PV

Wine boitille, Wine sautille. Il a fait trop chaud pendant la journée et Wine a dû se cacher dans les ombres pour ne pas finir enfumé. Et puis Wine préfère le noir, le noir est bon pour les ambiances festives.

Cahin, caha, une créature avance de sa démarche disgracieuse, comme trébuchant sur chacun de ses pas. La chose, elle n’a pas trop l’air d’avoir une direction précise en tête, mais continue d’avancer, tel un équilibriste sur une ligne non-droite. La valse de ses foulées est tellement étrange qu’elle imite assez mal l’allure d’un poivrot de fin de journée. Puis à un moment donné, elle s’est figée dans tous ses mouvements désordonnés, à jeté un regard tout autour les mains en casquette devant les yeux, puis s’est écroulée à même la terre, comme un amas de rien du tout. Ses vêtements amples ont volé telle une flammèche aspirée par le sol. Des rats ou des variantes dans le genre ont profité de cette maladresse pour s’éloigner plus loin, laissant la créature étalée sur place. Alors elle a ouvert les yeux.

Le ciel rouge aux teintes démultipliés s’est imprégnés dans ses pupilles, se moquant ouvertement de la petitesse de celui qui l’observe sur cet instant. Mais Wine ne perçoit rien, il ne voit que des couleurs, des couleurs et encore des couleurs insignifiantes à ses yeux. Depuis quelques temps, des jours décomptés en heure puis des heures en vagues instants intemporels, il a juste conscience qu’il peine au contrôle de ses membres, comme s’il avait été ankylosé des jours durant. Et alors lorsqu’il a tenté de déverrouiller tout ça, le paysage s’est révélé être un ensemble de forme et de couleur, sans plus de dénomination. Là-bas, -là-bas très là-bas-, des tours s’élèvent agglutinées les unes aux autres. Quelque fois, lorsque la nuit pointait, les lumières clignotaient et scintillaient dans un tempo asynchrone. Personne ne sait ce que c’est. En tout cas, pas lui. La seule chose qui l’ennuie, c’est qu’il a dû se perdre en lâchant son groupe de vue. Un groupe d’il ne sait plus quoi déjà.

Wine s’est redressé avec plus d’aisance que son premier essai, avant.
Il donne l’image d’un type relativement maigre, pâle –trop pâle-, à l’allure complètement négligée. Ses vêtements, déterrés quelque part ( ?), usés et déchirés par endroit laissent voir un corps bandé de part en part. Une momie le retour, les médias s’intéresseraient éventuellement à ce cas de contexte décalé. Assis sur son séant, le jeune homme –ou ce qu’il en paraît- s’est amusé à détacher puis dérouler une de ses bandelettes du bras pour l’accrocher à une branche basse de l’arbre.

Si Wine momifie l’arbre, l’arbre jouera avec lui.

La langue coincée entre les dents, il s’est attelé avec toute son attention à son nouveau jeu –ridicule et stupide au possible- mais qui avait quand même tout le mérite de l’amuser, à lui. L’opération lui a sans doute pris quelques heures dans ses mouvements considérablement ralentis, mais lorsqu’il a terminé, il avait tout le bras à l’air libre. Assis sur la branche après l’avoir tapoté, le jeune homme a fini par émettre un rire gutturale bientôt transformé en un rire montant dans les aigus les plus hystériques. La seule réponse obtenue a été l’écho du vide. Nous somme alors au XXIII siècle à quelques kilomètres du cimetière, sur une surface de terre infertile et abandonnée, parsemée de quelques derniers arbres en fin de vie.

La nuit était tombée sur Naniwa. Le crépuscule avait pointé le bout de son nez sans qu’on ne le voit venir, et les ombres s’étaient alors étirées lascivement, comme des êtres que l’on vient de réveiller, avant de grandirent et de se mettre à courir dans les ruelles pour les plonger dans la pénombre. Les réverbères s’étaient allumés, lucioles brillantes et flottantes dans la noirceur du soir, rejoints rapidement par les lumières des habitations et donnant ainsi un air de fête à la ville, une allure de boule sombre, parsemées de petites pépites dorées.

