as fait un détour exprès par le chemin le plus long, pour rentrer ?

... Pour... Parce que c'est bien aussi de prendre son temps ? Regarder les papaïllons, les fleurs qui chantent et chats qui dansent ? Et pour rencontrer des gens ? Tout pleins tout pleins.

Genre la jeune femme qui te regarde là, assise sur le banc ?

Lajeunefemmequimeregardeassisesurlebanc ?

...

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T'ES

TROP

BEEEELLE.

Dérapage contrôlé. Freinage. Pile devant la demoiselle. T'as des étoiles pleins les yeux. Une vraie voie lactée même. Une voie lactée à la noisette. C'est rigolo de voir à quel point tu te fiche du regard des gens. Rafraichissant en fait. T'es là, devant cette demoiselle que tu trouve jolie comme un cœur, et tu te gêne pas pour l'admirer. T'as bien raison après tout, pourquoi se priver des bonnes choses ?

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Alors ça existe EN VRAI, les jolies filles comme toi ? J'veux dire, ailleurs que dans les magazines numériques ?

Parfois, elle passe ses journées à chercher son chemin, se perdre, se retrouver, se perdre à nouveau et puis chercher, encore, toujours, inlassablement.

D'autres fois, elle remarque une personne et, dans cette personne, quelque chose qui lui plaît. Ça peut être un sourire, une attitude, le son d'une voix, peu importe du moment que ça lui plaît.
Elle la suit.
Elle n'a aucune mauvaise pensée en tête. Ne sait pas que, si elle était un homme d'attitude beaucoup moins avenante, on lui jetterait des « tarés ! » et autres « pervers ! » à la figure. Et elle s'en fiche. De toute façon, on ne la voit pas. Elle se contente d'attacher ses pas à ceux de la personne choisie et d'attendre que celle-ci, ignorante de ce qu'il se passe, partage quelques heures de sa précieuse vie avec elle.

Puis elle se lasse et repart avec des ersatz de souvenirs qui l'accompagneront encore quelque temps, jusqu'à ce qu'elle aille en emprunter d'autres ou qu'elle s'en fabrique des bien à elle. C'est précieux, des souvenirs. Ça lui permet de préférer le verbe « vivre » à celui d'« exister ».

Par exemple, elle se souvient de toutes les personnes qui ont croisé son chemin un jour.

Aujourd'hui, Kotoe a rencontré Mary-Lou, mais Mary-Lou ne le sait pas.

Ce soir, elle n'avait pas prévu de l'apercevoir à nouveau. Elle s'était juste perdue, et ses pas l'avaient amenée jusqu'à ce banc, là, sur le chemin de Mary-Lou. Alors elle s'était assise sur le dossier, comme font parfois les jeunes, balançant ses pieds dans le vide.
Et tandis qu'elle la regardait passer, Mary-Lou l'avait vue.

Aucune surprise là-dedans. Il y a ceux qui la voient, et ceux qui ne la voient pas. Rien n'est plus simple que de passer d'une catégorie à l'autre. Kotoe est sincèrement ravie de ce changement chez la brunette.
Là où elle est surprise, en revanche, c'est lorsque Mary-Lou prend la parole.

...

.....

.........

Prise de court, Kotoe éclate de rire. Un rire purement amusé et spontané, à des années lumières d'une moquerie quelconque. Un rire éphémère, aussi, qu'elle interrompt bien vite.
Elle prend appui sur ses paumes, se laisse glisser au sol pour bien faire face à Mary-Lou et lui offre son sourire le plus radieux. Elle est toujours heureuse d'avoir de la compagnie.
Elle lui dit « Bonjour » d'une voix qui veut dire merci aussi un peu, et puis elle se contente de regarder Mary-Lou sans rien ajouter de plus, parce qu'elle préfère quand ce sont les autres qui parlent. Elle, elle n'a pas beaucoup de sujet de conversation.

Elle sait simplement qu'elle n'a pas envie d'être seule.

Elle est belle. Elle est trop belle. Et en plus, quand elle rit, c'est joli aussi. C'est tout cristallin, comme les carillons qu'on accroche sur la véranda en été. Et oh, tiens, c'est joli aussi, ses habits. Puis oooooh, cette coupe de cheveux toute rigolote ! Tiens, j'avais pas vu, elle a des yeux couleur glace à la pistache.

