"... Il veut être renifleur. Policier. Quelque chose. Il est trop bizarre ce type. Il te fixe, on dirait un putain d'clébard. Il a l'air de rien piger à c'qu'on lui raconte. On... on est quitte pour cette fois?

- Retourne dans ta cage, mezz'omu"

C'est sans surprise que l'autre prend ses jambes à son cou. Il est bien trop content d'être encore vivant. S'ils appellent ça une vie. Louis rajuste ses gants noirs, sa cravate, repousse les quelques mèches qui lui tombent dans les yeux. Il a essayé de les natter, mais le résultat n'est pas probant. Cela dit, ça tient. Il effleure son oreille du bout du doigt, se recompose un masque glacial et indifférent. Ce qui n'est pas très difficile, au demeurant. A la table du petit restaurant ouvert 24/24 (seule et unique grande révolution du monde moderne, selon lui), il commande un verre de bourbon, la carte de la cave à cigares, et ouvre le dossier qu'il a sous les yeux, un très léger sourire aux lèvres. Effectivement, le Boss cherche depuis longtemps ce genre de personne.

Pendant de longues minutes, il observe la photo, de plutôt bonne qualité. Il est un peu pâle. N'a pas l'air très bien nourri. Son Maître s'en occupe mal. Cela dit, pas sûr que le Boss fasse mieux. Sirotant son verre, il se demande à quoi il a affaire. Un homme avec un bon odorat? Un autre Vampire? Un Lycan du Chien? Probablement la dernière solution. Un artificiel. Ils sentent comme l'animal, mais sont impropres à la consommation. L'autre raison pour laquelle le sien est encore vierge de toute morsure. Et aussi grâce à sa maîtrise de soi hors norme. Évidemment. Il observe le nom. Asaliah Weel. Fronce les sourcils. C'est un nom d'Ange.

Il parcourt le dossier en fumant son cigare. Flic inutile. Il n'y a presque rien là-dedans. A part le moyen de le contacter. Bien. Autant lui donner rendez-vous rapidement. Pour la nuit prochaine. Un coup de téléphone, et l'envoi du message se met en place. Il sent la cendre du cigare tomber sur son pantalon, alors qu'il n'en est qu'à la moitié. Grogne. La qualité de tout est en berne, ces derniers temps... Il repose le rouleau de tabac, son verre à moitié vide, referme le dossier. Quitte le restaurant. Il a des dispositions à prendre, maintenant. Et le Boss a un rendez-vous.

Anonyme a écrit:

Monsieur Weel.

Nous n'avons pas été présentés, mais nous avons entendu parler de votre souhait d’œuvrer pour une cause juste grâce à vos talents particuliers. Si tel est toujours le cas, nous vous donnons rendez-vous au dernier étage de l'immeuble Allura, à Minami, en début de soirée. Annoncez-vous au portier, il vous guidera ensuite.

Cordialement,
Louis Scarbonchi

Devant la glace, Louis ajuste sa tenue de Secrétaire Particulier. Une chemise sobre, bleue. Un costume trois pièces d'un marron sombre, presque noir, une lavallière, des gants. Il vérifie les boutons de manchette, aux armoiries de ses terres, depuis longtemps disparues. De vraies antiquités. Ses chaussures sont lustrées. Ses cheveux attachés en un long catogan refermé par une bague en argent. Ses dagues sont invisibles, dans leur fourreau. Cela dit, si c'est un Lycan, son odorat sera suffisamment bon pour les remarquer. Au moins, il ne sent pas la poudre.

L'heure approche. Le cognac a été réchauffé, à température ambiante. Le bureau a été aéré. Il ne s'y rend plus aussi souvent, depuis que Bunny est là. Juste pour le ranger, annihiler la poussière, vérifier l'intégrité de ses ouvrages. La pièce est sobre, aménagée. Les plinthes en acajou renvoient le reflet rougeâtre des appliques de cuivre. Le bureau, large et imposant, œuvre d'un artisan mort depuis bien longtemps, trône au centre, sur un tapis Persan (pas pour le style, pour l'origine, véritablement). Les fauteuils sont en cuir, profonds, confortables. Une ottomane s'appuie contre le mur du fond, sous le trident restauré avec lequel il a mené tant et tant de guerres. Il l'a "enchaîné" au mur, comme une bête féroce. C'est ironique, métaphorique. Ce n'est qu'une arme. En face, une grande baie vitrée, agrémentée de rideaux épais qu'il ne ferme que quand le sommeil le fuit. Et sur les murs, des bibliothèques. En acajou également. Fermées par des portes vitrées. Tous les ouvrages sont anciens. Authentiques. Certains ont été restaurés par ses propres mains. Il avait eu du temps à perdre, après tout. D'autres ont été recopiés par sa plume. Il a d'ailleurs un magnifique spécimen de Bible à couverture d'argent, fortement enluminée. Il a également l'authentique journal de Napoléon, couvert de son sang...

