Les dégâts du temps | Naniwa, 10 ans plus tard ▬ Lo'

Lorelei n’eut pas le temps de réagir, et bien vite, elle se retrouva désarmée du pommeau de douche. Pendant une fraction de seconde, elle crut que l’autre allait alors en profiter pour lui faire regretter la petite mascarade qui durait depuis la veille au soir maintenant mais il n’en fut rien. Toujours accroupie, elle le regarda, méfiante, enjamber le rebord de la baignoire puis jeter ses fringues dégueulasses – et trempées – au sol avant d’aller s’avachir sur le canapé miteux.

La rouquine se redressa lentement pour venir s’appuyer contre le chambranle de la porte. Ses yeux fauves balayaient son confrère du regard sans qu’un mot se sorte de sa bouche.
Dans sa tête, les pensées se bousculaient, dont une en particulier qui lui gueulait que ce petit jeu avait assez duré et qu’il était temps de ravaler sa putain de fierté et de cracher le morceau. Parce que tout ça ne rimait pas à grand-chose et au final, elle risquait fort d’obtenir l’inverse de ce qu’elle cherchait (et oui, Lo’ : on ne retient pas les gens en les assommant. Enfin si, on peut mais…bref, oublions.).

« Tss, et merde ! Fait chier !, commença-t-elle après de longues secondes de silence. J’ai une dette envers toi. Je te dois ces dix dernière années de liberté et même plus. Voilà la raison de toutes ces…ces conneries ! Satisfait maintenant ? »

Et sur ces mots, les joues rouges de colère, de honte ou de gêne – sans doute même d’un mélange des trois – la lycanthrope fila aussi vite que possible afin d’éviter de croiser le regard de la panthère. Elle trouva le fond de verre de whisky qui traînait et le but d’une traite avant de s’atteler à une activité on ne peut plus passionnante : ramasser le cadavre de bouteille qui gisait encore au sol. On se change les idées comme on peut après tout…

Dans les méandres de son cerveau perpétuellement embrumé par les affres de l’alcool, le mot « dette » se fraya un laborieux chemin jusqu’à susciter chez l’homme incompréhension totale et une bizarre envie d’éclater de rire. La rouquine avait une drôle de manière de régler ses dettes, lui semblait-il. Entre la baston d’hier soir, la nuit passée au poste, la douche glacée et tout ce qu’il y avait eu entre, il ne comprenait définitivement pas à quel moment avait-elle pu estimer qu’elle s’acquittait d’une dette vieille de plus de dix ans et dont lui-même ignorait totalement l’existence avant qu’elle ne lui en parle.

« T’as un sérieux problème, toi » constata-t-il finalement après un long moment de réflexion quant à l’absurdité des propos qu’elle venait de lui déclarer.
Si tous les types à qui il avait pu empêcher la prison se considéraient comme étant ses débiteurs, il n’en serait pas là aujourd’hui c’était une certitude. Il n’y avait qu’elle pour aller se foutre pareille idée dans le crâne.

Nikita ne rajouta rien de plus, se contentant de l’observer faire son petit ménage tout enfonçant davantage encore son corps efflanqué dans le canapé qu’il s’était approprié, matant sans vergogne le corps de la donzelle. Lequel n’avait pas beaucoup changé en dix ans, toujours aussi avare de ces formes que l’homme aimait tant chez celles de l’autre sexe. Corps de merde et caractère de merde était un assez bon résumé de la rouquine, à ses yeux. Pas étonnant qu’elle vive toujours seule encore maintenant. Quoiqu’elle ait au moins encore sa fierté, elle. Du moins lui en restait-il toujours plus qu’à lui…

« Bon et c’est quoi la prochaine humiliation qu’tu m’réserves, maintenant ? Tu sais… pour payer ta dette » cracha-t-il, toujours aussi adorable qu'à son habitude.