De la fenêtre de Lorelei ne sortait néanmoins aucun éclat. Les maigres ampoules qui illuminaient d’ordinaire son salon à cette heure-ci semblaient éteintes et dénuées de vie. Sans doute parce qu’elle n’était pas présente dans la pièce en question. Ni présente dans l’appartement tout court en fait.
Non, ce soir, la rouquine était en effet restée tard au cimetière. Le travail s’était montré plus conséquent que ce qu’elle avait pensé et, ne faisant pas preuve d’une motivation et d’une énergie foudroyante ce jour-là, les nombreuses tâches qui l’incombaient lui avaient pris plus que le temps dont elle disposait en théorie.

La lycanthrope commençait à avoir froid, la fraîcheur de la nuit l’enveloppant petit à petit, presque tendrement. Heureusement, le boulot touchait à sa fin. Elle commença donc à se permettre de rêver d’un bon steak frais, cru et dégoulinant de sang, de son lit et de sa couette bien chaude… Et alors que, fantasmant sur le petit confort qui l’attendait au logement, elle allait fermer les immenses grilles du lieu de sépulture après avoir enfin terminé sa dernière besogne, un rire des plus inquiétants naquit dans le silence des ténèbres.
C’était un rire de film d’horreur. A vous glacer le sang. Surtout quand vous avez justement la désagréable impression d’être dans le film en question. Nuit tombée, cimetière…l’ambiance parfaite en somme.

Et bien évidemment, comme il est coutume dans le cinéma d’épouvante, le personnage se dirige en direction du bruit effrayant (et vous criez alors « Mais nan ! N’y va pas, imbécile !! » devant votre écran alors que vous broyez dans la foulée la main de votre ami-e)…

Lorelei n’avait dû mettre les pieds là-bas qu’une ou deux fois, pour la simple est bonne raison que le terrain n’offrait rien d’autre qu’une terre graveleuse et quelques vieux arbres décrépis. Aussi animé que son lieu de travail, on se serait presque cru dans la salle des fêtes des cadavres.
Et en parlant de cadavre...le truc responsable de la momification d’un des grands végétaux ressemblait à s’y méprendre aux macchabés qu’elle avait l’habitude de voir. Sauf que lui avait l’air…plus vivant.

La pénombre ne l’empêchait pas de voir mais, sans bruit, la rouquine s’approcha tout de même, curieuse quant à ce que cet énergumène était en train de faire. Il ne lui fallut pas beaucoup de temps pour classer le zouave comme étant soit : complètement bourré, soit complètement timbré. Ou bien un mélange des deux peut-être. Mais quoiqu’il en soit, elle ne vit plus grand intérêt à rester ici. Des excentriques, elle en croisait tous les jours au pied de son immeuble, elle donnait déjà assez.
Manque de chance pour notre chez lionne cependant car son demi-tour ne se fit pas aussi silencieusement que son approche. Trop préoccupée à garder un œil sur le jeune homme, elle ne remarqua pas une branche sèche qui traînait par-là et qui se glissa de la façon la plus vile qui soit sous son pied.

*CRAC*

Discrétion : nulle, comme le lui confirma la sensation du regard du « fou » dans son dos. Elle soupira alors, se demandant quand est-ce qu’elle pourrait enfin profiter de la chaleur de son appartement, et fit volte-face. Surtout : sourire. Même si c’est de la façon la plus crispée qui soit…

« Héhé…ahem. Bonsoir ! Je…j’ai entendu du bruit alors je suis venue jeter un coup d’œil. Désolée de vous avoir dérangé toi et…et ton…ton ami ?! D’ailleurs, bonsoir à lui aussi hein. J’espère qu’il n’a pas ce bandage parce qu’il est blessé…, dit-elle en désignant la branche de l’arbre recouverte de bandelettes. Enfin, tout à l’air d’aller donc je…je vais vous laisser, hein. Bonne soirée, amusez-vous bien… »

Ben quoi ? Il parait qu’il ne faut jamais contrarier les fous, alors…

Craquement.
Le squelette a sitôt cessé de glousser, le regard posé quelque part dans la pénombre comme s’il pouvait y voir au travers. En plusieurs pas de déséquilibré marchant sur la glace, Wine s’est approché, les yeux horriblement grand ouvert. Et lorsque l’intruse a fait volte face, le cadavre ambulant a dut faire un léger bond en arrière par simple réflexe, sans cesser de dévisager avec insistance et fascination l’inconnue comme si c’était la première fois qu’il voyait un individu. Il aurait pu avoir peur, il aurait du avoir cette hésitation caractéristique des humains face à l’inconnu ; c’est pourtant sans l’once d’une crainte quelconque que Wine a encore longuement détaillé les traits de la jeune femme, effaré. On aurait dit qu’il buvait ses paroles. Dans les faits, son cerveau a mit un certain temps à faire le lien entre les mots et leur signification ; car elle parle une langue qui lui semble particulièrement familière mais sûrement différente à celle qu’il parle, lui. Qu’il parle du moins, dans sa tête.