Il s'extirpe de ses pensées quand il entend l'interphone grésiller. Il grogne. Déteste cet outil. C'est le portier qui lui indique que son invité est arrivé. Il se poste à l'entrée, professionnel, hypocrite. Il ne sourit pas, mais n'a pas l'air énervé. Dans quelques instants, la porte de l'ascenseur, qui donne directement dans l'appartement, va s'ouvrir. Ensuite, cela ne dépendrait plus que de sa langue... Il réprime un sourire. Approche, Asaliah Weel... Aie confiance...

This is it.
Asaliah, suant comme un porc dans l’appartement surchauffé de Lazar, trépignait devant la porte d’entrée. Un bout de papier dans la main, sur lequel son regard ne cessait d’aller et venir. Ses démarches avaient porté leurs fruits. Un certain « Louis Scarbonchi » lui donnait rendez-vous, ce soir, pour le faire devenir…Loup-Policier ! Enfin ! Il allait pouvoir montrer à la Terre entière ce qu’il était capable de faire ! Il pisterait les méchants sans relâche. Il deviendrait un Héros. Le plus reconnu de notre époque. Mieux que Batman. Lewis, où qu’il soit, serait fier de lui. Les autres scientifiques tenteraient peut-être de s’attribuer tout le mérite, mais il démentirait.

Cela dit, c’était bien joli tout ça sauf qu’il devait songer à se rendre présentable ! Depuis les…Six derniers mois, le Lycan qui le logeait l’avait initié aux costards. Il devait avouer qu’il s’aimait assez habillé de la sorte. Il était donc tout décidé qu’il en porterait un pour son rendez-vous. Avant, néanmoins…Il devait se laver. Se débarrasser de la transpiration due à la chaleur de l’appartement. Etouffant. Heureusement qu’il pouvait gérer lui-même la température de sa propre chambre. Bref. Se défaisant de la tenue plutôt… « Détente » qu’il portait, il se glissa sous la douche. Du corps à la tête tout y passa. Lorsqu’il était ainsi, nu…On pouvait se rendre compte qu’il n’était pas aussi chétif qu’il en avait l’air. Certes, il était extrêmement mince néanmoins sous ses bras se dessinait une très mince musculature et ses cuisses semblaient assez puissantes. Résultat, probablement, de toutes les fois où il s’était amusé à courir sous sa forme animal dans la cour intérieur du laboratoire…Ou lors des pleines lunes, à présent. Musclant ainsi ses membres antérieurs et postérieurs, négligeant le torse et les abdos.

D’ailleurs, ce n’était pas faute de Lazar de tenter de le renforcer. Seulement, il fallait se rendre à l’évidence, il faisait partie de ses types qui pouvaient manger les réserves entières d’une chaine de fast-food sans prendre un gramme, ou alors seulement. Peut-être en faisant de l’exercice ? Prendre dans les muscles fonctionnerait peut-être. Il semblait capable de ça, apparemment. Avec de l’entrainement, certes. Toute manière il en aurait besoin pour être un bon Loup-Flic ! Beaucoup d’entrainement.

Tout propre, sentant bon un gel douche bien viril. Ou pas. Il s’était séché et habillé. Pour le visuel, il portait un pantalon noir, une chemise rouge, et une veste noire. Il avait renoncé à la cravate.

Trop agité, il décida de sortir de l’appartement. Sans oublier son éternelle fiole de Sanytol et sa réserve de mouchoir. L’un de se retrouva dans une poche intérieur, le reste dans celles du pantalon. Un paquet dans chaque, soit deux. Il faisait plutôt, chaud, du coup il ne trouva pas utile de se couvrir plus que ça. Même si, sur le coup, il eut l’impression de faire un choc hypothermique. La différence de température entre le couloir et l’intérieur du domicile était…considérable.