Mary-Lou, tu ramène tout à la nourriture.
Pourquoi ne pas dire vert comme tout le monde ?

Parce que je n'aime pas être comme tout le monde pardi.

Mary-Lou, tu es un peu désespérante. Même là. Tu observe la demoiselle sous toutes les coutures, tu sais que ça ne se fait pas ? Les gens normaux n'aiment pas ça. Ils te traiteraient de folle ou de malpolie, et ils s'hâteraient de disparaitre de ta vue. Les gens normaux...

Y'a plus qu'à espérer qu'elle soit pas normale alors.

Tu te plante devant elle finalement, bien droite. Droite comme un i. Comme un i qui a mangé un manche à balais. T'as toujours tes étoiles dans les yeux, fidèles au poste, et ton air est un peu trop obstiné. C'est ton truc ça, l'obstination. C'est comme si, gamine, les autres parents ne disaient non pas « Oooooh, quelle est mignonne cette fille ! » à ta maman, mais plutôt « Oooooh, qu'elle à l'air... Obstinée cette fille ! » C'est de suite beaucoup moins flatteur. Mais c'est plus utile.

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Dis ! Dis dis dis dis dis dis dis dis dis dis dis dis dis dis dis dis dis dis dis dis dis diiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiis ?!

Iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiinspiratioooooooooon.

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Tu me laisserai te prendre en photo ?

Tu désigne fièrement ton appareil pour appuyer tes propos.

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T'es vraiment TROP belle.

Tu te répète.

Je peux pas laisser passer ça, dis oui dis oui dis oui dis oui dis oui, s'il te plaiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiit.

Un jour, on donnera un prix Nobel à celui qui réussira à te faire taire, Mary-Lou.

Kotoe ça ne la dérange pas le moins du monde, elle. Au contraire, le comportement de Mary-Lou l’amuse. Tellement qu’elle ne retient pas le grand sourire qui se dessine sur ses lèvres délicates alors qu’elle ne lâche pas du regard la jeune fille.
Trop de vie, trop d’un coup ! Son petit monde vient de passer d’un extrême à l’autre en un laps de temps ridiculement court.
Qu’est-ce qu’on en a à faire ? Elle est bien loin de s’en plaindre, elle.

Et dès que Mary-Lou termine son examen, Kotoe se contente d’attendre bien sagement la suite qui, elle le sait, ne tardera pas.
Qui se présente sous la forme d’une explosion de mots qui la font rire, encore, mais d’un rire cette fois très discret. On ne sait jamais, c’est que Kotoe ne voudrait pas que la brunette pense qu’elle se moque d’elle.
Bien qu’elle pense qu’il n’y ait que peu de chance que cela puisse arriver. Ça n’a pas vraiment l’air d’être son genre, à Mary-Lou.

— Pourquoi pas ?

Comment refuser une telle proposition alors qu'elle n'est même pas capable de ne pas afficher un air sincèrement charmé après tout ce que Mary-Lou vient de lui débiter ?
Kotoe ne sait pas dire non, c’est terrible. Pourtant, elle sait bien que ce que la jeune fille lui demande ne sera pas possible. Vous seriez capable de prendre un Esprit en photo, vous ?

— Mais pas tout de suite, d’accord ?

Oui, plus tard. Beaucoup plus tard. Jamais. Je suis désolée, mais tu ne pourras pas.

Elle se recule un peu et attrape la main de Mary-Lou, comme ça, d’un geste tout naturel. Comme si elles étaient amies de longue date.

— Allons ailleurs !

Ici, ce n’est pas très sympa. Pas quand l’on est accompagné et que l’on a plus personne à attendre. Et puis Kotoe n’aime pas rester en place, il lui faut marcher, toujours marcher, c’est dans sa nature.
Alors sans attendre de répons, elle entraîne la jeune fille en avant. D’une allure tranquille, parce qu’elle n’a pas la moindre idée d’où aller. Et elle s’en fiche complètement. De toute façon, elles ne sont pas pressées, n’est-ce pas ?

Mais prend garde, Mary-Lou, à ce qu’elle ne te perde pas.