Forcé de suivre du regard l’Ami qu’elle pointe, le regard de Wine a fait plusieurs aller retours entre elle et l’arbre, ne sachant quel parti choisir, bien que personne ne lui ait demandé de le faire. Confus dans la perspective d’un choix inexistant, le jeune homme s’est accroupi au sol lentement, sans ciller et sans donner une autre direction à son regard fixe, un long moment durant, avant de laisser tomber son verdict.

-Pas me laisser, non.

Qui d’elle ou lui a été le plus surpris à cette phrase, Wine a senti son regard agrandir davantage, si c’est encore possible. Wine n’a pas tellement conscience qu’il parle le japonais pas plus qu’il se souvient qu’il sait le parler.

-Pas laisser, pas laisser, jubile-t-il alors, savourant l’intonation de chaque syllabe prononcée.

Un grand sourire ravi a alors éclairé le visage creux du jeune homme.

Contre toute attente, il a tranquillement saisi la cheville de l’inconnue pour y nouer un morceau de bandage rattaché à quelque part sur son corps momifié.

-Il n’y a pas d’amis là bas. Il n’y a que nous et ton pied. Pied... Blessé ? Blé-ssssé ?

Le jeune homme a jeté un oeil interrogateur vers la jeune femme, scrutant son pied, incertain. Dans sa tête, ce serait ennuyeux qu’elle soit blessé au point de ne pas pouvoir jouer avec lui. N’avait-elle pas parler d’amusement ? Amusez-vous bien, amusons-nous bien. Wine en a marre de jouer avec l’arbre, passif et immobile. L’être qui se tient devant lui bouge, parle et fait du bruit. C’est d’une attraction sans conteste.

-Peux tu jouer, jouer et jouer encore avec... nous?

Suggestions lancées dans le vide, Wine s’est relevé lentement pour scruter la jeune femme. Croisant les bras, Wine comprend que le bandage qu’il a déroulé le relie à son autre bras. Aurait-il assez de bande pour s’amuser autant qu’il le souhaiterait ? Peut être qu’il pourrait récupérer ce qui lui a servi de momifier l’arbre, tout à l’heure.

-Mais avant il faut le soigner. Soigner le pi-ed.

Parti dans un éclat de rire satisfait, il a commencé à faire quelque pas pour inciter l'inconnue à rejoindre l'arbre. Ses gestes manquent clairement de vigueur, nul besoin d'être aveugle pour le dénoter. Encore lent dans sa gestuelle, Wine saurait que n'importe qui pourrait le devancer sur un jeu de rapidité et de force. Si seulement il en avait un tant soit peu conscience.

Pendant un certain temps, Lorelei se demanda sérieusement si le jeune homme qui se tenait devant elle comprenait bel et bien ce qu’elle était en train de lui dire ou bien s’il ne saisissait pas le moindre mot qui sortait de sa bouche. Il restait là, un regard de merlan frit sur le visage, la dévisageant comme s’il cherchait à comprendre qui elle était, ce qu’elle était peut-être…
Et elle, demeurait là, parfaitement immobile durant cet examen minutieux, peu désireuse pour l’instant d’effrayer avec un geste brusque ce jeune homme qu’elle commençait à sérieusement prendre pour un fou échappé de l’asile psychiatrique du coin. Pour le coup, elle aurait sans doute préféré qu’il s’agisse d’un soûlard, mais l’absence d’odeur d’alcool lui faisait dire que le garçon n’avait besoin d’aucune substance – illicite ou pas – pour se retrouver dans son état actuel. C’est beau de pouvoir planer au naturel…

Les yeux presque tout aussi écarquillés que son vis-à-vis, la rouquine contemplait ce dernier d’un air d’incompréhension totale tandis que celui-ci s’accroupissait mollement. Il était assez près d’elle pour qu’elle puisse noter à présent la nuance bleutée de sa peau. Un détail franchement peu commun même pour quiconque vivant à Naniwa, vous en conviendrez.