Il regarda à nouveau le bout de papier avec le message, il l’avait pris avec lui. Minami. Minami…

C’était où ça Minami ? Ces derniers mois, il n’avait jamais pris trop la peine de…découvrir un peu mieux la ville. Il commençait à peine à être à l’aise dans la rue, à la vérité. A moins craindre de voir débarquer derrière lui un scientifique ou un garde voulant le ramener pour l’euthanasier comme prévu. Donc…Minami ? Comment est-ce qu’il faisait pour trouver ce quartier ? Pire encore, cet immeuble « Allura » ? Il lui aurait fallu un plan. Quelque chose. Sauf qu’il n’en avait pas, et n’avait aucune idée de comment s’en procurer un.

Il devait se rendre à l’évidence, il devait...se renseigner.

Ce qu’il fit…

Il demanda à diverse personnes, se perdit deux ou trois fois…néanmoins, au bout de…trois heures, à peu de choses près…Il était dans le bon quartier. Heureusement qu’il avait décidé de quitter l’appartement assez tôt. Ça l’aurait mal fait d’arriver en retard. Quant à l’immeuble, il dû mettre une petite demi-heure en plus à le localiser. Bon…à présent, il fallait y entrer.

Il commençait à stresser. C’était très important. Cela allait être un tournant décisif pour sa vie. Inspirant un grand coup, il allait se présenter au quartier. Qui se dévissa le cou pour le regarder…bizarrement. On le regardait souvent avec un drôle d’air, il ne comprenait pas pourquoi. Enfin bon, il s’en fichait. Il fut envoyé dans un ascenseur. Asaliah n’aimait pas beaucoup les ascenseurs. Il n’était pas claustrophobe, mais ces machines l’inquiétaient.

Les portes s’ouvrent, il se précipite à l’extérieur. S’arrête, balade son regard dans l’entièreté de la pièce. C’est…Disons…Très différent de chez « Lui ». Et…Comme-ci il se rappelait de quelque chose, il fit tomber ce premier sur l’homme qui était là…

_ Monsieur … Scarbonchi ?

Il y a une drôle d’odeur…Étrange. Il l’a déjà senti, vaguement…de loin. Elle n’est pas agréable…sans non plus être très désagréable. Il s’approche de l’inconnu, ça vient de lui. Qu’est-ce que c’est ? Il fronce un sourcil mais reprend rapidement contenance. Il lui semble que ce n’est pas très poli. Quoique, ça ne doit pas l’être non plus de fixer quelqu’un avec des yeux ronds et une tête penchée... Et pourtant, il le fait.

La taille. Cet inutile représentant de lois plus ineptes encore aurait au moins pu le prévenir sur ça. Ou le mentionner dans le dossier. Mais non, bien sûr, ç'aurait été trop demander. Après tout, que pouvaient bien être une vingtaine de centimètres? Lavi eut un soupir mental. Depuis quand la quantité avait-elle remplacé la qualité? Depuis quand les jeunes mesuraient-ils deux mètres, mais ne pesaient pas plus qu'un sac de pommes de terre? Il se demandait vraiment s'il serait à la hauteur. Difficile de l'imaginer évoluer dans le milieu interlope avec cette carcasse dégingandée. Est-ce qu'il savait seulement se battre?

Il se retient de secouer la tête, de le renvoyer chez lui avec quelques mots bien sentis. Ils cherchent un renifleur depuis longtemps. Surtout pour épingler ceux qui essaient de voler le Boss. Et pour tester la qualité de la marchandise. La question étant de savoir comment tourner ça pour lui faire croire qu'il accomplira une œuvre de charité un peu trop bien payée? Un bon menteur se base toujours sur la réalité, paraît-il.

Il le regarda de haut en bas, évaluant. Il ne s'habillait pas trop mal. Ses chaussures étaient à peu près cirées correctement. Mais les nouvelles cires n'avaient pas la qualité de ce qu'il avait connu. Le costume était sobre. La chemise... Le rouge vif manqua lui arracher un sourire. S'il savait. Si seulement il savait... Mais cela lui seyait. Malgré la coupe classique. Il n'avait pas de manteau dont il aurait pu le débarrasser, aussi se contenta-t-il de le saluer de la tête. Et de commencer à parler.