Les secondes coulaient et la réponse aux paroles de la lycanthrope, si jamais elle en attendait vraiment une, commençait à se faire attendre. Puis à l’instant où Lorelei se demandait si l’étrangeté savait même parler, les mots sortirent. Inattendus, surprenants d’abord. Animés d’une joie et d’un amusement indéniable la seconde d’après.

« Woh woh woh !! Qu’est-ce que tu fous là ?!! Pas toucher ! Paaas.toucher… ! » brailla-t-elle le sentant agripper sa cheville.

La mine s’affichait, patibulaire, tandis que ses iris fauve cherchaient à plonger dans ceux de son interlocuteur. Puis son regard glissa de la bandelette pendouillant à un bras du garçon jusqu’à son pied où elle était maintenant reliée. Okay, génial. Best soirée ever…
Plus cette rencontre improbable s’éternisait et moins la rouquine comprenait ce qui était en train de se passer, où ce mec voulait exactement en venir. Franchement, c’était quoi cette fixette sur son pied en plus ?

De plus en plus aveuglée par l’agacement grandissant, les nerfs apparaissant petit à petit à fleur de peau suite à cette longue et rude journée, l’allemande ne remarqua pas immédiatement que son interlocuteur s’était de nouveau éloigné de quelques pas, et ne le constata que lorsqu’elle sentit la bandelette tirer sur son articulation. A contrecœur, elle avança à son tour en direction de son « geôlier », puis après une seconde d’hésitation, se saisit du morceau d’étoffe qui les reliait et tira dessus afin de stopper l’autre dans sa progression.

« Eh Mister Momie ! Je sais pas si t’es fétichiste des pieds ou quoi mais je suis pas blessée, hein. Donc tu vas être gentil et m’enlever ce truc, verstanden ? »

Le tout dit sur un ton affreusement agréable, comme toujours…

La momie a commencé a entraîner la jeune fille lié par une de ses innombrables bandes. Trop empressée par la perspective de jouer, elle ignore les piaillements de l’étrangère et continue à tirer tranquilement jusqu’à ce qu’une résistance plus forte et non anticipée lui fasse perdre son équilibre déjà assez précaire comme ça. La sirène ‘drôle, drôle, c’est drôle’ s’interrompt d’un coup et Wine dans sa chute se retourne lentement, précautionneusement, inutilement.

Et le tas d’os est allé s’écraser il ne sait comment au sol. Heureusement que l’inconnue a amorti son choc. De toute façon, même comme ça, il n’a pas eu le souffle coupé. Même-pas-mal. Bon. On se relève. On tente. Quelle idée de tirer aussi fort. Même s’il s'en est fallu de peu pour en arriver là. Wine se redresse –comme il peut- et c’est encore à plat, qu’il fait face nez à nez à la femme. De la fille ? Il n’en sait rien, il s’en fiche. Ce genre de notion semble désormais décalé chez lui, tellement elle lui paraît lointaine.

-Tu m’as appelé ...Mister Momie ? a-t-il répété, comme hébété.

Un instant incrédule passe, laissant planer un doute inexplicable pendant ce laps de seconde. Puis un nouveau rire hystérique est venu déchirer le silence de la soirée alors que le regard de Wine commence à se teinter d’une adoration rêveuse. Cette fille, il vient de stipuler qu’elle est absolument gé-niale. Dans sa tête, c’est comme si elle venait de prononcer le mot de passe attendu ou alors un mot qu’il affectionne particulièrement. Momie-momie-momie. Avec ses réactions digne d’un malade mental, il a toutes les bonnes raisons du monde de finir par se faire tuer. Mais voilà qu’elle le fait réfléchir, alors il tente de poser ses esprits à plat, (chose complexe lorsque c'est déjà assez instable ainsi ou alors, quasi inexistant.) ...Verstanden. Elle voudrait qu’il arrête de lui tirer le pied. Verstanden ? Jusque là, oui. Il se redresse péniblement et s’assied à côté, sur le sol.

–Hm. Est ce ça fait peur ?