"Monsieur Weel. Ravi de pouvoir enfin vous rencontrer. J'espère que vous n'avez pas eu trop de difficultés à trouver. J'aurais souhaité que notre entrevue soit plus... officielle. Mais vous comprendrez vite, je l'espère, que notre branche est assez spécialisée. Mais je vous en prie, ne restons pas là, allons au bureau, nous serons mieux installés..."

Par tous les champs de bataille qu'il avait jamais connu... Ces yeux ronds... Cet air... Aurait-il pu avoir l'air plus stupide? D'autant qu'il sentait... Le savons, certes, et encore heureux. Mais aussi... Le chien mouillé? Non. Pas tout à fait. Quelque chose d'un peu plus sauvage. Le loup? Il lui jeta un regard en coin avant de faire demi-tour pour le conduire dans la pièce aménagée avec un goût terriblement... bon. Bien entendu. Mais démodé, selon les standards. Par-dessus son épaule, il demanda:

"Si vous me permettez, je suis surpris... Vous sentez... le loup. Ce n'était pas ce à quoi je m'étais attendu, pour être honnête."

Pour être honnête... Mais bien sûr. Il était si facilement rentré dans son rôle. Un Secrétaire se devait d'être poli en toutes circonstances. Mais ce qu'il avait envie de lui demander, c'était la raison pour laquelle il se comportait comme un chien de manchon. Il comprenait qu'un loup souhaite se mettre sous l'autorité d'un mâle Alpha. Mais pourquoi sur le même barreau qu'un chien? C'était étrange. Il avait rencontré de nombreux Lycans Originaux, mais jamais comme celui-ci.

Un fin sourire étira ses lèvres. Cela risquait d'être beaucoup plus intéressant que prévu...

Se tenant, contrairement à son habitude, anormalement droit pour faire bonne impression…Il n’avait aucune idée des réflexions de son hôte quant à sa taille. Ni sur ses aptitudes au combat. Bien entendu, la réponse était non. Purement et simplement. Trente-deux ans dans un laboratoire, dont plus de la moitié à servir à des expériences qui ne convenaient pas du tout à votre nature, ça n’aidait pas à acquérir ce genre de connaissance. A part si on l’avait confondu avec un Lycan Kangourou et qu’on avait tenté d’en faire un champion de boxe…Sauf que ça n’avait pas été le cas. Ces années-là avaient plutôt contribué à lui esquinté son système immunitaire. Parfois, il lui arrivait de se demander où il en saurait s’il n’y avait pas eu une erreur lors de sa conception. S’il avait vraiment été croisé avec un Axolotl. Serait-il encore là-bas ? Généralement, il ne préférait pas y penser.

De son côté, bien qu’il écoutait ce que l’homme avait à lui dire…Il ne pouvait s’empêcher de s’interroger sur sa nature. Il n’est pas humain, il le sait. Mais quoi ? Il a encore bien trop de mal et trop peu de connaissance pour réussir à discerner toutes les espèces. Il connait leurs noms, Lewis le lui a appris, au laboratoire. Ses connaissances s’arrêtent là. Ou presque. Il a appris à reconnaitre ses semblables. Pas nécessairement, encore, à les cataloguer – Toi là, t’es un cheval et puis toi un iguane – mais…Bien qu’il sache différencier les sangs chauds des sangs froids. Lazar a une odeur…bien particulière.

Il se frotta l’œil, réflexe du type tout le temps…ou presque enrhumé qui a les yeux fatigués. Bien que là…Il n’allait pas trop mal. Il ne reniflait même pas, c’était pour dire ! Il dû donner l’impression d’avoir un moment d’absence, à cause de ses réflexions, mais revînt très vite à la réalité…

_ Oh ! Euh…Si un peu, mais je ne connais pas bien la ville. Et…Ah…Oui, d’accord.

Il n’était pas très…assuré. Il n’avait aucune habitude de ce genre de rencontre.

Ah bon, ce n’était pas « Officielle » ? S’il ne lui avait pas dit, il ne l’aurait probablement pas remarqué. Bien que cela fasse déjà six mois, il restait encore extrêmement novice des us et coutumes de la société. Et puis bon sang ! Que sentait-il ? Il le suivit sans un mot vers ce fameux bureau dont la décoration, encore une fois, le surprit. Même s’il devait avouer que c’était…Joli. Et puis surtout, surtout c’était tellement aux antipodes que les laboratoires. Cette absence de blanc…Il l’appréciait réellement.

Il s’arrêta net, encore plus surprit par les paroles qui lui furent adressées…

_ Vous…Vous étiez attendu à quoi ? – Il hésite…C’est pourtant le moment d’en profiter – Hm…Parlant d’odeur…Qu’est-ce que vous sentez ? Ce n’est pas humain…ni lycanthrope. Vous sentez…la viande froide, avariée… - Il ne pense pas une seule seconde être insultant ou impoli – Je…J’ai encore du mal à mettre un nom sur ce que sentent les gens…La plupart des odeurs sont…nouvelles…

Enfantin. Sa manière de s’exprimer, le ton qu’il emploi…même s’il essaie un peu, sont loin de s’accorder à un homme de son âge. Peut-être même qu’il en dit trop. Hm…Non, quand même. Un type qui n’est pas humain n’irait quand même pas le renvoyer là-bas ? Quoique…On lui avait appris qu’il y avait des vendus de partout…De plus que l’homme face à lui n’était même pas de la même « Espèce » que lui…Alors.

Et il reste là, debout…perdant un peu de sa posture, le naturel revenant rapidement au galop.

Réponse hésitante, incertaine. Oh non. Ne pas partir sur cette pente. Ne pas commencer à penser que puisqu'il le recrute il sera responsable de lui. S'il commence à ramasser tous les cas perdus qui traînent, il n'en sortira jamais. Et puis, il faut être sérieux, celui-ci ne tiendra de toute façon pas très longtemps. Même pas sûr qu'il soit utile à quoi que ce soit. Et malgré sa taille, son air à peu près mature, il a vraiment l'air d'un enfant. D'un louveteau en culotte courte. Quoique plus personne ne comprenne vraiment l'origine de cette expression. Mais là n'est pas vraiment la question. Au moins, il le suit. Il se demande s'il lui faudrait n collier et une laisse, avec un médaillon de propriétaire au cas où il se perdrait... Après tout, il pourrait assez mal prendre l'idée d'aller à la fourrière. Ne pas NON PLUS aller par-là. Il trouverait cela beaucoup trop amusant. Il fallait se concentrer. Rester professionnel.

Il pénètre dans le bureau ouvert, jette à peine un regard à la rue grouillante qu'il n'entend pas. Double-vitrage. Triple? Aucune idée. Ce n'est pas vraiment son rayon. Il ne prend pas immédiatement place sur le fauteuil, derrière le bureau. Il se sert un verre, sort un cigare de la petite cave. La mini-guillotine tombe à l'instant où l'échalas recommence à parler. Une affaire d'odeurs, hum. Viande froide et avariée. L'éclat de rire, aussi spontané que surprenant, retentit entre les murs boisés. Celle-ci, même lui ne s'y était pas attendu. Il reprend rapidement son sérieux cependant. Analyse la phrase. Il ne connaît pas la ville. Il ne connaît pas les espèces... Il est un loup à nul autre pareil. Non, ils n'auraient pas été assez stupides pour faire ça, si? Les Originels existaient, quel besoin auraient-ils de créer un loup artificiel? S'il partait comme ça, à quoi un lapin pouvait-il bien leur servir..?

Il prend le temps d'allumer son cigare, malgré tout. De lui faire signe de s'asseoir, de se mettre à l'aise. Il s'assied sur le bord du fauteuil. Le fixe de ses yeux bicolores. Étouffe un soupir. Prend finalement la parole.

"Pour répondre à votre première question, Monsieur Weel, je m'attendais à rencontrer un Lycan du Chien. Un cliché, fort probablement. Quant à votre seconde question, je vous apprendrai que je suis un Vampire. Et si vous trouvez l'odeur étrange, estimez-vous toujours heureux que je ne sois pas effectivement un de ceux qui ont été changés. La mort a eu un effet plutôt désastreux sur leur... odeur corporelle naturelle. Mais rassurez-vous, vous aurez tout le temps d'habituer votre nez à de nombreuses choses, vous aurez tout le temps d'apprendre."

Nul besoin de lui expliquer les circonstances, encore. De lui dire comment il apprendra. A la dure. Sur le tas. Dans le sang et la mort. Non, pour l'instant, les aspects positifs. Avoir l'air intéressé. Poser des questions. Difficile d'imaginer qu'il pourrait être un agent infiltré, mais parfois, les déguisements les plus simples étaient les plus fourbes. Alors il fallait se donner du crédit. Avoir l'air un tout petit peu moins mafieux. Un peu plus... Improviser, en somme.