Assis, Wine a attrapé le lien de tissu qui emprisonne le pied de l’inconnue au regard fauve. Lui, il a un regard qui ne cille pas, un regard qui ne picotte plus lorsque les yeux fixent trop longtemps quelque chose. Sensations disparues, sensations oubliées. Qu’est ce qui fait peur ? Lui ? La momie ? Le ça, ça englobe beaucoup de chose. Tout ce qu’on voudra y mettre dedans. Remarque, ça fait longtemps qu’il a pas vu quelqu’un dans les parages. Fichue soirée d’Halloween où il a perdu la trace des autres. Il ne sait plus ce qu’il a bu mais il n’a pas dû y aller mollo. Flash de souvenirs trop vite défilés. Gnihihi, amusant... Un flot de fragrances assaille son cerveau qui finit par abandonner la partie de décryptage. Nouveaux parfums, odeurs inconnus... mais par dessus tout, il voudrait qu’elle ne s’en aille pas déjà. Si elle ne veut pas jouer avec lui, ce sera pour une autre fois. En attendant... il hésite encore à détacher la bande.

–…pas blessée, marmonne-t-il presque déçu, gardant néanmoins cette air exagérément attendri pour cette étrangère.

Momie... Et si elle lui sort un autre mot dans le genre, Wine pourrait bien rentrer en mode bisounours. Et là oui, ça fera peur. En attendant, un grain de lucidité pour égayer les rencontres. Et la jeune femme n’est pas blessée...

–... alors qu’est ce que tu fais ici?

Y a-t-il -ou aura t-il à jamais- un lien de coordination entre sa remarque dépitée et cette dernière question? Toujours est-il qu'il est surprenant de voir comment le cerveau de cette créature manque de liens connecteurs.

Et en fait, le ici c’est où d’ailleurs.

-Tu m’as appelé ...Mister Momie ?

La question sonne d’une tonalité étrange aux oreilles de Lorelei. La réponse doit-elle être positive ou bien serait-il préférable de revenir sur les mots déjà échappés ? Elle ne sait trop. Ses lèvres se tordent en un demi-sourire, à la fois crispé et méfiant.
Et soudain, le rire fou éclate de nouveau et transperce le calme de la nuit, transperce l’air et les tympans de la lycanthrope dont l’envie de s’échapper redouble. Dans les yeux du jeune homme, semble de plus luire un sentiment nouveau. De l’adoration ? Le malaise se fait plus pesant encore.

Elle tente de reculer d’un pas, instinctivement, mais a oublié la bandelette qui la lie toujours au macchabé ambulant. A son tour, elle perd légèrement l’équilibre et heurte la terre sèche dans un hoquet de surprise.
L’autre s’est redressé puis assis. Ils se font de nouveau face. La rouquine exècre cette position ; avec le derrière cloué au sol, cela rajoute du challenge pour le plan d’évasion. Cependant elle ne bouge pas. La seconde interrogation du garçon la prend plus au dépourvu encore que la première et elle ne sait plus trop si elle a réellement envie de rentrer chez elle. C’est que c’est un curieux personnage et une mascarade relativement insolite qui se déroulent sous ses yeux fauves, alors…

« Je…suppose que ça fait un peu peur, oui. Au début. » lâche-t-elle, hésitante.

Mais après tout, qu’a-t-elle a perdre à être franche avec son vis-à-vis ? Il a l’air fou et imprévisible, certes. Mais il n’a montré aucun signe d’agressivité pour l’instant, et ce, même après qu’elle l’ait fait tomber.
Dans la pénombre, elle l’observe alors que lui, fait une fixette sur la bande qui les relie l’un à l’autre. Son visage parait déçu. Elle, ne comprend pas pourquoi s’acharne-t-il à vouloir qu’elle soit blessée. Cherche-t-il à tout prix de la compagnie et quelqu’un de qui prendre soin ?

Finalement, les lèvres de Lorelei frémissent et, lentement, s’étirent. Cette fois le sourire est sincère, amusé.

« Ce que je fais là ? Ça serait plutôt à moi de te poser la question…, dit-elle en haussant le sourcil face à la question incongrue de l’étrangeté. Je travaille au cimetière, juste derrière. »

La lycanthrope tourne son regard et indique d’un geste lent la direction de la résidence des morts avant de se retourner vers Mister Momie.

« Et toi alors ? T’es perdu ? On dirait que tu défiles pour Halloween…tu t’amuses à faire peur aux gens ? »

Et en même temps qu’elle parle, ses mains cherchent le nœud qui enserre sa cheville. C’est serré et si ça continue, elle pourrait bien se retrouver avec le pied aussi bleu que son interlocuteur.