"Désirez-vous boire quelque chose, Monsieur Weel? Si cela ne vous dérange, je souhaiterais que vous m'expliquiez pour quelles raisons vous souhaitez joindre les forces de l'ordre, et surtout à ce poste spécifique."

Il prend place, finalement, derrière la bureau. Observe. Attend. En fumant son cigare. C'est le moment où jamais de déceler les erreurs. De comprendre...

Il se mit à cligner des yeux, a pencher la tête un peu avant de la redresser tout en  fronçant un sourcil…Pourquoi est-ce qu’il rigolait ? Qu’est-ce qu’il avait bien pu dire de si drôle ? Le Loup ne comprenait pas…Mais alors pas du tout ce qui venait de se passer. Est-ce qu’il se moquait de lui ? Il se mordit la lèvre inférieur, se sentant quelque peu vexer…Un bien court instant.

Il prit place sur le siège en face du bureau non sans une certaine hésitation, malgré le fait qu’il venait d’être invité à le faire. Il prit garde à ne pas toucher le siège avec ses mains, microbes…microbes everywhere. Et lorsqu’il apprit qu’un tout autre genre de Lycan était attendu, il pencha la tête, fixant son interlocuteur avec ce regard un peu vide dont il savait si bien faire preuve. Un regard quelque peu…canin, en vérité. D’ailleurs, les yeux de ce type le…sidéraient…Deux couleurs, vraiment ? Ça titillait a curiosité mais il ne fit aucune remarque.

_ Un chien ? Pourquoi un chien ?

Douce innocence…

Oh ! Il apprenait enfin ce qu’était l’homme face à lui. Un Vampire ! Il en avait entendu parler, oui. Attendez…Vampire ? Du genre qui mordait le cou des gens et buvait du sang ? Par instinct, ne connaissant pas les préférences nutritionnelles de celui face à lui, il eut un vague mouvement de recul. Presque imperceptible. Il donna surtout l’impression de se redresser puisqu’il avait commencé à se laisser aller à retrouver cette posture légèrement cassé qu’il abordait le plus souvent. Il plissa légèrement le nez en apprenant que certains suceurs de sang étaient bien plus puant que celui-ci, les pauvres.  Mais bon…Il devait avoir raison, il s’habituerait ! Du coup, il hocha seulement la tête et le remercia de l’avoir renseigner sur sa nature.

Il lui proposa à boire. Son regard dit le tour de la pièce…Finalement…

_ Non…Non merci.

Il crevait de soif…Il avait la gorge sèche. Quel imbécile.

Et puis…On y arrivait. La raison de sa venue, le pourquoi du comment. Asaliah soupira. Pas parce qu’il était excédé ou quoique ce soit, simplement qu’il réfléchissait à ce qu’il allait répondre.

_Hm…- Être honnête, ne pas l’être…Il ne savait pas, son cœur s’accéléra, stressé. Et puis merde…Tant pis. Ce type travaille pour la loi, le bien…Il ne peut décemment pas le renvoyer là-bas, ce serait…contre nature.  – Je ne sais pas faire grand-chose…Enfin je, j’ai passé ma vie dans un laboratoire. Je suis sorti il y a…quelques mois, avant la…euh…ce qui a ravagé la ville ? Et euh…La personne qui m’héberge a été très surpris de…constater que j’avais senti tout de suite qu’il n’était pas humain. Apparemment, ce n’est pas tous les…Lycan qui peuvent sentir ça aussi…facilement. Surtout en…en ayant le nez continuellement bouché. Alors, je me suis dit que…Je pouvais….essayer de mettre ça à…euh…profit…

Sa voix s’éteignit sur une note interrogative, il baissa son regard sur ses mains qui trituraient son pantalon. Il n’avait jamais passé le moindre entretien d’embauche de toute sa vie, il n’avait aucune idée de ce qu’il était correct de dire ou pas…Il n’avait aucune idée du comportement à…adopter. Et il se fit encore un peu plus bossu.

Mal à l'aise. Le premier terme qui aurait pu lui venir à l'esprit en pensant à la situation et à l'air du jeune Monsieur Weel. Perdu, aussi. Comme s'il s'agissait de sa première conversation depuis... longtemps. Lavi ne put s'empêcher de hausser un sourcil quand il lui demanda le pourquoi du Lycan canin domestiqué. Et pour la première fois depuis très longtemps également, il était suffisamment déstabilisé pour envisager d'abandonner le sujet. Après tout, ça n'avait pas grande importance. Diriger des gens qui ne comprenaient pas n'était pas bien difficile. Il suffisait de ne pas leur expliquer. Si le monde avait voulu qu'ils comprennent et dirigent, il les aurait mieux dotés. Quoique certains exemples politiques donnaient à penser que quelques-uns s'en sortaient et accédaient au pouvoir. L'erreur est humaine. Et non-humaine, aussi, apparemment. Pour en revenir à sa pensée principale, il s'apercevait qu'essayer de se mettre à leur niveau, de compatir sans avoir l'air de se moquer d'eux, sans les infantiliser... C'était un exercice, il le découvrait, bien plus complexe qu'il n'y paraissait. Peut-être que, finalement, pour la nouveauté (malheureusement de plus en plus complexe, au fil des siècles), il n'en tiendrait pas rigueur au Boss de devoir faire tous ces efforts.

Avec un soupir contenu, il chassa donc la question d'un vague geste de la main. Tout comme il avait haussé les épaules pour prendre note de son refus de toute boisson, alcoolisée ou non. A croire qu'il ne lui faisait pas confiance. Comme il avait raison... Il l'écouta avec attention, mais aussi un peu de consternation. Il n'avait donc pas eu tout à fait tort. Il y avait vraiment des scientifiques assez stupides pour essayer de recréer artificiellement ce que la nature avait très bien réalisé. Comme s'ils essayaient de faire un Vampire, ou pire, un Ange artificiel. Pire parce que ce devait être possible. Après tout, le mode de diffusion du vampirisme pouvait offrir éventuellement cette possibilité. Aucune nécessité, mais les scientifiques avaient parfois les idées les plus étranges qui soient. La preuve, en face de lui, en chair et en os. Enfin surtout en os, si on partait par-là... Le fait qu'il ait un protecteur, en revanche, pouvait poser problème. Mais sa naïveté, cependant, pouvait jouer à son avantage. Tourne, tourne, roue du destin, roue du temps. Presque. A une lettre près. A une occasion près. A une poignée de "si"...

"Je vois... Très bien. De toute façon, nous avions prévu une période de formation et d'adaptation."

Son regard se fit mortellement sérieux. Les mains croisées en dôme devant lui, il poursuivit de sa voix professionnelle, un peu atone.

"Ce que je m'apprête à vous révéler, est totalement et absolument confidentiel, Monsieur Weel. Même le corps traditionnel de la Police ignore notre existence. Nous sommes un groupe d'intervention spécialisé dépendant directement du Ministre. Nous sommes une poignée de non-humains, répartis, infiltrés, dans différents gangs, dans différentes branches de la Mafia. Trafics de drogues, contrebande, importation illégale d'armes, trafics d'humaines et de non-humains. Je ne vous cacherai pas, Monsieur Weel, que c'est un travail éprouvant, où la tentation de sombrer dans la facilité offerte est omniprésente, où l'oubli de son devoir de policier n'est pas une idée en l'air, où la culpabilité des actes accomplis pour conserver sa couverture ronge. Mais nous faisons tomber des réseaux entiers, tous leurs fournisseurs et leurs clients. Nous remontons les filières, chacun grâce à son talent particulier. Et si le vôtre est le flair, vous seriez un excellent atout pour nous..."

Plus il inventait cette histoire, plus il trouvait cette idée intéressante. Le jour où il voudrait éliminer le Boss, changer de voie, il monterait peut-être un dossier contre lui, en dénonçant tous les pourris qu'il avait lui-même soudoyés au fil des ans. En réalité, il pourrait probablement déjà le faire. Mais chaque chose en son temps. Le milieu interlope présentait encore des avantages, notamment pour la protection qu'elle offrait à ses proches, à Bunny.

Ce qui lui faisait penser qu'il faudrait demander des détails sur ce fameux protecteur. Et peut-être s'arranger pour créer véritablement cette unité-fantôme. Il devait bien connaître quelqu'un qui pourrait lui faire ça...